La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/07/2019 | FRANCE | N°18PA01611

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 05 juillet 2019, 18PA01611


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Paris la décharge de l'obligation de payer résultant d'une mise en demeure tenant lieu de commandement de payer du 15 juin 2015.

Par un jugement n° 1615990/2-2 du 13 mars 2018, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 11 mai 2018 et 22 février 2019, M. A..., représenté par l'AARPI De Guillenchmidt et Associés, demande à la Cour :

1°) d'

annuler le jugement n° 1615990/2-2 du 13 mars 2018 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de pron...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Paris la décharge de l'obligation de payer résultant d'une mise en demeure tenant lieu de commandement de payer du 15 juin 2015.

Par un jugement n° 1615990/2-2 du 13 mars 2018, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 11 mai 2018 et 22 février 2019, M. A..., représenté par l'AARPI De Guillenchmidt et Associés, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1615990/2-2 du 13 mars 2018 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge litigieuse ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'action en recouvrement est prescrite ;

- l'acte du 21 juin 2012, qui, d'après l'administration, constituait le premier acte lui permettant d'invoquer la prescription, a été envoyé à une adresse erronée ;

- l'administration, qui a refusé de lui communiquer les actes interruptifs de prescription, est de mauvaise foi. Elle a violé son droit à un procès équitable.

Par un mémoire, enregistré le 22 août 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les conclusions de M.A..., qui demande " la décharge des impositions visées aux termes de la mise en demeure ", ont la nature de conclusions d'assiette. Le moyen tiré de l'extinction de la prescription prévue à l'article L. 274 du livre des procédures fiscales est en conséquence irrecevable ;

- M.A..., qui n'avait pas invoqué l'extinction de l'action en recouvrement dans sa demande préalable, ne pouvait invoquer pour la première fois ce moyen devant le Tribunal ;

- le moyen tiré de la prescription ne peut plus être invoqué faute d'avoir été soulevé à l'occasion de la contestation du premier acte qui lui eût permis de le faire, en l'occurrence la mise en demeure du 21 juin 2012 ;

- cette mise en demeure a été régulièrement notifiée à M.A... ;

- le litige relatif à la communication de documents administratifs est étranger à celui relatif à l'application des dispositions de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales ; en tout état de cause, M. A...a eu connaissance des pièces utiles à la contestation de l'acte litigieux.

Par ordonnance du 27 mars 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 26 avril 2019 à 12 heures.

Un mémoire a été présenté par le ministre de l'action et des comptes publics le 12 juin 2019, postérieurement à la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Dalle,

- les conclusions de Mme Mielnik Meddah, rapporteur public,

Considérant ce qui suit :

1. M. A...fait appel du jugement en date du 13 mars 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a refusé de le décharger de l'obligation de payer résultant d'une mise en demeure tenant lieu de commandement de payer en date du 15 juin 2015, qui lui a été notifiée le 8 mars 2016, en vue de recouvrer des cotisations à l'impôt sur le revenu mises à sa charge au titre des années 1996 et 1999 ainsi que des pénalités et frais y afférents.

2. Aux termes de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales : " Les comptables du Trésor qui n'ont fait aucune poursuite contre un contribuable retardataire pendant quatre années consécutives, à partir du jour de la mise en recouvrement du rôle, perdent leur recours et sont déchus de tous droits et de toute action contre ce redevable./ Le délai de quatre ans, mentionné au premier alinéa, par lequel se prescrit l'action en vue du recouvrement est interrompu par tous actes comportant reconnaissance de la part des contribuables ou par tous autres actes interruptifs de la prescription ". Aux termes de l'article R. 281-3-1 du même livre : " La demande prévue par l'article R. 281-1 doit, sous peine d'irrecevabilité, être présentée, selon le cas, au directeur départemental des finances publiques, au responsable du service à compétence nationale ou au directeur régional des douanes et droits indirects dans un délai de deux mois à partir de la notification : a) De l'acte de poursuite dont la régularité en la forme est contestée ; b) De tout acte de poursuite si le motif invoqué porte sur l'obligation de payer ou le montant de la dette ; c) Du premier acte de poursuite permettant d'invoquer tout autre motif ". Aux termes de l'article R. 281-5 du même livre : " Le juge se prononce exclusivement au vu des justifications qui ont été présentées au chef de service. Les redevables qui l'ont saisi ne peuvent ni lui soumettre des pièces justificatives autres que celles qu'ils ont déjà produites à l'appui de leurs mémoires, ni invoquer des faits autres que ceux exposés dans ces mémoires... ".

