Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D...C...veuve F...et son fils M. B...F...ont demandé au tribunal administratif de Paris de mettre à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affection iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) les sommes de 30 000 euros et de 8 000 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment respectivement avoir subis du fait de la contamination de Mme F...par le virus de l'hépatite C (VHC), imputée à des transfusions de produits sanguins qui lui ont été administrés en 1984.
Par un jugement n° 1611144 du 6 février 2018, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 5 avril 2018 et le 20 septembre 2018, Mme C... et M.F..., représentés par Me A...demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'ordonner une expertise complémentaire afin d'établir la nature des troubles psychologiques et psychiatriques imputables à la contamination de Mme C...par le VHC et d'évaluer ces préjudices ;
3°) de mettre à la charge de l'ONIAM les sommes de 30 000 euros et de 8 000 euros à verser à Mme C...et à M. F...en réparation de leurs préjudices respectifs, assorties des intérêts au taux légal ;
4°) de mettre à la charge de l'ONIAM le versement d'une somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- en vertu de l'article L. 1221-4 du code de la santé publique et de l'article 102 de la loi n°2002-303 du 4 mars 2002, le lien entre la transfusion reçue par Mme C...et la contamination par le VHC est présumé et le doute sur la causalité doit bénéficier à l'intéressée ;
- l'ONIAM n'apporte pas la preuve de l'absence de lien entre la transfusion et la contamination, dès lors notamment qu'aucune enquête transfusionnelle n'a pu être menée et que l'expert, qui a indiqué qu'il était impossible de statuer de façon formelle sur le mode de contamination, a retenu qu'un tel lien ne pouvait être exclu ;
- les précisions apportées par l'expert dans son complément d'expertise ne s'appuient sur aucun argument technique ou scientifique probant ;
- si l'examen biologique réalisé le 13 juin 1984 permettait d'envisager l'existence d'une hépatite antérieure à la transfusion, il n'est pas établi que cette hépatite soit liée au VHC plutôt qu'à un autre type d'hépatite ;
- Mme C...n'a été exposée à aucun facteur de risque de contamination par le VHC avant la transfusion sanguine du 28 juin 1984.
Par un mémoire en défense enregistré le 11 juin 2018, l'ONIAM conclut au rejet de la requête. Il soutient que la probabilité d'une origine transfusionnelle est beaucoup moins élevée que celle d'une origine étrangère aux transfusions, compte tenu des lésions d'hépatite chronique que présentait Mme C...avant la transfusion du 28 juin 1984 et de ce qu'elle a vécu au Maroc où le risque endémique est fort.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- le code de la santé publique ;
- la loi n°2002-303 du 4 mars 2002 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Pena,
- et les conclusions de Mme Delamarre, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. MmeC..., née le 15 septembre 1941, a été admise à l'hôpital Laennec à Paris pour la prise en charge d'une tuberculose ganglionnaire et y a fait l'objet d'une transfusion sanguine le 28 juin 1984. Le 21 mars 1995, une cirrhose en rapport avec l'hépatite C a été diagnostiquée par biopsie hépatique. Par une demande du 30 mars 2015, Mme C...et son fils M. F...ont saisi l'ONIAM d'une demande indemnitaire sur le fondement des dispositions de l'article
L. 1221-14 du code de la santé publique, rejetée le 21 juin 2016. Ils relèvent appel du jugement du 6 février 2018 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'ONIAM à verser à Mme C...une somme de 30 000 euros et à
M. F...une somme de 8 000 euros.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique : " Les victimes de préjudices résultant de la contamination par le virus de l'hépatite [...] C [...] causée par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang réalisée sur les territoires auxquels s'applique le présent chapitre sont indemnisées au titre de la solidarité nationale par l'office mentionné à l'article L. 1142-22 dans les conditions prévues à la seconde phrase du troisième alinéa de l'article L. 3122-1, aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 3122-2, au premier alinéa de l'article L. 3122-3 et à l'article L. 3122-4, à l'exception de la seconde phrase du premier alinéa. / Dans leur demande d'indemnisation, les victimes ou leurs ayants droit justifient de l'atteinte par le virus de l'hépatite [...] C [...] et des transfusions de produits sanguins ou des injections de médicaments dérivés du sang. L'office recherche les circonstances de la contamination. S'agissant des contaminations par le virus de l'hépatite C, cette recherche est réalisée notamment dans les conditions prévues à l'article 102 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. Il procède à toute investigation sans que puisse lui être opposé le secret professionnel. / L'offre d'indemnisation visant à la réparation intégrale des préjudices subis du fait de la contamination est faite à la victime dans les conditions fixées aux deuxième, troisième et cinquième alinéas de l'article L. 1142-17. / [...] ".
