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24/09/2019 | FRANCE | N°18PA00976

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 24 septembre 2019, 18PA00976


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SNC HJF Florescence a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté de la maire de Paris en date du 5 septembre 2016 autorisant le déplacement intra-communal du débit de tabac exploité par M. F... et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1618853/2-1 du 23 janvier 2018, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté de la maire de Paris du 5 septembre 2016.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 23 mars...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SNC HJF Florescence a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté de la maire de Paris en date du 5 septembre 2016 autorisant le déplacement intra-communal du débit de tabac exploité par M. F... et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1618853/2-1 du 23 janvier 2018, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté de la maire de Paris du 5 septembre 2016.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 23 mars 2018, 6 mars 2019 et 20 mars 2019, M. F..., représenté par Me G..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 23 janvier 2018 ;

2°) de rejeter la demande de première instance de la SNC HJF Florescence ;

3°) de mettre à la charge de la SNC HJF Florescence une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal a commis une erreur de droit en se fondant pour annuler la décision attaquée sur les arrêtés préfectoraux n° 61-11076 et 61-11077 du 27 décembre 1961 alors qu'il n'est pas établi qu'ils auraient été régulièrement publiés ni par suite qu'ils seraient entrés en vigueur ;

- le tribunal a, à tort accueilli le moyen tiré de la méconnaissance des règles de distance fixées par ces arrêtés dès lors qu'il n'apparait pas que la distance entre le bâtiment protégé et l'emplacement souhaité par le requérant pour le transfert de son établissement aurait été appréciée conformément aux dispositions de l'article L. 3335-1 du code de la santé publique, en suivant l'axe des voies et en ajoutant la distance allant des voies aux portes d'accès de ces édifices ;

- le tribunal a commis une erreur d'appréciation en jugeant que la bibliothèque prise en compte aurait le caractère d'un établissement de formation ou de loisirs de la jeunesse alors qu'elle est majoritairement dédiée aux adultes ;

- les arrêtés préfectoraux n° 61-11076 et 61-11077 du 27 décembre 1961 n'ont pu servir de fondement légal au jugement attaqué dès lors qu'ils ne concernent que les zones protégées dans lesquelles ne peuvent s'implanter des débits de boissons et ne s'appliquent pas pour les débits de tabac comme en l'espèce, en application du principe d'interprétation stricte des mesures de police.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 21 février 2019, 6 mars 2019, et 14 mars 2019, la SNC HJF Florescence, représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de mettre à la charge de M. F... une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par des mémoires enregistrés, les 27 février 2019 et 20 mars 2019 le ministre de l'action et des comptes publics demande à la Cour d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris du 23 janvier 2018.

Il soutient que :

- les arrêtés préfectoraux n° 61-11076 et 61-11077 du 27 décembre 1961 n'ont pu servir de fondement légal au jugement attaqué dès lors qu'ils ne concernent que les zones protégées dans lesquelles ne peuvent s'implanter des débits de boissons et ne s'appliquent pas pour les débits de tabac comme en l'espèce ;

- le tribunal a commis une erreur d'appréciation en jugeant que la bibliothèque prise en compte aurait le caractère d'un établissement de formation ou de loisirs de la jeunesse.

Par ordonnance du 6 mars 2019, la clôture de l'instruction a été reportée du 8 mars au 20 mars 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures ;

- le décret n° 2010-720 du 28 juin 2010 relatif à l'exercice du monopole de la vente au détail des tabacs manufacturés ;

- l'arrêté n° 61-11077 du 27 décembre 1961 modifié par l'arrêté n° 72-16275 du 29 avril 1972 ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme H...,

- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,

- les observations de Me E..., pour M. F...,

- et les observations de Me A..., pour la SNC HJF Florescence.

Une note en délibéré, enregistrée le 12 septembre 219, a été présentée par Me G..., pour M. F....

Une note en délibéré, enregistrée le 13 septembre 2019, a été présentée par Me B..., pour la SNC HJF Florescence.

Considérant ce qui suit :

