La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/07/2019 | FRANCE | N°17PA23121

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 04 juillet 2019, 17PA23121


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. K...J..., agissant au nom de l'indivision " U...J... " a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler les arrêtés n° 549/AM/2014, n° 550/AM/2014,

n° 551/AM/2014, n° 552/AM/2014 et n° 553/AM/2014 du 3 décembre 2014, n° 180/AM/2015 et n° 181/AM/2015 du 6 mai 2015 et n° 200/AM/2015 du 26 mai 2015, par lesquels le maire de la commune de Trois Bassins a accordé à la société civile de construction vente (SCCV) Urantia des permis de construire et des permis de construire modificati

fs.

Par un jugement n° 1501000 du 24 mai 2017, le tribunal administratif de La Réun...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. K...J..., agissant au nom de l'indivision " U...J... " a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler les arrêtés n° 549/AM/2014, n° 550/AM/2014,

n° 551/AM/2014, n° 552/AM/2014 et n° 553/AM/2014 du 3 décembre 2014, n° 180/AM/2015 et n° 181/AM/2015 du 6 mai 2015 et n° 200/AM/2015 du 26 mai 2015, par lesquels le maire de la commune de Trois Bassins a accordé à la société civile de construction vente (SCCV) Urantia des permis de construire et des permis de construire modificatifs.

Par un jugement n° 1501000 du 24 mai 2017, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une ordonnance du 1er mars 2019, prise sur le fondement de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, le président de la section du contentieux du Conseil d'État a attribué à la Cour administrative d'appel de Paris le jugement du dossier d'appel enregistré à la Cour administrative d'appel de Bordeaux.

Par une requête et des mémoires enregistrés le 18 septembre 2017, le 28 juin 2018 et le 27 novembre 2018,

1°) M. K...J..., représentant unique,

2°) Mme A...AH...J...,

3°) M. Y...AL...J...,

4°) la succession de Mme A...AD...J..., composée de M. W...I..., M. P...I..., Mme A...AG...I..., Mme E...I..., Mme O...I..., Mme G... I...et Mme L...I...,

5°) la succession de M. Z...J..., composée de Mme A...AF...C..., Mme A...AK...J...et M. X...J...,

6°) Mme A...AE...J...,

7°) la succession de M. R...J..., composée de M. AA... J..., Mme M...J..., M. V... J..., M. S... J..., Mme H...J..., M. T...J...,

8°) Mme A...AB...J...,

9°) la succession de Mme A...AC...J..., composée de M. Q...I...et de Mme AI...A...AJ...I...,

représentés par MeF..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1501000 du 24 mai 2017 du tribunal administratif de La Réunion ;

2°) d'annuler les arrêtés du 3 décembre 2014, du 6 mai 2015 et du 26 mai 2015 par lesquels le maire de la commune de Trois Bassins a accordé à la SCCV Urantia des permis de construire ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Trois Bassins, d'une part, et de la SCCV Urantia et de son dirigeant, d'autre part, la somme de 5 000 euros, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Les requérants soutiennent que :

- ils ont intérêt et qualité pour agir ;

- la requête n'est pas tardive et a été notifiée ;

- le pétitionnaire ne disposait pas de titre l'autorisant à déposer des demandes de permis de construire, en méconnaissance des articles R. 431-5 et R. 423-1 du code de l'urbanisme ; les dossiers de demande étaient incomplets ; les parcelles devant supporter les constructions leur appartiennent ; l'attention du maire avait été attirée sur l'existence d'une fraude ;

- des travaux ont été entrepris sur une parcelle grevée d'une servitude non aedificandi.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 décembre 2017, la société civile de construction vente (SCCV) Urantia, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge solidaire des requérants sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La SCCV Urantia soutient que :

- M. K...J...n'avait pas qualité pour agir en première instance ; l'intérêt et la qualité pour agir en appel ne sont pas démontrés ;

- le recours gracieux n'a pas été notifié dans le délai de quinze jours ;

- les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 24 avril 2018, la commune de Trois Bassins, représentée par MeN..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge solidaire des requérants sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune de Trois Bassins soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Platillero,

