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05/07/2019 | FRANCE | N°17PA22846

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 05 juillet 2019, 17PA22846


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Bambinou's Palace a demandé au Tribunal administratif de la Guadeloupe la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2009, 2010 et 2011 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1601006 du 18 mai 2017, le Tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 18 août 2017 sous le numéro 1702846, la société Bambinou's Palace, r

eprésentée par MeA..., demande à la Cour administrative d'appel de Bordeaux :

1°) d'annuler le jug...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Bambinou's Palace a demandé au Tribunal administratif de la Guadeloupe la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2009, 2010 et 2011 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1601006 du 18 mai 2017, le Tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 18 août 2017 sous le numéro 1702846, la société Bambinou's Palace, représentée par MeA..., demande à la Cour administrative d'appel de Bordeaux :

1°) d'annuler le jugement n° 1601006 du 18 mai 2017 du Tribunal administratif de la Guadeloupe ;

2°) de prononcer la décharge des impositions en litige.

Elle soutient que :

- la proposition de rectification du 29 juillet 2013 concernant l'impôt sur les sociétés des exercices clos en 2010 et 2011 ne fait pas apparaître les conséquences financières des rectifications, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales ;

- pour établir que le loyer versé par l'association à sa dirigeante est excessif et, par suite, que la gestion de l'association est intéressée, l'administration a retenu une surface erronée de 618 m² au lieu de 833 m².

Par un mémoire, enregistré le 23 mars 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens de l'association Bambinou's Palace ne sont pas fondés.

Par une ordonnance n° 428220 du 1er mars 2019, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué le jugement de l'affaire à la Cour administrative d'appel de Paris.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Dalle,

- les conclusions de Mme Mielnik Meddah, rapporteur public,

Considérant ce qui suit :

1. L'association Bambinou's Palace gère une crèche dans la commune de Baie-Mahault en Guadeloupe. A la suite d'une vérification de comptabilité, l'administration a estimé qu'elle se livrait à des opérations à caractère lucratif et qu'elle devait en conséquence être assujettie aux impôts commerciaux. Des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et d'impôt sur les sociétés ont en conséquence été mis à sa charge. Elle a relevé appel devant la Cour administrative d'appel de Bordeaux du jugement en date du 18 mai 2017 par lequel le Tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2009, 2010 et 2011 et des pénalités correspondantes. Par une ordonnance du 1er mars 2019 prise en application de l'article R 351-8 du code de justice administrative, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué le jugement de cette affaire à la Cour administrative d'appel de Paris.

2. Aux termes de l'article 206 du code général des impôts, dans sa version applicable au présent litige : " 1. (...) sont passibles de l'impôt sur les sociétés, quel que soit leur objet, (...) toutes autres personnes morales se livrant à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif. / 1 bis. Toutefois, ne sont pas passibles de l'impôt sur les sociétés prévu au 1 les associations régies par la loi du 1er juillet 1901, (...) dont la gestion est désintéressée, lorsque leurs activités non lucratives restent significativement prépondérantes et le montant de leurs recettes d'exploitation encaissées au cours de l'année civile au titre de leurs activités lucratives n'excède pas 60 000 euros. / Les organismes mentionnés au premier alinéa deviennent passibles de l'impôt sur les sociétés prévu au 1 à compter du 1er janvier de l'année au cours de laquelle l'une des trois conditions prévues à l'alinéa précité n'est plus remplie ". Aux termes de l'article 207 du même code : " 1. Sont exonérés de l'impôt sur les sociétés : / (...) 5° bis. Les organismes sans but lucratif mentionnés au 1° du 7 de l'article 261, pour les opérations à raison desquelles ils sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée ". Aux termes de l'article 261 du même code : " Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : / (...) 7. 1° a. les services de caractère social, éducatif, culturel ou sportif rendus à leurs membres par les organismes légalement constitués agissant sans but lucratif, et dont la gestion est désintéressée. / (...) b. les opérations faites au bénéfice de toutes personnes par des oeuvres sans but lucratif qui présentent un caractère social ou philanthropique et dont la gestion est désintéressée, lorsque les prix pratiqués ont été homologués par l'autorité publique ou que des opérations analogues ne sont pas couramment réalisées à des prix comparables par des entreprises commerciales, en raison notamment du concours désintéressé des membres de ces organismes ou des contributions publiques ou privées dont ils bénéficient. / Les organismes mentionnés au premier alinéa du 1 bis de l'article 206 et qui en remplissent les conditions, sont également exonérés pour leurs autres opérations lorsque les recettes encaissées afférentes à ces opérations n'ont pas excédé au cours de l'année civile précédente le montant de 60 000 euros. / (...) d. le caractère désintéressé de la gestion résulte de la réunion des conditions ci-après : / l'organisme doit, en principe, être géré et administré à titre bénévole par des personnes n'ayant elles-mêmes, ou par personne interposée, aucun intérêt direct ou indirect dans les résultats de l'exploitation. / (...) l'organisme ne doit procéder à aucune distribution directe ou indirecte de bénéfice, sous quelque forme que ce soit ; / les membres de l'organisme et leurs ayants droit ne doivent pas pouvoir être déclarés attributaires d'une part quelconque de l'actif, sous réserve du droit de reprise des apports ".

3. Il résulte de ces dispositions que les associations ne sont exonérées de l'impôt sur les sociétés et de la taxe sur la valeur ajoutée que si, d'une part, leur gestion présente un caractère désintéressé, et, d'autre part, les services qu'elles rendent ne sont pas offerts en concurrence dans la même zone géographique d'attraction avec ceux qui sont proposés au même public par des entreprises commerciales exerçant une activité identique.

