Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E...H...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 25 janvier 2018 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande d'admission sur le territoire français au titre de l'asile et a fixé le pays de destination de son réacheminement.
Par un jugement n° 1801252/8 du 29 janvier 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 1er mars 2018, MmeH..., représentée par Me C...B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1801252/8 du 29 janvier 2018 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler la décision du 25 janvier 2018 du ministre de l'intérieur ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dès la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision du ministre est entachée d'un défaut d'information sur ses droits et obligations dans le cadre de la procédure d'examen de sa demande d'asile dès lors, d'une part, qu'elle n'a pas bénéficié de l'assistance effective d'un interprète pendant l'entretien avec l'agent de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et, d'autre part, qu'elle n'a pas reçu d'information effective sur la possibilité de communiquer avec un représentant du HCR ;
- cette décision est entachée d'illégalité à cause des conditions générales matérielles de l'entretien ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation car sa demande n'était pas manifestement infondée ;
- elle viole les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 5 juin 2018, le ministre de l'intérieur, représenté par Me A...F..., conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par la requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 portant création d'un office français de protection des réfugiés et apatrides ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Appèche,
- et les observations de Me D...G..., représentant le ministre de l'intérieur.
Considérant ce qui suit :
1. Mme H..., de nationalité turque, née le 10 décembre 1977 à Siirt, est arrivée le 22 janvier 2018 à 9h15 à l'aéroport de Roissy en provenance d'Algérie. Par une décision
du 25 janvier 2018, prise après qu'un avis eut été émis par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), le ministre de l'intérieur a rejeté la demande d'admission sur le territoire français au titre de l'asile de Mme H... et a fixé comme pays de destination de son réacheminement l'Algérie ou tout pays où elle serait légalement admissible. La requérante relève appel du jugement du 29 janvier 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur la décision rejetant la demande d'admission :
2. L'article R. 213-2, alinéa 1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Lorsque l'étranger qui se présente à la frontière demande à bénéficier du droit d'asile, il est informé sans délai, dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend, de la procédure de demande d'asile et de son déroulement, de ses droits et obligations au cours de cette procédure, des conséquences que pourrait avoir le non-respect de ses obligations ou le refus de coopérer avec les autorités et des moyens dont il dispose pour l'aider à présenter sa demande ".
3. D'une part, il ressort du procès verbal établi le 22 janvier 2018 par l'agent de police judiciaire en fonction à l'aéroport et auquel s'est présentée Mme H...à son arrivée, que celle-ci a été dûment informée de la possibilité de prendre contact avec un représentant du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), dont les coordonnées lui ont été communiquées.
4. D'autre part, pour demander l'annulation de la décision contestée, la requérante soutient qu'elle ne comprenait pas l'interprète qui l'a assistée tout au long de son entretien
le 25 janvier 2018 avec un agent de l'OFPRA. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, et notamment du compte rendu de l'audition de Mme H... par l'agent de protection de l'OFPRA, que l'intéressée n'a pas évoqué pendant l'entretien le moindre problème de communication avec l'interprète en langue turque qui l'a assistée téléphoniquement. Ainsi, le moyen tiré de ce que la décision attaquée est irrégulière pour défaut d'information sur les droits et obligations du demandeur d'asile doit être écarté.
5. Si Mme H... soutient, par ailleurs, que les conditions matérielles de l'entretien avec l'agent de l'OFPRA ne lui ont pas permis d'être bien comprise, il ressort des pièces du dossier qu'elle a pu apporter des réponses intelligibles, longues et substantielles au cours d'un entretien ayant duré 1h10 et qui n'a été perturbé par aucun incident de nature à avoir privé l'intéressée d'une garantie.
6. Il résulte des dispositions de l'article L. 213-8-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le ministre chargé de l'immigration peut rejeter la demande d'asile présentée par un étranger lorsque celle-ci est manifestement infondée. Cet article précise que : " Constitue une demande d'asile manifestement infondée une demande qui, au regard des déclarations faites par l'étranger et des documents le cas échéant produits, est manifestement dénuée de pertinence au regard des conditions d'octroi de l'asile ou manifestement dépourvue de toute crédibilité en ce qui concerne le risque de persécutions ou d'atteintes graves ".
