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04/07/2019 | FRANCE | N°18PA00198

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 04 juillet 2019, 18PA00198


Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés le 17 janvier 2018 et le 19 février 2018, la fédération nationale de l'encadrement des organismes de sécurité sociale, allocations familiales et assimilés CFE-CGC, représentée par le cabinet 2BA avocats, demande à la Cour :

1°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté en date du 10 novembre 2017 par lequel la ministre du travail a fixé la liste des organisations syndicales reconnues représentatives dans la convention collective nationale des organismes de sécurité

sociale (n° 0218) ainsi que l'arrêté modificatif du 22 décembre 2017 ;

2°) de ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés le 17 janvier 2018 et le 19 février 2018, la fédération nationale de l'encadrement des organismes de sécurité sociale, allocations familiales et assimilés CFE-CGC, représentée par le cabinet 2BA avocats, demande à la Cour :

1°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté en date du 10 novembre 2017 par lequel la ministre du travail a fixé la liste des organisations syndicales reconnues représentatives dans la convention collective nationale des organismes de sécurité sociale (n° 0218) ainsi que l'arrêté modificatif du 22 décembre 2017 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'appréciation de son audience " salariés " ne repose pas sur des données fiables et exhaustives au regard du nombre d'anomalies révélées par les procès-verbaux des élections professionnelles quant à la composition des collèges ; en effet, des techniciens et agents de maîtrise, qu'elle a vocation à représenter, ont voté au sein du premier collège " ouvriers et employés ", alors qu'ils auraient dû voter au sein du deuxième collège " ingénieurs, chefs de services, techniciens, agents de maîtrise et assimilés " conformément à l'article L. 2324-11 du code du travail, de sorte qu'elle a été indûment privée de leurs voix au sein des deuxième ou troisième collèges et que ses résultats ont été minorés lorsque leurs voix ont été prises en compte au titre du premier collège, lorsque les procès-verbaux faisaient état de la présence de ces agents au sein de ce collège ; ainsi, sur 76 511 suffrages exprimés lors des élections professionnelles, 36 261 suffrages ont, à tort, été exprimés au sein du premier collège puisque 143 procès-verbaux font état de la présence de techniciens ou agents de maîtrise au sein de ce collège ; si c'est à bon droit que les agents concernés, eu égard à leurs tâches et responsabilités, ont été classés au sein du premier collège, ces 143 procès-verbaux sont alors irréguliers ;

- certains organismes n'ont pas mis en place le troisième collège prévu par l'article L. 2324-11 du code du travail alors qu'ils en avaient l'obligation, de sorte qu'elle a été indûment privée de suffrages permettant d'apprécier son audience au sein exclusivement des deuxième et troisième collèges ; de même, certains organismes ont mis en place un collège électoral unique, faisant obstacle à ce que son audience soit appréciée exclusivement au sein des deuxième et troisième collèges.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 octobre 2018, la ministre du travail conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à la Confédération générale du travail, la Confédération générale du travail - Force ouvrière, à la Confédération française démocratique du travail et à la Confédération française des travailleurs chrétiens qui n'ont pas présenté d'observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- la convention collective nationale de travail du personnel des organismes de sécurité sociale du 8 février 1957 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Guilloteau,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public,

- et les observations de Me A...du cabinet 2BA avocats, avocat de la fédération nationale de l'encadrement des organismes de sécurité sociale, allocations familiales et assimilés CFE-CGC.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté en date du 10 novembre 2017 et un arrêté modificatif du 22 décembre 2017, la ministre du travail a fixé la liste des organisations syndicales reconnues représentatives dans la convention collective nationale des organismes de sécurité sociale (n° 0218). L'article 1er de cet arrêté reconnaît comme représentatives la Confédération générale du travail (CGT), la Confédération générale du travail - Force ouvrière (CGT-FO) et la Confédération française démocratique du travail (CFDT). L'article 2 prévoit que pour l'opposition à l'extension des accords collectifs prévue au titre de l'article L. 2261-19 du code du travail, la CGT dispose d'un poids de 35,74 %, la CGT-FO d'un poids de 34,14 % et la CFDT d'un poids de 30,12 %. Par la présente requête, la fédération nationale de l'encadrement des organismes de sécurité sociale, allocations familiales et assimilés CFE-CGC demande l'annulation de ces arrêtés.