1. M. F... qui exploitait un débit de tabac, 55 rue Ramey à Paris dans le 18ème arrondissement a sollicité et obtenu par arrêté du 5 septembre 2016 de la maire de Paris l'autorisation de transférer cet établissement 26 rue Hermel dans le même arrondissement, mais la SNC HJF Florescence, qui exploite également un débit de tabac à proximité, a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande d'annulation de cet arrêté d'autorisation de transfert. M. F... interjette appel du jugement du 23 janvier 2018 du tribunal annulant l'arrêté d'autorisation de transfert dont il bénéficiait.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article 11 du décret du 28 juin 2010 visé ci-dessus relatif à l'exercice du monopole de la vente au détail des tabacs manufacturés: " Les implantations de débits de tabac sont interdites : (...) 4° En zone protégée, conformément aux dispositions des articles L. 3335-1 et L. 3511-2-2 du code de la santé publique.". Aux termes de l'article L. 3335-1 du code de la santé publique : " Le représentant de l'Etat dans le département peut prendre des arrêtés pour déterminer sans préjudice des droits acquis, les distances auxquelles les débits de boissons à consommer sur place ne peuvent être établis autour des édifices et établissements suivants dont l'énumération est limitative : 1° Edifices consacrés à un culte quelconque ; (...) 4° Etablissements d'instruction publique et établissements scolaires privés ainsi que tous établissements de formation ou de loisirs de la jeunesse ; (...) ". Aux termes de l'article 1er de l'arrêté n°61-11077 du 27 décembre 1961 modifié par l'arrêté n° 72-16275 du 29 avril 1972 : " Sur le territoire du département de la Seine, aucun débit de boissons à consommer sur place des 2ème, 3ème et 4ème catégorie ne pourra être établi à moins de 75 mètres des édifices et établissements suivants : 1° - Edifices consacrés à un culte quelconque ; (...) ; 4° Etablissements d'instruction publique et établissements scolaires privés ainsi que tous établissements de formation ou de loisirs de la jeunesse ; (...) ". Aux termes de l'article L. 3512-10 du code de la santé publique : " L'article L. 3335-1 est applicable aux lieux de vente de tabac manufacturé, sans préjudice des droits acquis. Par dérogation à l'article L. 3335-1 et sans préjudice des droits acquis, un débit de tabac ne peut être établi autour d'un établissement d'instruction publique, d'un établissement scolaire privé ou d'un établissement de formation ou de loisirs de la jeunesse à une distance inférieure à un seuil fixé par arrêté du représentant de l'Etat dans le département. ".

3. Il résulte de ces dispositions combinées que le représentant de l'Etat dans le département a la faculté en application de l'article L. 3335-1 du code de la santé publique d'interdire l'implantation de débits de boissons dans un périmètre de protection, fixé par arrêté, autour de divers établissements parmi lesquels les établissements d'instruction publique et établissements scolaires privés ainsi que tous établissements de formation ou de loisirs de la jeunesse et d'autre part qu'il a l'obligation, en application de l'article L. 3512-10 du même code ainsi que de l'article 13 du décret du 28 juin 2010 d'opposer une telle interdiction aux débits de tabacs à une distance qu'il détermine. Il n'en résulte pas en revanche que l'arrêté pris pour l'application de l'article L. 3335-1 du code de la santé publique et instituant un périmètre de protection opposable aux débits de boissons serait applicable aux débits de tabacs, cette circonstance ne pouvant se déduire ni de l'obligation dans laquelle se trouve le représentant de l'Etat d'instaurer de telles zones de protection à l'égard des débits de tabacs, ni de la directive n° 2014/40/UE sur la fabrication, la présentation et la vente des produits du tabac et des produits connexes, ni de la portée donnée par l'administration des douanes aux arrêtés préfectoraux instituant de telles zones de protection.

4. Il résulte de ce qui précède que les arrêtés n° 61-1106 et 61-11077 du préfet de police du 27 décembre 1961, modifiés par l'arrêté n° 72-16275 du 29 avril 1972, pris pour l'application de l'article L. 3335-1 du code de la santé publique et ayant pour objet d'instaurer autour des édifices visés par cet article un périmètre de protection de 75 M dans lequel est interdite l'implantation de débits de boissons sont inopposables pour ce qui concerne l'implantation des débits de tabac. M. F... est par suite fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris s'est fondé sur ces arrêtés pour prononcer l'annulation de l'arrêté de la maire de Paris du 5 septembre 2016 autorisant le déplacement intra-communal du débit de tabac qu'il exploite.

5. Il y a lieu pour la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés devant les premiers juges par la société SNC HJF Florescence.

6. En premier lieu, aux termes de l'article 70 de la loi visée ci-dessus du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures: " Le déplacement, dans la même commune, d'un débit de tabac ordinaire permanent est autorisé par le maire, après avis du directeur régional des douanes et de l'organisation professionnelle représentative sur le plan national des débitants de tabac. A défaut de réponse dans le délai d'un mois à compter de la date de saisine, le silence gardé par le directeur régional des douanes ou par l'organisation professionnelle représentative sur le plan national des débitants de tabac vaut avis favorable ". Ces dispositions ne prévoyant pas, pour le cas de Paris, d'exception à la compétence du maire pour autoriser le déplacement intra-communal d'un débit de tabac, la SNC HJF Florescence n'est pas fondée à soutenir que cette décision, en tant qu'elle constituerait une mesure de police administrative, relèverait de la compétence du préfet de police et serait par suite entachée d'incompétence.

7. Il ressort en deuxième lieu des pièces du dossier produites devant les premiers juges que Mme C... I..., directrice de l'attractivité et de l'emploi a, par arrêté du 4 novembre 2015 publié le 13 novembre suivant au BMO de la ville de Paris, reçu délégation " à l'effet de signer, dans la limite de ses attributions, tous actes, arrêtés et décision préparés par les services placés sous son autorité ". Le moyen tiré de ce que la signataire de la décision attaquée ne justifierait pas d'une délégation régulière de signature à cette fin manque dès lors en fait.

