Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. G... F... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 27 septembre 2016 par laquelle le ministre chargé du travail a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 5 février 2016 et autorisé le licenciement de M. F....
Par un jugement n° 1608301 du 16 février 2018, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, des pièces et un mémoire, enregistrés les 27 mars 2018, 3 avril 2018 et 19 février 2019, M. F..., représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1608301 du tribunal administratif de Melun du 16 février 2018 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 27 septembre 2016 par laquelle le ministre chargé du travail a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 5 février 2016 et autorisé le licenciement de M. F... ;
3°) de mettre à la charge solidaire de l'Etat et de la société Récré'Action la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision contestée a été édictée par une autorité incompétente dès lors qu'elle est signée par M. E... B..., directeur général du travail qui ne disposait pas d'une délégation de signature du ministre du travail régulièrement publiée ; l'arrêté portant nomination de M. E... B... en qualité de directeur général du travail a été édicté par une autorité incompétente dès lors que seul le ministre du travail pouvait procéder à cette nomination ;
- le caractère contradictoire de l'enquête a été méconnu par le ministre du travail dès lors qu'il n'a pas eu communication de l'ensemble des pièces produites par son employeur à l'appui de son recours hiérarchique malgré sa demande formée lors de son entretien auprès du directeur de l'unité territoriale de Seine-et-Marne le 10 juin 2016 ;
- il a été sanctionné deux fois pour les mêmes faits, en méconnaissance du principe " non bis in idem " dès lors que les faits commis le 22 septembre 2015 ont déjà fait l'objet d'un rappel à l'ordre et qu'il ne pouvait pas faire l'objet pour ces mêmes faits, d'une mesure de licenciement ;
- la décision contestée est entachée d'une erreur d'appréciation en ce que l'autorisation de licenciement est disproportionnée par rapport à la gravité de la faute commise eu égard à son ancienneté au sein de l'entreprise et au caractère isolé des faits qui lui sont reprochés ;
- il existe un lien entre la procédure de licenciement et l'exercice par lui de son mandat de représentant du personnel dès lors que cette procédure a été engagée au moment où il a suggéré au comité d'entreprise de procéder à certains changements qui auraient déplu à son employeur.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 mai 2018, la société Récré'Action, représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. F... une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 février 2019, le ministre chargé du travail conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 12 février 2019, l'instruction a été close le 11 mars 2019 à 12 heures.
Un mémoire a été enregistré le 4 juin 2019 pour la société Récré'Action.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public,
- et les observations de Me H... substituant Me D..., avocat de la société Récré'Action.
Considérant ce qui suit :
1. M. F... a été recruté par la société Récré'Action le 16 avril 2012 où il occupait depuis le 1er février 2013 les fonctions de chef d'équipe en charge de la gestion et de la réalisation des chantiers d'installation, d'entretien et de maintenance d'aires de jeux. Il jouissait, depuis le
2 décembre 2014, du statut de salarié protégé en sa qualité de membre de la délégation unique du personnel. La société Récré'Action a sollicité de l'inspection du travail le 1er décembre 2015 l'autorisation de le licencier pour motif disciplinaire. Par une décision du 5 février 2016, l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser le licenciement de l'intéressé. La société Récré'Action a formé un recours hiérarchique, reçu le 4 avril 2016, contre cette décision auprès du ministre chargé du travail. Par une décision du 27 septembre 2016, le ministre a annulé la décision de l'inspecteur du travail et autorisé le licenciement de l'intéressé. M. F... relève appel du jugement du 16 février 2018 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur la légalité de la décision du 27 septembre 2016 :
2. En vertu des dispositions des articles R. 2421-4 et R. 2421-11 du code du travail, l'inspecteur du travail saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé doit, quel que soit le motif de la demande, procéder à une enquête contradictoire. En revanche, aucune règle ni aucun principe ne fait obligation au ministre chargé du travail, saisi d'un recours hiérarchique sur le fondement des dispositions de l'article R. 2422-1 du même code, de procéder lui-même à cette enquête contradictoire. Il en va toutefois autrement si l'inspecteur du travail n'a pas lui-même respecté les obligations de l'enquête contradictoire et que, par suite, le ministre annule sa décision et statue lui-même sur la demande d'autorisation.