7. Mme H...soutient que la décision contestée est entachée d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que sa demande n'était pas manifestement infondée. Pour justifier sa demande d'asile, la requérante a, lors son entretien du 25 janvier 2018 avec un représentant de l'OFPRA, fait état de ce qu'elle aurait été attaquée avec sa famille en Turquie du fait de son origine kurde, qu'elle aurait été arrêtée et détenue en Syrie, qu'elle aurait ensuite subi cinq ans d'emprisonnement en Turquie, et enfin qu'elle aurait été arrêtée et recherchée en Turquie. Toutefois, ses déclarations présentent un caractère lacunaire, inconsistant, et ne sont étayées d'aucun élément circonstancié. Il ressort également, tant de l'avis motivé de l'OFPRA, que du compte-rendu de l'entretien que la requérante a eu avec l'agent de cet office, que le récit de l'intéressée présente des incohérences, notamment en ce qui concerne la date de son séjour en Syrie dont on ne sait s'il a eu lieu en 2001 ou en 2011, les contradictions sur ce point n'apparaissant pas comme étant dues à des difficultés linguistiques de l'intéressée mais bien aux incohérences chronologiques de ses déclarations. Par ailleurs, comme l'a jugé le tribunal administratif, il ressort également des pièces du dossier que si Mme H... déclare avoir subi des traitements inhumains et dégradants, elle se réfère soit à des faits la concernant personnellement mais qui sont anciens, antérieurs de plus de dix ans à la décision litigieuse, soit à des faits récents mais qui se rapportent à la situation générale en Turquie. Ces déclarations n'étaient manifestement pas de nature à accréditer l'existence de risques graves, personnels et actuels encourus par Mme H...dans son pays. Il en va de même des pièces versées au dossier ainsi que du document produit pour la première fois en appel par l'intéressée, qui, à le supposer authentique, évoque une condamnation prononcée en 2007 et exécutée depuis 2011. Ainsi, Mme H...n'est pas fondée à soutenir que le ministre de l'intérieur aurait commis une erreur de droit ou une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle au regard des articles L. 222-1 et L. 213-8-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de l'admettre au séjour au titre de l'asile.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
8. Aux termes de l'article L. 213-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'entrée en France est refusée à un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, l'entreprise de transport aérien ou maritime qui l'a acheminé est tenue de ramener sans délai, à la requête des autorités chargées du contrôle des personnes à la frontière, cet étranger au point où il a commencé à utiliser le moyen de transport de cette entreprise, ou, en cas d'impossibilité, dans l'Etat qui a délivré le document de voyage avec lequel il a voyagé ou en tout autre lieu où il peut être admis ".
9. Pour contester la décision de renvoi en Algérie, Mme H...soutient que cette décision viole les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'elle risquerait d'être soumise à des traitements inhumains et dégradants en cas de réacheminement vers la Turquie par l'Algérie. Toutefois, la requérante, qui au demeurant n'a pas établi la réalité et le caractère personnel et actuel des menaces pesant sur elle en cas de retour dans son pays, la Turquie, ne démontre pas davantage être exposée à de tels risques en cas de réacheminement vers l'Algérie. Dès lors, elle n'est pas fondée à soutenir que la décision de renvoi serait contraire aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme H...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation du jugement et des décisions ministérielles litigieuses doivent être rejetées. Il en va de même, par voie de conséquence, de ses conclusions à fin d'injonction ainsi que de celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE
Article 1er : La requête de Mme H...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E...H...et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 12 juin 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- Mme Appèche, président assesseur,
- M. Magnard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 26 juin 2019.
Le rapporteur,
S. APPECHELe président,
I. BROTONS
Le greffier,
P. LIMMOIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 18PA00732 2
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