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31/07/2019 | FRANCE | N°18PA03097

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 31 juillet 2019, 18PA03097


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Orientis Gourmet a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite, née sur sa demande reçue le 21 décembre 2017, par laquelle la maire de Paris a refusé de faire droit à sa demande indemnitaire en répétition de sommes selon elle indûment payées au titre des droits de voirie pour les exercices 2013 et 2014 et de condamner la Ville de Paris à lui restituer la somme de 189 444,13 euros, ou, à titre subsidiaire, les sommes de 80 831,74 euros ou 38 385,23 euros, avec

capitalisation des intérêts.

Par une ordonnance n° 1805898 du 13 juillet 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Orientis Gourmet a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite, née sur sa demande reçue le 21 décembre 2017, par laquelle la maire de Paris a refusé de faire droit à sa demande indemnitaire en répétition de sommes selon elle indûment payées au titre des droits de voirie pour les exercices 2013 et 2014 et de condamner la Ville de Paris à lui restituer la somme de 189 444,13 euros, ou, à titre subsidiaire, les sommes de 80 831,74 euros ou 38 385,23 euros, avec capitalisation des intérêts.

Par une ordonnance n° 1805898 du 13 juillet 2018, le vice-président de la 4ème section du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 13 septembre 2018, 12 mars 2019 et 30 avril 2019, la société Orientis Gourmet, représentée par Me Aaron, demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1805898 du 13 juillet 2018 du vice-président de la 4ème section du tribunal administratif de Paris ;

2°) de condamner la Ville de Paris à lui verser les sommes de 189 444,13 euros, à titre subsidiaire de 80 831,74 euros et à titre infiniment subsidiaire de 38 385,23 euros, en répétition de sommes indument payées ;

3°) de dire que ces sommes seront augmentées des intérêts légaux à compter de la date de réception par l'administration de la réclamation préalable et de la capitalisation des intérêts ;

4°) de mettre à la charge de la Ville de Paris une somme de 10 000 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

S'agissant de la régularité de l'ordonnance :

- elle a été rendue en méconnaissance du principe du contradictoire et des dispositions des articles R. 611-7, R. 222-1 et R. 612-3 du code de justice administrative ;

S'agissant de la tardiveté de sa demande retenue par le premier juge :

- la jurisprudence Lafon ne peut être opposée à une action en répétition de l'indu s'inspirant des articles 1302 et suivants du code civil ;

- le délai de droit commun de prescription des créances détenues par les particuliers sur l'administration est la prescription quadriennale prévue par l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 comme par l'article L. 2321-5 du code général de la propriété des personnes publiques ;

- l'application à son cas de la jurisprudence Lafon viole le droit au recours effectif garanti par l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son droit de propriété protégé par l'article 1er de son premier protocole additionnel ;

- les conditions de mise en oeuvre de cette jurisprudence ne sont pas réunies ;

- il est intervenu des changements dans les circonstances de droit et de fait, postérieurs à l'émission des titres exécutoires de 2013 et 2014, qui démontrent le caractère indu des sommes perçues ;

S'agissant du bien-fondé de sa demande :

- le tribunal administratif de Paris a jugé le 26 mars 2015 et la Cour administrative d'appel a confirmé le 26 septembre 2017 que les droits de voirie additionnels payés au titre du chauffage/climatisation ne sont pas dus par les commerces occupant une contre-terrasse et non une terrasse, ce qui est son cas ; en outre les tarifs sont exorbitants et méconnaissent l'article L. 2125-3 du code général de la propriété des personnes publiques en l'absence de prise en compte des avantages spécifiquement procurés par des installations au titre desquelles les droits de voirie additionnels sont réclamés ;

- la surface de la contre-terrasse qu'elle occupe a été réduite à 45,5 m² par arrêté du 18 février 2014 ; elle a acquitté en 2014 une redevance pour une surface de 70 m² ;

- la ville de Paris lui a appliqué à tort la nomenclature applicable aux terrasses ouvertes " non protégées " alors qu'il existe une nomenclature applicable aux terrasses protégées.

