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24/09/2019 | FRANCE | N°17PA02485

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 24 septembre 2019, 17PA02485


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. J... F... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 8 décembre 2015, par laquelle l'inspecteur du travail a accordé à la société LINEA BTP l'autorisation de le licencier.

Par un jugement n° 1601130 du 24 mai 2017, le tribunal administratif de Melun a annulé l'autorisation de licenciement du 8 décembre 2015.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 juillet 2017, complétée par des pièces enregistrées le 28 juillet 2017 et un m

émoire enregistré le 1er décembre 2017, Me B... I..., liquidateur de la société LINEA BTP, représ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. J... F... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 8 décembre 2015, par laquelle l'inspecteur du travail a accordé à la société LINEA BTP l'autorisation de le licencier.

Par un jugement n° 1601130 du 24 mai 2017, le tribunal administratif de Melun a annulé l'autorisation de licenciement du 8 décembre 2015.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 juillet 2017, complétée par des pièces enregistrées le 28 juillet 2017 et un mémoire enregistré le 1er décembre 2017, Me B... I..., liquidateur de la société LINEA BTP, représenté par le cabinet Brémond et associés, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Melun du 24 mai 2017 et de rejeter les demandes de M. F... ;

2°) de mettre à la charge de M. F... la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la recherche d'un reclassement, qui est une obligation de moyen et non de résultat, a été loyale et sérieuse au regard des moyens dont dispose le liquidateur ;

- les entreprises du groupe Bouygues ont été interrogées à partir d'informations complètes et précises fournies sur l'emploi qu'occupait le salarié ;

- en revanche, le profil personnalisé de chaque salarié n'avait pas à être fourni, ainsi qu'il ressort de la jurisprudence de la Cour de cassation ;

- aucun reclassement n'était envisageable compte tenu des démarches initiées par M. F... pour faire valoir ses droits à la retraite et ainsi cesser toute activité professionnelle ;

- par ailleurs, la décision de l'inspecteur du travail était suffisamment motivée.

Par des mémoires enregistrés les 30 octobre 2017 et 16 janvier 2018, la société SMAC représentée par Me H... A..., demande à la cour de faire droit à la requête de

Me I..., d'annuler le jugement du tribunal administratif de Melun et de rejeter les demandes de M. F....

La société SMAC, qui se réfère à ses écritures de première instance, soutient que :

- la décision de l'inspecteur du travail est suffisamment motivée ;

- la cessation d'activité de la société LINEA BTP était totale et définitive ;

- la société SMAC n'était pas le co-employeur du demandeur ;

- le liquidateur judiciaire a satisfait à son obligation de recherche d'un reclassement.

Par un mémoire enregistré le 8 novembre 2017, M. F..., représenté par Me C... G..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- pas plus que ses collègues, il n'a eu accès aux offres de reclassement ;

- les boites mail des salariés ont été fermées le 24 septembre 2015 ;

- les offres de reclassement étaient insuffisantes au regard de l'importance du groupe, et qualitativement peu attractives ;

- le liquidateur ne justifie pas qu'il aurait aidé M. F... à compléter son dossier de retraite ;

- c'est à bon droit que le tribunal a jugé que le liquidateur ne justifiait pas avoir examiné la possibilité de reclasser M. F... dans un emploi équivalent à celui qu'il occupait ;

- la décision contestée est insuffisamment motivée ;

- la société SMAC avait qualité de co-employeur.

Le ministre du travail, à qui la requête a été communiquée, n'a pas produit de mémoire.

La clôture de l'instruction est intervenue le 29 mai 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D...,

- les conclusions de Mme Pena, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant la société SMAC.

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 22 juillet 2015, le tribunal de commerce de Créteil a prononcé la liquidation judiciaire de la société Linéa BTP, en cessation de paiement, avec maintien d'activité pour trois mois. Par un jugement du 23 septembre 2015, ce tribunal a mis fin à la poursuite de l'activité. Par décision du 8 décembre 2015, l'inspecteur du travail a autorisé Me I..., liquidateur judiciaire de la société Linéa BTP, qui l'avait saisi le 15 octobre 2015 d'une demande en ce sens, à licencier M. J... F..., délégué du personnel. Me I... relève appel du jugement du 24 mai 2017 par lequel le tribunal administratif de Melun a annulé cette décision.

Sur l'intervention de la société SMAC :

2. La société SMAC, qui détenait directement ou indirectement la majorité du capital de la société Linéa BTP, a produit un mémoire devant le tribunal administratif de Melun pour contester notamment les affirmations du demandeur selon lesquelles elle avait la qualité de co-employeur. Elle justifie en sa qualité de société mère de la société Linéa BTP d'un intérêt suffisant à intervenir dans l'appel formé par le liquidateur de cette société. Son intervention est ainsi recevable.

