Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D...C...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 11 mai 2017 par lequel le préfet de police a refusé le renouvellement de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 1709557 du 12 décembre 2017 le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 4 janvier 2018, M.C..., représenté par MeB..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1709557 du 12 décembre 2017 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 11 mai 2017 du préfet de police ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour, dans un délai de trente jours à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué ne vise pas son moyen tiré de l'erreur de droit dans l'application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est insuffisamment motivé sur ce point ;
- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;
- les articles L. 112 et D 131-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnus, et la décision attaquée a été prise en méconnaissance du champ d'application de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988, notamment de son article 3 ;
- elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La requête de M. C...a été communiquée au préfet de police, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Lescaut a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.C..., ressortissant tunisien né le 1er décembre 1967, est entré en France en 2002, selon ses déclarations. Il a sollicité son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 11 mai 2017, le préfet de police a refusé de faire droit à cette demande, lui a fait obligation de quitter le territoire et a fixé son pays de destination. M. C...fait appel du jugement du 12 décembre 2017 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Il ressort du jugement dont il est fait appel que le moyen tiré de l'erreur de droit dans l'application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été visé, et écarté par une motivation suffisante, les premiers juges n'étant pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments invoqués. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué doit être écarté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. En premier lieu, en vertu des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, les mesures de police doivent être motivées et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.
4. L'arrêté contesté vise les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicables à la situation de M.C..., et les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988. Il expose les motifs pour lesquels ce dernier ne peut prétendre au renouvellement d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées en relevant notamment qu'en raison des suspicions de fraude entachant son mariage en 2003 avec Mme A..., de nationalité française, il a fait l'objet d'un arrêté le 27 avril 2015 lui retirant sa carte de résident valable du 5 août 2003 au 4 août 2013. Il mentionne également qu'eu égard aux circonstances propres au cas d'espèce, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. L'arrêté mentionne enfin qu'il n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cet arrêté comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, et est suffisamment motivé au regard des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation de la décision attaquée doit être écarté.
5. En deuxième lieu, M. C...soutient que le préfet de police était tenu d'examiner sa demande de titre de séjour au regard des dispositions de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988. Il ne ressort toutefois d'aucune pièce du dossier que l'intéressé aurait sollicité un titre de séjour sur le fondement des stipulations précitées de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié. Dès lors, le préfet n'était pas tenu d'examiner la demande d'admission au séjour déposée par M. C...au regard de ce texte. Par suite, le moyen tiré de sa méconnaissance ne peut qu'être écarté.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 ".
7. Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaires prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-tunisien prévoit la délivrance de titres de séjour pour l'exercice d'une activité salariée, un ressortissant tunisien souhaitant obtenir un titre de séjour en cette qualité ne peut utilement invoquer les dispositions précitées de l'article L. 313-14 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national. Toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier comme il l'a fait, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité ou non d'accorder une mesure de régularisation à un ressortissant tunisien qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié.
8. M. C...se prévaut de l'ancienneté de son séjour en France. Ces seuls éléments ne sauraient cependant suffire à caractériser un motif exceptionnel d'admission au séjour ou une considération humanitaire au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors que la durée du séjour en France de l'intéressé n'a été possible que par l'obtention frauduleuse d'une carte de résident. Par suite, le préfet de police n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en refusant d'admettre M. C...au séjour.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
10. Si M. C...se prévaut de l'ancienneté de son séjour en France où il a fixé le centre de ses intérêts, il ressort des pièces du dossier que son épouse et sa fille, ainsi que sa fratrie, résident en Tunisie, où il a lui même vécu au moins jusqu'à l'âge de 34 ans, et qu'il se déclare aujourd'hui célibataire et sans charge de famille. Par ailleurs, si M. C...a obtenu en 2003 un titre de dix ans, celui-ci lui a été retiré au motif qu'il avait été obtenu après un mariage conclu dans le seul but d'obtenir un titre de séjour. Dans ces conditions, M. C...n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
11. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 4° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans, sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention " étudiant " ".
12. M.C..., dont la carte de résident a été retirée par un arrêté du 27 avril 2015, ne justifie pas de sa présence en France en situation régulière depuis plus de dix ans. Le moyen tiré de la violation du 4° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit, par suite, être écarté.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 27 juin 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Formery, président,
- Mme Lescaut, premier conseiller,
- M. Doré, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 juillet 2019.
Le rapporteur,
C. LESCAUT
Le président,
S-L. FORMERY
Le greffier,
N. ADOUANE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA00027