Par un mémoire en défense enregistré le 12 mars 2019, la Ville de Paris, représentée par Me Falala, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la société Orientis Gourmet.

Elle soutient que :

- l'ordonnance est régulière ;

- l'action est tardive ;

- si par extraordinaire la Cour censurait le jugement attaqué, il lui serait demandé de renvoyer l'examen de la requête de première instance au tribunal plutôt que de s'en saisir par la voie de l'évocation.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Legeai,

- les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public,

- les observations de Me Aaron, avocat de la société Orientis Gourmet, et de Me Falala, avocat de la Ville de Paris.

Des notes en délibéré présentées pour la société Orientis Gourmet ont été enregistrées les 9 mai 2019 et 19 juin 2019.

Considérant ce qui suit :

1. La société Orientis Gourmet, qui regroupe des activités de ventes de thés et d'accessoires, exploite un fonds de commerce 71-73 avenue des Champs Elysées à Paris à l'enseigne Kusmi Tea, Kousmichoff. Elle a disposé d'une autorisation d'occupation du domaine public en vue d'installer une contre-terrasse en face de son magasin durant la période du 13 juin 2013 au 26 septembre 2016. Par un courrier reçu le 21 décembre 2017, la société Orientis Gourmet a saisi la Ville de Paris d'une " demande indemnitaire préalable- répétition des sommes indument payées au titre de l'occupation de la contre-terrasse " par laquelle elle demandait le remboursement de la somme de 189 444,13 euros selon elle indument perçue par la ville sur le fondement de deux titres exécutoires émis l'un le 2 décembre 2013 pour un montant de 93 113,61 euros au titre des droits de voirie pour 2013 (titre n° 00409992) et l'autre le 27 juin 2014 pour un montant de 129 283,62 euros (titre n° 00213237) au titre des droits de voirie pour 2014. La société ne demandait qu'un remboursement partiel, à hauteur de la somme totale précitée de 189 444,13 euros, des sommes mises à sa charge par ces deux titres exécutoires : pour 2013, la somme correspondant aux droits de voirie additionnels payés pour l'installation de dispositifs de chauffage (87 389,40 euros), pour 2014, les sommes correspondant à une réduction de la superficie de la contre-terrasse (11 250,43 euros), une réduction dans les mêmes proportions du supplément pour parasols (1667 euros) et la somme demandée au titre des droits de voirie additionnels payés pour l'installation de dispositifs de chauffage (89 137,30 euros). La société Orientis Gourmet fait régulièrement appel de l'ordonnance n° 1805898 du 13 juillet 2018 par laquelle le vice-président de la 4ème section du tribunal administratif de Paris a rejeté comme manifestement irrecevable sa requête, enregistrée le 12 avril 2018, tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle la Ville de Paris a rejeté sa demande et à la condamnation de la Ville de Paris à lui verser la somme de 189 444,13 euros à titre de répétition des sommes indument perçues, ou, à titre subsidiaire, les sommes de 80 831,74 euros ou 38 385,23 euros, ainsi que les intérêts à taux légal et la capitalisation des intérêts.

Sur la régularité de l'ordonnance :

2. L'article R. 222-1 du code de justice administrative dispose : " (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours (...) peuvent, par ordonnance : (...) 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens (...) ".

3. D'une part, l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales dispose : " L'action dont dispose le débiteur d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local pour contester directement devant la juridiction compétente le bien-fondé de ladite créance se prescrit dans le délai de deux mois suivant la réception du titre exécutoire ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d'un acte de poursuite ". De plus, le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci en a eu connaissance. Dans cette hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative ou les autres dispositions applicables, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. S'agissant des titres exécutoires, sauf circonstances particulières dont se prévaudrait son destinataire, le délai raisonnable ne saurait excéder un an à compter de la date à laquelle le titre, ou à défaut, le premier acte procédant de ce titre ou un acte de poursuite a été notifié au débiteur ou porté à sa connaissance.

