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25/06/2019 | FRANCE | N°18PA03550

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 25 juin 2019, 18PA03550


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 2 mars 2017 par laquelle le préfet de police a rejeté sa demande d'abrogation de l'arrêté d'expulsion pris à son encontre le 25 mai 2009.

Par un jugement n° 1709412 du 17 mai 2018, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 novembre 2018, et des mémoires enregistrés les

31 mai 2019 et 7 juin 2019, M. B... A..., représent

par Me E..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 17...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 2 mars 2017 par laquelle le préfet de police a rejeté sa demande d'abrogation de l'arrêté d'expulsion pris à son encontre le 25 mai 2009.

Par un jugement n° 1709412 du 17 mai 2018, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 novembre 2018, et des mémoires enregistrés les

31 mai 2019 et 7 juin 2019, M. B... A..., représenté par Me E..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 17 mai 2018 ;

2°) d'annuler la décision du 2 mars 2017 refusant d'abroger l'arrêté d'expulsion ;

3°) d'abroger l'arrêté d'expulsion du 25 mai 2009 ;

4°) d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa situation administrative, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L 761-1 du code justice administrative.

Il soutient que :

- le préfet était tenu de saisir la commission d'expulsion en application de l'article

L. 524-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il est père d'enfants français et contribue à l'entretien de ses enfants ; il entre dans le champ de l'article L. 521-2 de ce code qui s'applique également aux refus d'abroger des arrêtés d'expulsion ;

- il ne constitue plus une menace grave pour l'ordre public et a donné des gages de sa bonne conduite ;

- la décision porte atteinte à son droit à une vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à l'intérêt supérieur de ses enfants garanti par l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- les perspectives de réinsertion de sa famille en Algérie sont très défavorables, ni sa femme ni ses enfants ne parlant l'arabe.

Par un mémoire enregistré le 7 mai 2019, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de Mme Delamarre, rapporteur public,

- et les observations de Me E..., représentant M. A....

1. M. A..., ressortissant algérien né le 1er avril 1980, est entré en France en 2002 selon ses déclarations. Son séjour a été régularisé en 2006. Le 25 mai 2009, le préfet de police a pris à son encontre un arrêté d'expulsion, notifié le 8 juin 2009, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par décision du 2 mars 2017, le préfet de police a rejeté la demande d'abrogation de cet arrêté d'expulsion présentée par M. A... le 12 novembre 2016. M. A... relève appel du jugement du 17 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 524-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'arrêté d'expulsion peut à tout moment être abrogé. Lorsque la demande d'abrogation est présentée à l'expiration d'un délai de cinq ans à compter de l'exécution effective de l'arrêté d'expulsion, elle ne peut être rejetée qu'après avis de la commission prévue à l'article L. 522-1, devant laquelle l'intéressé peut se faire représenter " ;

3. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A..., actuellement incarcéré au centre de détention de Val de Reuil, aurait quitté la France après que l'arrêté d'expulsion du 8 juin 2009 lui avait été notifié. Cet arrêté n'ayant pas été effectivement exécuté, le préfet n'était pas tenu de saisir la commission d'expulsion de la demande d'abrogation dont il était saisi.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 521-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'expulsion que si cette mesure constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'État ou la sécurité publique et sous réserve que les dispositions de l'article L. 521-3 n'y fassent pas obstacle (...): L'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins un an (...) ".

5. Si ces dispositions font obstacle à ce qu'une mesure d'expulsion puisse être prise à l'encontre d'un étranger se trouvant dans l'un des cas qu'elles définissent, elles n'ont en revanche pas pour objet d'ouvrir droit à l'abrogation d'une mesure d'expulsion antérieurement prise à l'encontre d'un étranger, fût-il dans l'un de ces cas, ni de définir les critères au vu desquels l'autorité administrative doit se prononcer pour abroger une telle mesure d'expulsion. Elles ne peuvent dès lors être utilement invoquées à l'encontre de la décision du 2 mars 2017.

6. En troisième lieu, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, lorsqu'il est saisi d'un moyen en ce sens à l'appui d'un recours dirigé contre le refus d'abroger une mesure d'expulsion, de rechercher si les faits sur lesquels l'autorité administrative s'est fondée pour estimer que la présence en France de l'intéressé constituait toujours, à la date à laquelle elle s'est prononcée, une menace pour l'ordre public de nature à justifier légalement que la mesure d'expulsion ne soit pas abrogée. L'autorité compétente apprécie le risque en tenant compte notamment des changements intervenus dans la situation personnelle et familiale de l'intéressé et des garanties de réinsertion qu'il présente.

7. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a été condamné entre 2005 et 2014 à plusieurs peines d'emprisonnement, assorties pour certaines de sursis qui ont été révoqués, d'une durée totale de treize ans et demi, pour s'être rendu coupable de huit infractions. Elles concernent pour les plus graves des faits d'escroquerie et de contrefaçon de carte de paiement en bande organisée, et de transports de stupéfiants, en l'espèce de la cocaïne. Six d'entre elles ont été prononcées après le prononcé de la mesure d'expulsion en 2009. Si certains des faits qui ont motivé ces condamnations sont anciens, les délits commis qui se sont poursuivis sur plusieurs années révèlent l'appartenance de M. A... à la délinquance organisée. Ni sa bonne conduite en prison, ni l'emploi de mécanicien en confection qu'il y exerce, ni la naissance de deux enfants en 2013 et 2014 ne constituent des gages suffisamment solides de réinsertion, eu égard à son passé délictueux. C'est donc sans entacher son appréciation d'erreur que le préfet de police a pu considérer que M. A... représentait toujours à la date à laquelle il s'est prononcé une menace pour l'ordre public.

8. L'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". L'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 prévoit que : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

9. La situation familiale de M. A... a évolué depuis l'intervention de l'arrêté d'expulsion avec la naissance de ses deux enfants, de nationalité française, nés respectivement, le 6 février 2013 et le 9 juillet 2014. Il résulte d'un témoignage de sa compagne depuis six ans que le requérant est très attaché à ses enfants dont il s'occupe, dans les limites matérielles de la détention. En outre la mère de M. A... qui réside en France est gravement malade. Cependant, ainsi qu'il a été dit précédemment, le requérant depuis son arrivée en France et hors ses périodes d'incarcération s'est régulièrement signalé par des activités délinquantes d'une gravité significative, accomplies le plus souvent en bande organisée. Par ailleurs, il n'est pas dépourvu d'attaches en Algérie où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-deux ans. Dans ces conditions, eu égard aux considérations tenant à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions, la décision contestée n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. A... à une vie privée et familiale. L'intérêt supérieur de ses enfants, qui jusqu'à présent ont été élevés par leur mère, n'a pas été méconnu. S'il est vrai que l'insertion de l'intéressé, de l'épouse et des enfants de

M. A... en Algérie n'ira sans doute pas sans leur poser des difficultés, le préfet de police n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle du requérant.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour information au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 11 juin 2019, à laquelle siégeaient :

- M. D..., premier vice-président,

- M. C..., président assesseur,

- Mme Pena, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 25 juin 2019.

Le rapporteur,

Ch. C...Le président,

M. D...

Le greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 10PA03855

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N° 18PA03550


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA03550
Date de la décision : 25/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-02-06 Étrangers. Expulsion. Abrogation.


Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: M. Christian BERNIER
Rapporteur public ?: Mme DELAMARRE
Avocat(s) : RIMAILHO

Origine de la décision
Date de l'import : 03/09/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-06-25;18pa03550 ?
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