Sur les motifs d'annulation retenus par les premiers juges :

3. D'une part, en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande d'autorisation de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière. A ce titre, lorsque la demande est fondée sur la cessation d'activité de l'entreprise, il appartient à l'autorité administrative de contrôler, outre le respect des exigences procédurales légales et des garanties conventionnelles, que la cessation d'activité de l'entreprise est totale et définitive, que la demande ne présente pas de caractère discriminatoire et que l'employeur a satisfait, le cas échéant, à l'obligation de reclassement prévue par le code du travail. Pour apprécier si l'employeur a satisfait à cette dernière obligation, l'autorité administrative doit s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, qu'il a procédé à une recherche sérieuse des possibilités de reclassement du salarié, tant au sein de l'entreprise que dans les entreprises du groupe auquel elle appartient, ce dernier étant entendu, à ce titre, comme les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel.

4. D'autre part, aux termes de l'article R. 2421-12 du code du travail : " La décision de l'inspecteur du travail est motivée ".

5. Pour annuler l'autorisation de licencier M. F..., le tribunal administratif de Melun s'est fondé d'une part sur le motif tiré de ce que la motivation insuffisante de la décision ne permettait pas de déterminer si l'inspecteur du travail s'était assuré de ce que le liquidateur avait correctement satisfait à l'obligation de reclassement, d'autre part sur le motif tiré de ce que le liquidateur ne justifiait pas avoir examiné la possibilité de reclasser M. F... sur un emploi équivalent à celui qu'il occupait.

6. Pour accorder par la décision contestée du 8 décembre 2015 l'autorisation de licencier M. F..., l'inspecteur du travail, après avoir visé les textes applicables et les étapes de la procédure a relevé que par jugement du 23 septembre 2015 le tribunal de commerce de Créteil avait prononcé la liquidation judiciaire de la société Linéa BTP ce qui entrainait la cessation totale et définitive de l'activité et par voie de conséquence la suppression de tous les postes de travail, que les offres de reclassement proposées avaient été refusées par le salarié, et qu'il résultait de l'enquête qu'il n'existait pas de lien entre la demande d'autorisation et les mandats détenus par le salarié. En se bornant à relever que le salarié avait refusé les offres de reclassement qui lui avaient été faites, l'inspecteur du travail ne s'est pas prononcé sur la réalité des efforts de reclassement et le caractère sérieux des recherches par Me I..., liquidateur de la société Linéa BTP, alors qu'un tel élément de l'appréciation à laquelle l'administration doit se livrer lorsqu'elle est saisie d'une demande d'autorisation de licenciement pour motif économique est au nombre des motifs qui doivent figurer dans sa décision. Ainsi la décision est entachée d'un défaut de motivation.

7. L'insuffisance de motivation, qui ne permet pas de déterminer si l'inspecteur du travail a contrôlé le caractère réel des efforts de reclassement par le liquidateur, était de nature à elle seule à entrainer l'annulation de la décision contestée. Par suite, et sans qu'il soit besoin pour la Cour de se prononcer sur l'autre motif retenu par le tribunal administratif de Melun,

Me I... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a annulé la décision l'autorisant à licencier M. F....

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. M. F... n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées par Me I... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Il y a lieu, dans les circonstances de l'affaire de mettre à la charge de l'Etat la somme de 300 euros à verser à M. F... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : L'intervention de la société SMAC est admise.

Article 2 : La requête de Me I..., liquidateur judiciaire de la société Linéa BTP, est rejetée.

Article 3 : L'Etat versera à M. F... la somme de 300 euros sur le fondement de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Me I..., liquidateur judiciaire de la société Linéa BTP, au ministre du travail, à M. J... F... et à la société SMAC.

Copie en sera adressée pour information à l'inspecteur du travail de l'unité territoriale du Val-de-Marne (direction régionale des entreprises, de la concurrence de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France).

Délibéré après l'audience du 10 septembre 2019, à laquelle siégeaient :

- M. E..., premier vice-président,

- M. D..., président assesseur,

- Mme Jayer, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 24 septembre 2019.

Le rapporteur,

Ch. D... Le président,

M. E...

Le greffier,

N. DAHMANI

La République mande et ordonne au ministre du travail en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 10PA03855

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N° 17PA02485


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: M. Christian BERNIER
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : VRILLAC

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Date de la décision : 24/09/2019
Date de l'import : 08/10/2019

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 17PA02485
Numéro NOR : CETATEXT000039184150 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-09-24;17pa02485 ?
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