3. Pour contester l'obligation de payer découlant de la mise en demeure du 15 juin 2015, M. A...se prévaut de la prescription définie à l'article L. 274 précité.

4. L'administration ne conteste pas que la prescription était acquise à M.A.... Elle ne justifie pas avoir effectué un quelconque acte interruptif de prescription dans le délai de quatre ans qui lui était ouvert à compter de la mise en recouvrement des impositions, soit les 30 avril 2000, 31 juillet 2000 et 31 juillet 2003. Devant la Cour, le ministre de l'action et des comptes publics se borne à opposer des fins de non-recevoir.

5. Il soutient, en premier lieu, que les conclusions de M.A..., qui demande devant le Tribunal et la Cour " la décharge des impositions visées aux termes de la mise en demeure ", ont la nature de conclusions d'assiette et que le moyen tiré de l'extinction de la prescription prévue à l'article L. 274 du livre des procédures fiscales est en conséquence irrecevable. Cependant, il ressort des différentes écritures du requérant, en particulier la réclamation contentieuse du 15 avril 2016, qu'il entend clairement contester la mise en demeure tenant lieu de commandement de payer du 15 juin 2015, qui lui a été notifiée à son domicile de Londres le 8 mars 2016. Le litige a donc le caractère d'un litige de recouvrement, contrairement à ce que soutient le ministre.

6. En second lieu, le ministre soutient que, dans la réclamation contentieuse du 15 avril 2016, M. A...n'avait pas invoqué l'extinction de l'action en recouvrement et qu'il ne pouvait en conséquence invoquer pour la première fois devant le Tribunal ce moyen, qui " implique l'appréciation de pièces justificatives qui n'ont pas été présentées au directeur ". Cependant, ni les dispositions de l'article R. 281-3-1 du livre des procédures fiscales, ni celles de l'article R. 281-5 du même livre, ne font obstacle à ce que le contribuable soulève devant le tribunal administratif ou devant la cour administrative d'appel, jusqu'à la clôture de l'instruction, des moyens de droit nouveaux, n'impliquant pas l'appréciation de pièces justificatives ou de circonstances de fait qu'il lui eût appartenu de produire ou d'exposer dans sa demande au directeur départemental des finances publiques, tels que la prescription de l'action en recouvrement édictée par le premier alinéa de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales, pourvu que la demande prévue par l'article R. 281-3-1 ait été présentée au directeur départemental dans le délai de deux mois après le premier acte de poursuites permettant d'invoquer cette prescription. En l'espèce, il est constant que le premier acte qui aurait permis à M. A...d'invoquer la prescription était une mise en demeure du 21 juin 2012, notifiée par voie postale le 2 juillet 2012 au domicile parisien de l'intéressé 3 rue Frédéric Bastiat 75008 Paris et qu'aucune demande préalable dirigée contre cet acte n'a été présentée dans le délai de deux mois. M. A...fait toutefois valoir qu'il lui était impossible de contester dans les délais cette mise en demeure, dès lors qu'elle n'a pas été envoyée à l'adresse qu'il avait signalée au service, c'est-à-dire 79 Marsham Street à Londres, après un changement de domicile intervenu en 2000. Le pli postal de l'envoi à Paris est d'ailleurs retourné au service avec les mentions " absent " et " non réclamé ".