3. Aux termes de l'article 102 de la loi susvisée du 4 mars 2002 : " En cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Le doute profite au demandeur. / Cette disposition est applicable aux instances en cours n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable ".
4. La présomption prévue par les dispositions précitées est constituée dès lors qu'un faisceau d'éléments confère à l'hypothèse d'une origine transfusionnelle de la contamination, compte tenu de l'ensemble des éléments disponibles, un degré suffisamment élevé de vraisemblance. Tel est normalement le cas lorsqu'il résulte de l'instruction que le demandeur s'est vu administrer, à une date où il n'était pas procédé à une détection systématique du virus de l'hépatite C à l'occasion des dons du sang, des produits sanguins dont l'innocuité n'a pas pu être établie, à moins que la date d'apparition des premiers symptômes de l'hépatite C ou de révélation de la séropositivité démontre que la contamination n'a pas pu se produire à l'occasion de l'administration de ces produits. Eu égard à la disposition selon laquelle le doute profite au demandeur, la circonstance que l'intéressé a été exposé par ailleurs à d'autres facteurs de contamination, résultant notamment d'actes médicaux invasifs ou d'un comportement personnel à risque, ne saurait faire obstacle à la présomption légale que dans le cas où il résulte de l'instruction que la probabilité d'une origine transfusionnelle est manifestement moins élevée que celle d'une origine étrangère aux transfusions.
5. Il résulte de l'instruction que le 28 juin 1984, au décours d'une biopsie hépatique effectuée dans le cadre de la prise en charge d'une tuberculose ganglionnaire, Mme C...a bénéficié de la transfusion de deux flacons de plasma frais congelés, à partir de flacons pour lesquels l'Etablissement français du sang n'a pas été en mesure d'effectuer une enquête transfusionnelle. Dans son rapport d'expertise du 7 octobre 2015, le docteur E...a toutefois relevé que si la possibilité d'une infection ou d'une surinfection virale C lors de la transfusion de 1984 ne pouvait être formellement exclue, il s'avère d'une part, que Mme C...a résidé une partie de sa vie au Maroc dont elle est originaire et où le risque endémique de transmission du VHC présente une haute incidence, d'autre part, que les analyses effectuées avant la transfusion avaient révélé des lésions d'hépatite chronique virale. Le compte-rendu des prélèvements du 13 juin 1984 mentionne en effet l'existence de lésions dont l'explication la plus probable était celle d'une hépatite modérément active ou d'une hépatite réactive non spécifique. La description de ces lésions et cette analyse qui comportait par ailleurs des résultats négatifs dans la recherche d'anticorps anti HBs et d'antigène HBs, n'ont pas conduit l'expert à s'interroger sur le type d'hépatite susceptible d'en être à l'origine. En outre ce dernier a expressément indiqué, dans son courrier du 30 mars 2016 complétant l'expertise que, s'il n'était pas possible de statuer de façon formelle sur le mode de contamination, " l'existence de cette hépatopathie préalable à toute transfusion suggère cependant une plus grande probabilité d'infection par le VHC antérieure à la transfusion de plasma que celle liée à la transfusion de plasma ". Dès lors, au regard de l'ensemble de ces circonstances, la probabilité d'une origine transfusionnelle de la contamination de Mme C...par le VHC est manifestement moins élevée que celle d'une origine étrangère aux transfusions, antérieure à ces dernières.
6. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la demande d'expertise, Mme C...et M. F...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté leurs demandes indemnitaires.
Sur les conclusions aux fins d'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font en tout état de cause obstacle à ce que soit mise à la charge de l'ONIAM, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme demandée par Mme C...et
M. F...au titre des frais qu'ils ont exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme C...et de M. F...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...C...veuveF..., à M. B... F... et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.
Délibéré après l'audience du 11 juin 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Bouleau, premier vice-président,
- M. Bernier, président assesseur,
- Mme Pena, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 25 juin 2019.
Le rapporteur,
E. PENALe président,
M. BOULEAU
Le greffier,
E. MOULIN
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
5
N° 10PA03855
2
N° 18PA01143