4. En l'espèce, l'administration ne conteste pas que les services rendus par l'association Bambinou's Palace n'étaient pas offerts en concurrence avec ceux proposés, dans la même zone géographique par des entreprises commerciales exerçant une activité identique. Elle refuse de faire bénéficier l'association requérante de l'exonération prévue par les dispositions précitées au motif que sa gestion n'était pas désintéressée dès lors qu'elle versait à sa présidente, propriétaire des locaux qu'elle utilisait et qu'elle prenait en location auprès de celle-ci, des loyers anormalement élevés, devant être regardés, pour la part excédant la fraction normale des loyers, comme une rémunération versée sans contrepartie à la présidente de l'association.

5. Le versement de rémunérations aux dirigeants d'une association ne fait pas obstacle en soi au caractère désintéressé de sa gestion. Toutefois, les rémunérations versées doivent être proportionnées aux ressources de l'association et constituer la contrepartie des sujétions effectivement imposées à ses dirigeants dans l'exercice de leur mandat.

6. Il ressort de la proposition de rectification du 29 juillet 2013 que, pour établir le caractère excessif des loyers payés par l'association en 2010 et 2011, l'administration a fait procéder au mesurage des locaux par un géomètre. De la surface totale mesurée, elle a exclu 16 m² de dégagement et a pondéré la surface des terrasses et des espaces de jeux, en pratiquant des réfactions de 60 % et 50 % sur la surface réelle respectivement des terrasses et des espaces de jeux. Elle a ainsi obtenu une surface totale pondérée de 618 m², qui lui a permis de calculer le loyer mensuel au m² payé par l'association, soit 26 euros par m², tant pour 2010 que pour 2011. Elle a ensuite comparé ce loyer au loyer de 19 euros par m² ressortant d'un droit de communication exercé auprès de cinq entreprises locataires situées dans le même secteur géographique que l'association Bambinou's Palace. Celle-ci critique la pondération opérée par le service en faisant valoir que, sans pondération et en tenant compte uniquement de la surface réelle des locaux, soit 833 m², le loyer mensuel par m² avoisine les 19 euros, c'est-à-dire un loyer quasi identique à celui résultant du droit de communication.

7. L'administration ne fournit aucune explication sur les raisons pour lesquelles elle a pondéré la surface réelle des terrasses et des espaces de jeux. Il ne résulte pas de l'instruction et n'est pas allégué par l'administration que les espaces de jeux et les terrasses ne pourraient être affectés en totalité à l'activité de la crèche. Par ailleurs, aucune précision n'est donnée sur les cinq entreprises locataires et les locaux qu'elles prennent en location, permettant de vérifier qu'ils constituent des termes de comparaison appropriés. Le ministre se borne à faire observer que la superficie de 833 m² mentionnée par l'association requérante " est dépourvue de valeur probante en raison de son imprécision et de son caractère non contradictoire ". L'association a cependant précisé dans sa requête les éléments de calcul de la superficie de 833 m². En tout état de cause, ainsi qu'il a été dit, le ministre ne justifie pas le principe du recours par le service à la pondération des superficies réelles des espaces de jeux et des terrasses. Enfin, si le ministre fait valoir devant la Cour que l'immeuble occupé par l'association a été cédé par la présidente de l'association le 20 juin 2013 pour le prix de 268 730 euros, cette seule circonstance ne suffit pas à établir que le loyer annuel de 207 600 euros payé par l'association en 2010 et 2011 serait surévalué. Il n'apparaît pas, dans ces conditions, que les loyers payés par l'association seraient exagérés et correspondraient pour partie à une rémunération versée à la présidente de l'association. Il s'ensuit que l'association Bambinou's Palace est fondée à demander la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés qui lui ont été assignées. Cette décharge doit cependant être limitée aux années 2010 et 2011. En effet, en ce qui concerne l'année 2009, l'administration n'a pratiqué aucune pondération de surface et a regardé comme une rémunération versée à la présidente de l'association la fraction des loyers perçus par l'intéressée excédant le montant de loyers comptabilisé. Le moyen tiré de ce que l'administration s'est fondée sur une superficie erronée pour déterminer le montant du loyer par m² est donc inopérant pour l'année 2009.

8. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen soulevé par l'association en ce qui concerne les cotisations d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des années 2010 et 2011, l'association Bambinou's Palace est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Guadeloupe n'a pas fait droit à sa demande en décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010 et 2011 et des pénalités correspondantes.

DECIDE :

Article 1er : L'association Bambinou's Palace est déchargée des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010 et 2011 et des pénalités correspondantes.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de l'association Bambinou's Palace est rejeté.

Article 3 : Le jugement n° 1601006 du 18 mai 2017 du Tribunal administratif de la Guadeloupe est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Bambinou's Palace et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction du contrôle fiscal Sud-Ouest.

Délibéré après l'audience du 27 juin 2019 à laquelle siégeaient :

M. Dalle, président,

Mme Notarianni, premier conseiller,

Mme Stoltz-Valette, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 juillet 2019.

L'assesseur le plus ancien, Le président-rapporteur,

L. NOTARIANNI D. DALLE

Le greffier,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17PA22846


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA22846
Date de la décision : 05/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-02-03-02 Contributions et taxes. Règles de procédure contentieuse spéciales. Demandes et oppositions devant le tribunal administratif. Délais.


Composition du Tribunal
Président : M. DALLE
Rapporteur ?: M. David DALLE
Rapporteur public ?: Mme MIELNIK-MEDDAH
Avocat(s) : DAGNON

Origine de la décision
Date de l'import : 16/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-07-05;17pa22846 ?
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