7. Si le requérant soutient avoir communiqué au service sa nouvelle adresse par une lettre du 15 juin 2000, le courrier en question ne mentionne aucune nouvelle adresse précise en Grande-Bretagne. En revanche, M. A...justifie que la Trésorerie du 7ème arrondissement de Paris a envoyé un commandement de payer en date du 12 juin 2007 à l'adresse du 79 Marsham Street à Londres, qui constitue toujours son adresse aujourd'hui et où la mise en demeure litigieuse du 15 juin 2015 lui a été notifiée le 8 mars 2016 par l'administration fiscale britannique. Le ministre ne fournit aucune précision sur les raisons pour lesquelles le commandement du 12 juin 2007 a été envoyé à cette adresse. Il ne conteste pas que l'expédition à cette adresse résulte nécessairement d'un changement d'adresse signalé par M. A.... Il n'allègue pas que la portée de ce changement d'adresse aurait été limitée à certains actes ou que M. A...aurait ultérieurement demandé que les courriers soient à nouveau envoyés à son domicile parisien. La circonstance que des avis de taxe d'habitation ont été émis au titre des années 2010 à 2013 au nom de M. A...pour l'appartement du 3 rue Frédéric Bastiat prouve seulement que l'intéressé avait la disposition ou la jouissance de ce local mais non qu'il l'avait indiqué à l'administration comme celui où les correspondances devaient lui être adressées. Il en va de même du fait que des avis à tiers détenteur des 24 juillet 2012 et 28 septembre 2012 ont été notifiés à cette adresse, que ceux du 28 septembre 2012 ont été contestés par le conseil du requérant, qu'une saisie-vente a été pratiquée à cette adresse le 27 novembre 2012, que les formalités effectuées à cette occasion par l'huissier instrumentaire et le procès-verbal d'inventaire auraient permis de constater que M. A...demeurait effectivement à cette adresse et enfin qu'un courriel de l'avocate du requérant confirmerait l'existence de ce domicile.

8. Il résulte de ce qui précède que M. A...doit être regardé comme justifiant avoir accompli les diligences nécessaires pour informer l'administration de sa nouvelle adresse à Londres. Il s'ensuit que la mise en demeure du 21 juin 2012, qui n'a pas été régulièrement notifiée à M.A..., ne pouvait constituer à son égard le " premier acte de poursuite " lui permettant d'invoquer la prescription. Il ne résulte pas de l'instruction et le ministre ne soutient pas que d'autres actes, susceptibles de constituer ce premier acte, auraient été régulièrement notifiés à M.A..., antérieurement à l'acte litigieux en date du 15 juin 2015. M. A...est dès lors fondé à invoquer la prescription à l'encontre de cet acte.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

10. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre une somme de 2 000 euros à la charge de l'Etat, en remboursement des frais exposés par M.A....

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1615990/2-2 du 13 mars 2018 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : M. A...est déchargé de l'obligation de payer résultant de la mise en demeure tenant lieu de commandement de payer en date du 15 juin 2015.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 2 000 euros à M. A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris (pôle fiscal parisien 1)

Délibéré après l'audience du 27 juin 2019 à laquelle siégeaient :

M. Dalle, président,

Mme Notarianni, premier conseiller,

Mme Stoltz-Valette, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 juillet 2019

L'assesseur le plus ancien, Le président-rapporteur,

L. NOTARIANNI D. DALLE

Le greffier,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18PA01611


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA01611
Date de la décision : 05/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-05-01-005 Contributions et taxes. Généralités. Recouvrement. Action en recouvrement. Prescription.


Composition du Tribunal
Président : M. DALLE
Rapporteur ?: M. David DALLE
Rapporteur public ?: Mme MIELNIK-MEDDAH
Avocat(s) : RAGOT

Origine de la décision
Date de l'import : 16/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-07-05;18pa01611 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award