4. D'autre part, l'expiration du délai permettant d'introduire un recours en annulation contre une décision expresse dont l'objet est purement pécuniaire fait obstacle à ce que soient présentées des conclusions indemnitaires ayant la même portée. En outre, si l'article L. 2321-5 du code général de la propriété des personnes publiques dispose : " L'action en restitution des produits et redevances de toute nature du domaine de l'Etat, des départements, des communes et des établissements publics dotés d'un comptable public est soumise à la prescription quadriennale des créances prévue par la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ", ces dispositions qui se bornent à rappeler que l'action qu'elles visent est soumise à une règle de déchéance déjà applicable n'ont ni pour objet ni pour effet de créer pour la contestation des titres exécutoires ou les actions indemnitaires ayant le même objet un délai de recours différent de celui mentionné au point 3 ci-dessus.

5. En l'espèce, la société requérante avait fondé sa demande indemnitaire reçue le 21 décembre 2017 et implicitement rejetée le 21 février suivant par la Ville de Paris, sur le caractère indu de certaines sommes perçues par celle-ci en exécution des titres émis les 2 décembre 2013 et 27 juin 2014, dont il n'est pas contesté que la société en avait connaissance depuis plus d'un an, pour les avoir d'ailleurs contestés gracieusement. Elle faisait valoir cependant que plusieurs décharges lui avaient été accordées par le juge administratif ou l'administration pour tenir compte d'erreurs de fait ou de droit dans la prise en compte de sa situation entre 2014 et 2016 et produisait en particulier un courrier du 9 novembre 2015 de la Ville de Paris reconnaissant le caractère partiellement infondé du titre n° 00213237 du 27 juin 2014 et annonçant un dégrèvement de 64 026,93 euros, courrier qui selon la société requérante, non démentie par la Ville de Paris dans son mémoire de première instance, n'avait pas été suivi d'effet. Dans ces conditions, la société faisait état de circonstances particulières justifiant qu'elle puisse contester, postérieurement à l'expiration du délai raisonnable d'un an mentionné à l'article 3, au moins l'un des deux titres exécutoires litigieux et son action indemnitaire introduite dans le délai de deux mois suivant le rejet implicite de sa demande préalable n'était pas manifestement irrecevable.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la société Orientis Gourmet est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le vice-président de la quatrième section du tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête sur le fondement des dispositions du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative. Par suite, cette ordonnance doit être annulée.

7. Dans les circonstances de l'espèce, et comme le demande la ville de Paris, il y a lieu de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Paris pour y être à nouveau statué sur la demande de la société Orientis Gourmet.

Sur les frais liés au litige :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Ville de Paris une somme de 1 000 euros à verser à la société Orientis Gourmet sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font obstacle à ce que la société Orientis Gourmet, qui n'est pas partie perdante, verse à la Ville de Paris la somme que celle-ci demande au titre des frais de procédure qu'elle a exposés.

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 1805898 du 13 juillet 2018 du vice-président de la 4ème section du tribunal administratif de Paris est annulée.

Article 2 : L'affaire est renvoyée devant le tribunal administratif de Paris.

Article 3 : La Ville de Paris versera à la société Orientis Gourmet une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la Ville de Paris tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5: Le présent arrêt sera notifié à la société Orientis Gourmet et à la Ville de Paris.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances d'Ile-de-France et du département de Paris.

Délibéré après l'audience du 9 mai 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme Pellissier, présidente de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- M. Legeai, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 31 juillet 2019.

Le rapporteur,

A. LEGEAI La présidente,

S. PELLISSIER Le greffier,

M.A...

La République mande et ordonne au préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18PA03097


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18PA03097
Date de la décision : 31/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

24-01-02-01-01-04 Domaine. Domaine public. Régime. Occupation. Utilisations privatives du domaine. Redevances.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: M. Alain LEGEAI
Rapporteur public ?: Mme ORIOL
Avocat(s) : CGCB ET ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 13/08/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-07-31;18pa03097 ?
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