La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/06/2019 | FRANCE | N°18PA04038

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 26 juin 2019, 18PA04038


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A...F...ont demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2014 pour 36 178 euros.

Par une ordonnance n°1607474/2-1 du 26 octobre 2018, la présidente de la 2ème section du Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 24 décembre 2018, M. et MmeF..., représentés par Me C...D..., demandent à la Cour :r>
1°) d'annuler cette ordonnance du 26 octobre 2018 de la présidente de la 2ème section du Tribunal ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A...F...ont demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2014 pour 36 178 euros.

Par une ordonnance n°1607474/2-1 du 26 octobre 2018, la présidente de la 2ème section du Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 24 décembre 2018, M. et MmeF..., représentés par Me C...D..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du 26 octobre 2018 de la présidente de la 2ème section du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- ils n'entendent pas se prévaloir des règlements européens n°1408/71 et 883/2004 ni des jurisprudences de Ruyter ou B...de la Cour de justice de l'Union européenne qui sont limités aux ressortissants européens affiliés à un régime de sécurité sociale d'un Etat membre ;

- la jurisprudence B...leur est inopposable ;

- l'administration effectue une confusion entre le fait générateur de l'affiliation et l'assiette des cotisations ;

- l'administration effectue une confusion entre le fait d'être affilié à un régime de sécurité sociale et le fait de le financer ;

- ils participent au financement d'un régime de sécurité sociale sans pouvoir bénéficier de ses prestations ;

- l'assujettissement aux contributions sociales est contraire à l'article 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, dans la mesure les capitaux investis en France subissent un traitement discriminatoire par rapport à celui réservé aux mêmes investissements immobiliers lorsqu'ils sont réalisés par des résidents français ou par des résidents communautaires ;

- le principe d'unicité d'affiliation ne s'appliquant pas aux résidents des Etats tiers, la règle qui leur est appliquée constitue une discrimination en fonction de la résidence ;

- la règle d'unicité d'affiliation issue des règlements de coordination est aussi appliquée par l'administration fiscale en violation de ces règlements, ceux-ci ne permettant pas de prévoir des cotisations à fonds perdus.

Le président de la 2ème chambre de la Cour a, en application des dispositions de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, dispensé la présente requête d'instruction.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne,

- le règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971,

- le règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale,

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales,

- le code de l'action sociale et des familles,

- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 26 février 2015, Ministre de l'économie et des finances contre de Ruyter. (C-623/13),

- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 18 janvier 2018, M. E...B...contre le ministre de l'économie et des finances et le ministre des affaires sociales et de la santé (C-45/17),

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Magnard,

- les conclusions de M. Cheylan, rapporteur public,

- et les observations de MeD..., représentant M. et MmeF....

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme F...relèvent appel de l'ordonnance n° 1607474/2-1 du

26 octobre 2018 en tant que la présidente de la 2ème section du Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la décharge des prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2014 pour 36 178 euros à raison d'une plus-value immobilière réalisée en France au titre de l'année 2014, année au cours de laquelle ils résidaient à Nouakchott en Mauritanie.

2. Aux termes du 1 de l'article 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers sont interdites ". Aux termes du 1 de l'article 64 de ce traité : " L'article 63 ne porte pas atteinte à l'application, aux pays tiers, des restrictions existant le 31 décembre 1993 en vertu du droit national ou du droit de l'Union en ce qui concerne les mouvements de capitaux à destination ou en provenance de pays tiers lorsqu'ils impliquent des investissements directs, y compris les investissements immobiliers, l'établissement, la prestation de services financiers ou l'admission de titres sur les marchés des capitaux (...) ". Aux termes du 1 de l'article 65 du même traité : " L'article 63 ne porte pas atteinte au droit qu'ont les États membres : / a) d'appliquer les dispositions pertinentes de leur législation fiscale qui établissent une distinction entre les contribuables qui ne se trouvent pas dans la même situation en ce qui concerne leur résidence ou le lieu où leurs capitaux sont investis (...) ".

3. Par l'arrêt du 18 janvier 2018, Frédéric B...contre Ministre de l'économie et des finances, Ministre des affaires sociales et de la santé, C-45/17, la Cour de justice de l'Union européenne a jugé qu'une législation telle que la législation française relative à la contribution sociale généralisée sur les revenus du patrimoine, au prélèvement social sur les revenus du patrimoine et à la contribution additionnelle à ce prélèvement qui réserve un traitement plus favorable aux ressortissants de l'Union qui sont affiliés à un régime de sécurité sociale d'un autre Etat membre, d'un Etat membre de l'Espace économique européen ou de la Suisse qu'à ceux qui sont affiliés à un régime de sécurité sociale d'un Etat tiers, constitue une restriction à la libre circulation des capitaux entre un Etat membre et un Etat tiers, qui est, en principe, interdite par l'article 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

4. Elle a cependant jugé qu'une telle restriction à la libre circulation des capitaux entre un Etat membre et un Etat tiers était susceptible d'être justifiée, au regard des stipulations précitées de l'article 65, paragraphe 1, a), du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, par la différence de situation objective qui existe entre une personne physique, ressortissant d'un Etat membre, mais résidant dans un Etat tiers à l'Union européenne autre qu'un Etat membre de l'Espace économique européen ou la Suisse et qui y est affiliée à un régime de sécurité sociale, et un ressortissant de l'Union résidant et affilié à un régime de sécurité sociale dans un autre Etat membre.