- et les conclusions de M. Cheylan, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par un premier arrêté n° 549/AM/2014 du 3 décembre 2014, le maire de la commune de Trois Bassins a accordé à la société civile de construction vente (SCCV) Urantia un permis de construire en vue de la construction de sept logements, le maire ayant accordé un permis de construire modificatif par un arrêté n° 180/AM/2015 du 6 mai 2015. Par un deuxième arrêté n° 550/AM/2014 du 3 décembre 2014, le maire de Trois Bassins a accordé à la même société un permis de construire en vue de la construction de cinq villas et douze appartements. Par un troisième arrêté n° 551/AM/2014 du 3 décembre 2014, le même maire a accordé à cette société un permis de construire en vue de la construction de quatorze logements, le maire ayant délivré un permis de construire modificatif par un arrêté n° 200/AM/2015 du 26 mai 2015. Par un quatrième arrêté n° 552/AM/2014 du 3 décembre 2014, le maire a accordé à la société un permis de construire en vue de la construction de douze appartements. Par un cinquième arrêté n° 553/AM/2014 du 3 décembre 2014, le maire a accordé à la société un permis de construire en vue de la construction de douze logements et six commerces, le maire ayant accordé un permis de construire modificatif par un arrêté n° 181/AM/2015 du 6 mai 2015. M. K...J..., agissant au nom de l'indivision " U...J... ", a saisi le tribunal administratif de La Réunion d'une demande tendant à l'annulation de l'ensemble de ces arrêtés. Par un jugement du 24 mai 2017, le tribunal a rejeté cette demande. M. K... J..., représentant unique, et les membres de l'indivision successorale font appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme : " Les demandes de permis de construire (...) sont adressées (...) ou déposées à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés : a) Soit par le ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux (...) ". Aux termes de l'article R. 431-5 du même code : " La demande de permis de construire précise : a) L'identité du ou des demandeurs (...) La demande comporte également l'attestation du ou des demandeurs qu'ils remplissent les conditions définies à l'article R. 423-1 pour déposer une demande de permis ".

3. Il résulte de ces dispositions que les demandes de permis de construire doivent seulement comporter l'attestation du pétitionnaire qu'il remplit les conditions définies à l'article R. 423-1 cité ci-dessus. Les autorisations d'utilisation du sol, qui ont pour seul objet de s'assurer de la conformité des travaux qu'elles autorisent avec la législation et la réglementation d'urbanisme, étant accordées sous réserve du droit des tiers, il n'appartient pas à l'autorité compétente de vérifier, dans le cadre de l'instruction d'une demande de permis, la validité de l'attestation établie par le demandeur. Ainsi, sous réserve de la fraude, le pétitionnaire qui fournit l'attestation prévue à l'article R. 431-5 du code de l'urbanisme doit être regardé comme ayant qualité pour présenter sa demande. Il résulte de ce qui précède que les tiers ne sauraient utilement invoquer, pour contester une décision accordant une telle autorisation au vu de l'attestation requise, la circonstance que l'administration n'en aurait pas vérifié l'exactitude.

4. Toutefois, lorsque l'autorité saisie d'une telle demande de permis de construire vient à disposer au moment où elle statue, sans avoir à procéder à une mesure d'instruction lui permettant de les recueillir, d'informations de nature à établir son caractère frauduleux ou faisant apparaître, sans que cela puisse donner lieu à une contestation sérieuse, que le pétitionnaire ne dispose, contrairement à ce qu'implique l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme, d'aucun droit à la déposer, il lui revient de refuser la demande de permis pour ce motif. Il en est notamment ainsi lorsque l'autorité saisie de la demande de permis de construire est informée de ce que le juge judiciaire a remis en cause le droit de propriété sur le fondement duquel le pétitionnaire avait présenté sa demande. En revanche, la seule circonstance que le pétitionnaire perde, postérieurement à la délivrance du permis de construire, fût-ce à titre rétroactif, la qualité au titre de laquelle il avait présenté la demande de permis de construire n'est pas par elle-même de nature à entacher d'illégalité le permis de construire. Il en est notamment ainsi lorsque, postérieurement à la délivrance du permis de construire, une décision du juge prive à titre rétroactif le bénéficiaire de la qualité de propriétaire du terrain sur le fondement de laquelle il a présenté sa demande.

5. D'une part, il est constant que les dossiers de demande de permis de construire comportaient l'attestation de la SCCV Urantia qu'elle remplissait les conditions définies à l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme, seule pièce que devaient contenir ces dossiers. Les requérants ne sont dès lors pas fondés à soutenir que ces dossiers étaient incomplets, faute de contenir les pièces justifiant de la qualité du pétitionnaire.