2. D'une part, aux termes de l'article L. 2122-5 du code du travail dans sa version alors en vigueur : " Dans les branches professionnelles, sont représentatives les organisations syndicales qui : / 1° Satisfont aux critères de l'article L. 2121 1 ; / 2° Disposent d'une implantation territoriale équilibrée au sein de la branche ; / 3° Ont recueilli au moins 8 % des suffrages exprimés résultant de l'addition au niveau de la branche, d'une part, des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires aux comités d'entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votants, et, d'autre part, des suffrages exprimés au scrutin concernant les entreprises de moins de onze salariés dans les conditions prévues aux articles L. 2122-10-1 et suivants. La mesure de l'audience s'effectue tous les quatre ans. ".

3. Pour la détermination de cette audience s'agissant des organisations syndicales catégorielles, l'article L. 2122-7 du même code prévoit que : " Sont représentatives au niveau de la branche à l'égard des personnels relevant des collèges électoraux dans lesquels leurs règles statutaires leur donnent vocation à présenter des candidats les organisations syndicales catégorielles qui sont affiliées à une confédération syndicale catégorielle interprofessionnelle nationale et qui remplissent les conditions de l'article L.2122-5 dans ces collèges ". Ces dispositions conduisent à ne prendre en considération, pour de telles organisations syndicales catégorielles, que les seuls suffrages recueillis dans les collèges électoraux dans lesquels un syndicat a statutairement vocation à présenter des candidats pour la détermination de leur caractère d'organisation syndicale représentative.

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 2324-11 du code du travail alors en vigueur : " Les représentants du personnel sont élus sur des listes établies par les organisations syndicales pour chaque catégorie de personnel :/ - d'une part, par le collège des ouvriers et employés ;/ - d'autre part, par le collège des ingénieurs, chefs de service, techniciens, agents de maîtrise et assimilés./ (...) En outre, dans les entreprises, quel que soit leur effectif, dont le nombre des ingénieurs, chefs de service et cadres administratifs, commerciaux ou techniques assimilés sur le plan de la classification est au moins égal à vingt-cinq au moment de la constitution ou du renouvellement du comité, ces catégories constituent un troisième collège. ". L'article L. 2324-12 du même code, alors en vigueur, dispose toutefois que : " Le nombre et la composition des collèges électoraux ne peuvent être modifiés par une convention, un accord collectif de travail, étendu ou non, ou un accord préélectoral que lorsque la convention ou l'accord est signé par toutes les organisations syndicales représentatives dans l'entreprise. / L'accord conclu ne fait pas obstacle à la création du troisième collège dans les conditions prévues au cinquième alinéa de l'article L. 2324-11. " .

5. Pour mesurer l'audience de la fédération nationale de l'encadrement des organismes de sécurité sociale, allocations familiales et assimilés, organisation syndicale catégorielle affilée à la Confédération française de l'encadrement- Confédération générale des cadres, dans la branche concernée, il ressort des pièces du dossier que la ministre du travail a pris en compte, d'une part, les suffrages exprimés en faveur de cette organisation dans tous les collèges lorsqu'il ressortait explicitement des informations portées sur les procès-verbaux d'élections que le collège comportait des salariés que l'organisation syndicale catégorielle a vocation à représenter et, d'autre part, l'ensemble des suffrages valablement exprimés dans les mêmes collèges.

6. La fédération requérante soutient, en premier lieu, que c'est à tort qu'il a été tenu compte des résultats des élections professionnelles dans le premier collège où elle n'avait pas vocation à présenter des candidats et ne l'a pas fait, puisqu'aux termes de l'article 5 de ses statuts elle a vocation à représenter exclusivement des personnels d'encadrement, agents de maîtrise, cadres, agents de direction, praticiens, ingénieurs et techniciens.