5. Elle en a déduit que les articles 63 et 65 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne doivent être interprétés en ce sens qu'ils ne s'opposent pas à la législation d'un Etat membre, telle que la législation française, en vertu de laquelle un ressortissant de cet Etat membre, qui réside dans un Etat tiers autre qu'un Etat membre de l'Espace économique européen ou la Suisse, et qui y est affilié à un régime de sécurité sociale, est soumis, dans cet Etat membre, à des prélèvements sur les revenus du capital au titre d'une cotisation au régime de sécurité sociale instauré par celui-ci, alors qu'un ressortissant de l'Union relevant d'un régime de sécurité sociale d'un autre Etat membre en est exonéré en raison du principe de l'unicité de la législation applicable en matière de sécurité sociale en vertu de l'article 11 du règlement (CE)

n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale. Contrairement à ce qui est soutenu, cet arrêt statue sur la conformité au droit communautaire des règles applicables aux résidents des Etats tiers qui ne peuvent bénéficier des règlements européens instituant un principe d'unicité d'affiliation à un régime de sécurité sociale.

6. Il s'ensuit que la circonstance qu'une personne affiliée à un régime de sécurité sociale d'un Etat tiers à l'Union européenne, autre que les Etats membres de l'Espace économique européen ou la Suisse soit soumise, comme les personnes affiliées à la sécurité sociale en France, aux prélèvements sur les revenus du capital prévus par la législation française entrant dans le champ du règlement du 29 avril 2004, alors qu'une personne relevant d'un régime de sécurité sociale d'un Etat membre autre que la France ne peut, compte tenu des dispositions de ce règlement, y être soumise, ne constitue pas une restriction aux mouvements de capitaux en provenance ou à destination des pays tiers, au sens de l'article 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Les requérants ne sont, par suite, pas fondés à soutenir pour ce motif que les contributions en litige ont été mises à sa charge en méconnaissance du principe de libre circulation des capitaux énoncé à cet article.

7. Les requérants soutiennent également que la soumission aux prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine des personnes affiliées à un régime de sécurité sociale d'un Etat autre que la Suisse ou que ceux qui font partie de l'Union européenne ou de l'Espace économique européen qui, contrairement aux personnes relevant du régime de sécurité sociale français, ne peuvent prétendre au bénéfice du régime de protection sociale français, est constitutive d'une restriction à la libre circulation des capitaux, prohibée par l'article 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, en ce qu'elle est susceptible de les dissuader d'effectuer des investissements immobiliers en France. Toutefois, les résidents d'un Etat tiers étant assujettis aux mêmes prélèvements sociaux sur leurs revenus du patrimoine que les résidents français, ils ne peuvent être regardés comme relevant d'un régime fiscal moins favorable susceptible de les dissuader de réaliser des opérations immobilières en France. Cette dissuasion ne saurait résulter de la circonstance que l'assujettissement aux prélèvements sociaux en litige ne leur ouvre pas droit aux prestations sociales en France. Dès lors, les requérants ne sont pas non plus fondés à soutenir, pour ce motif, que les contributions en litige ont été mises à leur charge en méconnaissance du principe de libre circulation des capitaux énoncé à l'article 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

8. En l'absence de toute méconnaissance de la loi fiscale ou de contrariété avec les règles de l'Union européenne, les moyens tirés de ce que l'administration effectuerait une confusion entre le fait générateur de l'affiliation et l'assiette des cotisations et entre le fait d'être affilié à un régime de sécurité sociale et le fait de le financer, et de ce que des cotisations sont établies à la charge de contribuable ne bénéficiant pas des prestations correspondantes sont sans influence sur le bien-fondé de l'imposition.

9. Enfin, les requérants n'étant pas affiliés à la sécurité sociale en Suisse ou dans un Etat faisant partie de l'Union européenne ou de l'Espace économique européen, ils ne sauraient en tout état de cause valablement se prévaloir de ce que l'administration fiscale appliquerait la règle d'unicité d'affiliation applicable aux résidents de ces Etats en méconnaissance des règlements applicables à ces résidents.

10. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la présidente de la 2ème section du Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que M. et Mme F...demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme F...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A...F....

Copie en sera adressée au ministre de l'action et des comptes publics et au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.

Délibéré après l'audience du 12 juin 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président,

- Mme Appèche, président assesseur,

- M. Magnard, premier conseiller.

Lu en audience publique le 26 juin 2019.

Le rapporteur,

F. MAGNARD Le président,

I. BROTONS

Le greffier,

P. LIMMOIS

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

7

2

N° 18PA04038


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA04038
Date de la décision : 26/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: M. CHEYLAN
Avocat(s) : SELAS DE GAULLE FLEURANCE ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-06-26;18pa04038 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award