6. D'autre part, à la date des arrêtés délivrant les permis de construire initiaux, la SCCV Urantia était bénéficiaire de promesses de vente des terrains en cause en cours de validité, les actes de vente ayant été conclus en juillet 2016. Elle avait ainsi qualité pour déposer des demandes de permis de construire, le maire n'ayant d'ailleurs pas à vérifier l'exactitude des attestations comprises dans les dossiers de demande. Les requérants n'apportent à cet égard, compte tenu des mutations cadastrales intervenues, aucun élément probant à l'appui de leurs allégations selon lesquelles les parcelles déclarées par la SCCV Urantia ne correspondraient en réalité pas aux parcelles faisant l'objet des promesses de vente. Pour revendiquer leur qualité de propriétaires des parcelles en litige, les requérants se prévalent d'un rapport d'expertise établi par un géomètre-expert le 27 septembre 2016 et d'une attestation immobilière établie par un notaire le 28 juillet 2017. Ces actes, à supposer même qu'ils aient pu priver à titre rétroactif la SCCV Urantia de sa qualité de propriétaire des terrains, sont toutefois postérieurs aux arrêtés attaqués et, par suite, insusceptibles d'établir que le maire de Trois Bassins disposait, sans avoir à procéder à une instruction lui permettant de les recueillir, d'informations de nature à établir le caractère frauduleux des demandes de permis de construire ou faisant apparaître, sans que cela puisse donner lieu à une contestation sérieuse, que la SCCV Urantia ne disposait d'aucun droit à les déposer. Au demeurant, par un jugement du 22 décembre 2017, le tribunal de grande instance de Saint-Pierre de La Réunion, après avoir jugé que le rapport du

27 septembre 2016 était d'une faible valeur probante, a annulé l'attestation immobilière du

28 juillet 2017 et confirmé la qualité de propriétaire de la SCCV Urantia. Par ailleurs, la circonstance que le maire a été destinataire le 12 mai 2014 d'un courrier par lequel M. Y... K...J...a revendiqué, sans apporter aucun élément à l'appui de sa revendication, la propriété de divers terrains de la commune ne constitue pas une contestation sérieuse ou une information de nature à établir une fraude, qui auraient pu justifier un refus de permis de construire par le maire de la commune de Trois Bassins. Il en est de même de la contestation par les requérants de la légalité des actes à l'origine de la propriété des parcelles cédées à la SCCV Urantia, qui ne révèle pas une fraude de cette société ou que le maire disposait d'informations sérieuses lui permettant de refuser les permis de construire. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la SCCV Urantia n'avait pas qualité pour déposer des demandes de permis de construire doit être écarté.

7. Par ailleurs, si les requérants soutiennent que des travaux ont été entrepris sur une parcelle grevée d'une servitude non aedificandi, ce moyen est dépourvu des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.

8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées par la SCCV Urantia, que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté leur demande. Leurs conclusions à fin d'annulation doivent dès lors être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

9. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

10. Les dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Trois Bassins, d'une part, et de la SCCV Urantia et, en tout état de cause, de son dirigeant, d'autre part, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, les sommes que les requérants demandent au titre des frais qu'ils ont exposés. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge solidaire des requérants, parties perdantes, la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SCCV Urantia et la même somme au titre des frais exposés par la commune de Trois Bassins.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête est rejetée.

Article 2 : Les requérants verseront solidairement la somme de 1 500 euros à la SCCV Urantia et la somme de 1 500 euros à la commune de Trois Bassins, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. K...J..., représentant unique, à la société civile de construction vente Urantia et à la commune de Trois Bassins.

Délibéré après l'audience du 20 juin 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme Pellissier, présidente de chambre,

- M. Legeai, premier conseiller,

- M. Platillero, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 juillet 2019.

Le rapporteur,

F. PLATILLEROLa présidente,

S. PELLISSIERLe greffier,

M. D...La République mande et ordonne au préfet de La Réunion en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

6

N° 17PA23121


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire.


Références :

Publications
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: M. Fabien PLATILLERO
Rapporteur public ?: M. CHEYLAN
Avocat(s) : PAYEN-ANTONELLI

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Date de la décision : 04/07/2019
Date de l'import : 16/07/2019

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 17PA23121
Numéro NOR : CETATEXT000038737778 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-07-04;17pa23121 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award