8. En troisième lieu, si en application des dispositions citées au point 6 de l'article 70 de la loi du 12 mai 2009 le maire, saisi d'une demande de transfert d'un débit de tabac au sein de sa commune, doit recueillir l'avis du directeur régional des douanes et de l'organisation professionnelle représentative sur le plan national des débitants de tabac, la ville de Paris a versé au dossier devant le tribunal l'avis, en date du 22 juillet 2016, du directeur régional des douanes et celui, en date du 26 juillet 2016, de la confédération nationale des buralistes émis après consultation de la chambre syndicale des buralistes de la région de Paris, tous deux d'ailleurs visés dans la décision attaquée. Le moyen tiré du vice de procédure entachant l'autorisation litigieuse faute de consultation des autorités prévues à l'article 70 de la loi du 12 mai 2009 manque dès lors également en fait.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 9 du décret visé ci-dessus du 28 juin 2010 : " L'implantation d'un débit de tabac ne doit pas avoir pour effet de déséquilibrer le réseau local existant de vente au détail des tabacs ". Si la société SNC Florescence soutient que le transfert du débit de tabac de M. F... à l'emplacement souhaité entrainerait un déséquilibre du réseau local existant, en méconnaissance de ces dispositions, il ressort des pièces du dossier que le transfert autorisé consistera en un déplacement d'environ 230 M seulement de l'établissement litigieux. Par ailleurs, la seule circonstance que, depuis la fermeture d'un autre débit de tabac qui a existé au 28 rue Hermel jusqu'en 2001, les gains de la société SNC HJF Florescence se sont accrus, et qu'ils risquent de diminuer à nouveau du fait du transfert litigieux, ne suffit pas à établir l'existence d'un risque de déséquilibre du réseau existant. En outre, ce transfert a fait l'objet d'avis favorables de la confédération nationale des buralistes et de la direction régionale des douanes, cette dernière mentionnant d'ailleurs expressément dans son avis du 22 juillet 2016 que " ce déplacement de moins de 300 M ne peut nuire à l'équilibre du réseau local existant de vente au détail de tabacs ". Enfin, si la société SNC HJF Florescence soutient que ce transfert aura lieu dans un secteur comportant différents éléments générateurs de clientèle dont elle bénéficie elle-même, tels que la station de métro Jules Joffrin, l'arrêt de bus " mairie du XVIIIème ", la mairie de cet arrondissement, le CCAS, la paroisse Notre-Dame de Clignancourt et plusieurs rues commerçantes, cette circonstance même confirme la possibilité de l'existence conjointe de deux établissements dans cette zone. Il s'ensuit que l'existence d'un déséquilibre du réseau existant, et par suite la méconnaissance des dispositions de l'article 9 du décret du 28 juin 2010 ne ressortent pas des pièces du dossier.

10. Si la SNC HJF Florescence soutient enfin que la décision attaquée méconnaitrait les dispositions citées au point 2 de l'article 11 du décret du 28 juin 2010 car l'établissement litigieux se situerait dans la zone de protection de la bibliothèque Robert Sabatier distante de 71 M, de l'église Notre-Dame de Clignancourt distante de 73 M, et d'un manège implanté à 61 M, il résulte en tout état de cause de ce qui a été dit au point 4 que la zone de protection de 75 M autour de certains édifices instaurée par les arrêtés du préfet de police du 27 décembre 1961, modifiés par l'arrêté du 29 avril 1972, pris pour l'application de l'article L. 3335-1 du code de la santé publique, concerne les débits de boissons et non les débits de tabac.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. F... est fondé à demander l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Paris annulant l'arrêté de la maire de la ville de Paris en date du 5 septembre 2016 autorisant le déplacement intra-communal du débit de tabac exploité par M. F....

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. F..., qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la SNC HJF Florescence au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SNC HJF Florescence une somme de 1 500 euros à verser à M. F... sur le même fondement.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1618853/2-1 du 23 janvier 2018 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande de première instance de la SNC HJF Florescence et ses conclusions d'appel présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La SNC HJF Florescence versera à M. F... une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... F..., à la SNC HJF Florescence, au ministre de l'action et des comptes publics et à la maire de Paris.

Délibéré après l'audience du 10 septembre 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- Mme H..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 24 septembre 2019.

Le rapporteur,

M-I. H...Le président,

O. FUCHS TAUGOURDEAU

Le greffier,

T. ROBERT

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

7

N° 18PA00976


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA00976
Date de la décision : 24/09/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-05-04 Police. Polices spéciales. Police des débits de boissons.


Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: Mme Marie-Isabelle LABETOULLE
Rapporteur public ?: M. BAFFRAY
Avocat(s) : CABINET DRAI ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 08/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-09-24;18pa00976 ?
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