3. Par ailleurs, aux termes des dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2 (...) sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable. ". Aux termes de l'article L. 122-1 du même code, ces décisions " n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative compétente pour adopter une décision individuelle entrant dans leur champ de mettre elle-même la personne intéressée en mesure de présenter des observations. Il en va de même, à l'égard du bénéficiaire d'une décision, lorsque l'administration est saisie par un tiers d'un recours gracieux ou hiérarchique contre cette décision. Ainsi, le ministre chargé du travail, saisi sur le fondement des dispositions de l'article R. 2422-1 du code du travail, d'un recours contre une décision autorisant ou refusant d'autoriser le licenciement d'un salarié protégé, doit mettre le tiers au profit duquel la décision contestée a créé des droits - à savoir, respectivement, l'employeur ou le salarié protégé - à même de présenter ses observations, notamment par la communication de l'ensemble des éléments sur lesquels le ministre entend fonder sa décision.
4. Enfin, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie. L'application de ce principe n'est pas exclue en cas d'omission d'une procédure obligatoire, à condition qu'une telle omission n'ait pas pour effet d'affecter la compétence de l'auteur de l'acte.
5. Il ressort des pièces du dossier que par un courrier du 27 mai 2016, le ministre chargé du travail a convoqué M. F... à un entretien le 10 juin 2016 et lui a transmis copie du recours hiérarchique formé par son employeur en lui précisant que cette communication était faite " sans les annexes, qui devraient vous être communiquées sans délai par votre employeur. En tout état de cause, et à défaut, vous avez également la possibilité de les consulter à l'adresse ci-dessous (...) ". M. F... soutient, en produisant le témoignage de la personne qui l'a accompagnée à cet entretien, qu'il a demandé en vain à consulter les pièces justificatives produites par son employeur, qui n'ont toutefois pas été retrouvées. Par ailleurs, si le recours hiérarchique formé par la société Récré'Action annonçait des pièces jointes et des annexes, il ne ressort nullement des pièces du dossier que les pièces jointes annoncées aient été communiquées à M. F... par le courrier du 27 mai 2016. Dans ses écritures en défense, la ministre du travail ne conteste pas l'absence de communication au salarié d'aucun des documents joints par l'employeur à l'appui de son recours hiérarchique, pas davantage que l'absence de consultation par le salarié de ces documents. Il est vrai que la plupart des pièces jointes à l'appui du recours hiérarchique portent le même intitulé que celles produites à l'appui de la demande d'autorisation de licenciement auprès de l'inspecteur du travail, dont M. F... a reçu copie, comme en atteste son courrier à l'inspection du travail comportant les références et l'objet du courrier daté du 24 décembre 2015 lui transmettant vingt-huit pièces et l'accusé de réception du courrier du 19 janvier 2016 lui transmettant deux pièces complémentaires. Toutefois, le recours hiérarchique était accompagné également de pièces nouvelles. Alors que la décision de l'inspectrice du travail en date du 5 février 2016 était notamment fondée sur ce que les faits reprochés à M. F... étaient eux-mêmes considérés comme insuffisamment graves par l'entreprise puisque des faits comparables n'avaient donné lieu qu'à un simple avertissement d'un autre salarié, la société Récré'Action a, en particulier, produit à l'appui de son recours hiérarchique la lettre de licenciement de ce salarié. Dans ces conditions, le ministre chargé du travail ne peut être regardé comme ayant communiqué à M. F... l'ensemble des éléments sur lesquels il a entendu fonder sa décision. Le salarié ne peut, dans ces conditions, être regardé comme ayant été mis à même de présenter utilement ses observations préalablement au retrait de la décision du 5 février 2016 refusant l'autorisation de le licencier et a donc été privé d'une garantie. Le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure doit dès lors être accueilli.
6. Il suit de là, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. F... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision ministérielle du 27 septembre 2016.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. F..., qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la société Récré'Action au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a en revanche lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser au requérant au titre des frais liés au litige.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1608301 du tribunal administratif de Melun du 16 février 2018 et la décision ministérielle du 5 février 2016 sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera à M. F... la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... F..., à la société Récré'Action et à la ministre du travail.
Délibéré après l'audience du 5 septembre 2019 à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- M. Luben, président assesseur,
- Mme C..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 26 septembre 2019.
Le rapporteur,
A. C...Le président,
J. LAPOUZADE
Le greffier,
Y. HERBERLa République mande et ordonne à la ministre du travail en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA01048