7. Toutefois, aux termes du règlement intérieur-type du 19 juillet 1957, pris en application de l'article 62 de la convention collective nationale de travail du personne des organismes de sécurité sociale du 8 février 1957 : " Sauf accord contraire entre les parties, il sera constitué un collège cadres et un collège employés. / Le personnel de service, les employés, les techniciens, les techniciens hautement qualifiés, le personnel médico-social non cadre, les employés principaux, tels qu'ils sont définis par la classification annexée à la convention collective, appartiennent au collège des employés. / Les cadres, les inspecteurs et les contrôleurs bénéficiant de la majoration de titularisation des cadres, les ingénieurs de prévention, les médecins et dentistes-conseil, les pharmaciens, les agents de direction appartiennent au collège cadres. (...) ". Ce règlement intérieur- type a le caractère d'un accord collectif signé par toutes les organisations syndicales représentatives modifiant la composition des collèges électoraux au sens de l'article L. 2324-11 du code du travail cité au point 4. En vertu de cet accord, les salariés que la fédération nationale de l'encadrement des organismes de sécurité sociale, allocations familiales et assimilés a vocation à représenter sont ainsi répartis entre le collège cadres et le collège employés, qui inclut des agents de maîtrise et techniciens dont la nature des fonctions réellement exercées ne permettrait pas de les assimiler à des ouvriers et employés au sens de l'article L. 2324-11. Il suit de là qu'au regard de ces stipulations conventionnelles, la fédération requérante a vocation à présenter des candidats tant dans le premier que dans le deuxième collège. La fédération requérante n'est dès lors pas fondée à soutenir que pour apprécier son audience conformément aux dispositions de l'article L. 2122-7 du code du travail, la ministre du travail ne devait pas tenir compte des résultats électoraux du premier collège.

8. En deuxième lieu, d'une part, compte tenu de ce qui vient d'être dit, le fait que certains procès-verbaux de résultats électoraux du premier collège mentionnent, dans la composition précise du collège, la présence de techniciens ou d'agents de maîtrise ne révèle pas, par lui-même, une anomalie rendant les données figurant dans ces documents inexploitables pour l'appréciation de l'audience des organisations syndicales. La fédération requérante, qui n'apporte au demeurant aucun élément précis de nature à remettre en cause la fiabilité des données figurant dans les procès-verbaux ainsi identifiés, n'est par suite pas fondée à soutenir que la ministre chargée du travail aurait dû les écarter.

9. D'autre part, à supposer que, comme le soutient la fédération requérante, le rattachement de certains salariés au premier collège soit erroné, les contestations relatives à l'électorat, à la composition des listes de candidats, à la régularité des opérations électorales et à la désignation des représentants syndicaux pour les élections au comité d'entreprise sont de la compétence du juge judiciaire, en vertu de l'article L. 2324-23 du code du travail alors en vigueur. L'article R. 2324-14 du code du travail alors en vigueur prévoit en outre que la contestation doit être formée, selon les cas, dans un délai maximum de quinze jours suivant l'élection ou la désignation. Il n'est en l'espèce ni établi ni même allégué que le juge de l'élection aurait été saisi de contestations sur les opérations électorales concernées. Dans ces conditions, la fédération requérante ne peut utilement invoquer, à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'arrêté du 10 novembre 2017 tirant les conséquences de ces résultats électoraux, un moyen tiré d'irrégularités dans la composition de l'électorat au sein du premier collège.

10. En dernier lieu, pour les mêmes motifs, la fédération requérante ne peut utilement invoquer l'irrégularité de la mise en place de collèges uniques dans certains établissements ou l'absence de mise en place d'un troisième collège dans d'autres.

11. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 10 novembre 2017 doivent être rejetées ainsi par voie de conséquence, que celles tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 décembre 2017 et celles présentées au titre des frais liés au litige.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la fédération nationale de l'encadrement des organismes de sécurité sociale, allocations familiales et assimilés CFE-CGC est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la fédération nationale de l'encadrement des organismes de sécurité sociale, allocations familiales et assimilés CFE-CGC, à la ministre du travail, à la Confédération française démocratique du travail, à la Confédération générale du travail, à la Confédération générale du travail - Force ouvrière et à la Confédération française des travailleurs chrétiens.

Délibéré après l'audience du 20 juin 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- Mme Larsonnier, premier conseiller,

- Mme Guilloteau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 juillet 2019.

Le rapporteur,

L. GUILLOTEAULe président,

J. LAPOUZADE

Le greffier,

C. POVSELa République mande et ordonne à la ministre du travail en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

6

N° 18PA00198


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA00198
Date de la décision : 04/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-05-01 Travail et emploi. Syndicats. Représentativité.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: Mme Laëtitia GUILLOTEAU
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : 2BA AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-07-04;18pa00198 ?
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