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20/06/2019 | FRANCE | N°19PA00634

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 20 juin 2019, 19PA00634


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...B...a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 20 août 2018 par lequel le préfet du Val-de-Marne a ordonné sa remise aux autorités italiennes en charge de sa demande d'asile et l'arrêté du même jour l'assignant à résidence.

Par un jugement n° 1806913 du 4 septembre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 6 février 2019, MmeB

..., représentée par Me Mariette, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal adminis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...B...a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 20 août 2018 par lequel le préfet du Val-de-Marne a ordonné sa remise aux autorités italiennes en charge de sa demande d'asile et l'arrêté du même jour l'assignant à résidence.

Par un jugement n° 1806913 du 4 septembre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 6 février 2019, MmeB..., représentée par Me Mariette, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Melun du 4 septembre 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Val-de-Marne du 20 août 2018 portant transfert aux autorités italiennes et l'arrêté du préfet du Val-de-Marne du 20 août 2018 portant assignation à résidence ;

3°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne d'enregistrer sa demande d'asile dans un délai de trois jours sous astreinte de 150 euros par jour de retard et, subsidiairement, d'ordonner la suspension de l'exécution de son transfert vers l'Italie ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

- l'arrêté litigieux est insuffisamment motivé ;

- il n'a pas été précédé d'un examen sérieux de sa situation, notamment de son état de santé et des besoins de son fils de cinq ans qui l'accompagnait ;

- son droit à l'information, prévu par les articles 4 et 5 du règlement (UE) n° 604/2013, a été méconnu ;

- la notification de la décision de transfert a été faite sans interprète, en méconnaissance des articles L. 531-1 et L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 26 du règlement (UE) n° 604/2013 ;

- l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le préfet aurait dû faire application de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 ;

- l'arrêté litigieux méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'arrêté d'assignation à résidence est illégal du fait de l'illégalité de l'arrêté portant remise aux autorités italiennes ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article R. 561-2 du même code dès lors que l'obligation de pointage au commissariat est extrêmement contraignante et ne se justifie pas dès alors qu'elle a un domicile connu.

Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 décembre 2018 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris.

Par une lettre du 17 mai 2019, les parties ont été informées que la cour est susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré du non-lieu à statuer dès lors que l'arrêté de transfert vers l'Italie n'est plus susceptible d'être exécuté, un délai de six mois s'étant écoulé depuis le jugement du tribunal administratif.

Par un mémoire enregistré le 22 mai 2019, Mme B...maintient les conclusions de sa requête.

Elle soutient que :

- il n'est pas établi que le préfet du Val-de-Marne ne l'a pas déclarée en fuite, prolongeant le délai d'exécution de l'arrêté de transfert ;

- l'arrêté a produit des effets puisqu'il l'a empêché de déposer sa demande d'asile en France ;

- pour obtenir réparation des conséquences dommageables de cette décision, elle doit au préalable en obtenir l'annulation.

La requête a été communiquée au préfet du Val-de-Marne qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Legeai,

- et les observations de Me Mariette, avocat de MmeB....

Considérant ce qui suit :

1. MmeB..., ressortissante ivoirienne née le 25 mars 1988, a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile et a été reçue le 25 avril 2018 à la préfecture du Val-de-Marne. L'examen de ses empreintes digitales a révélé qu'elle était entrée irrégulièrement dans l'Union européenne en franchissant la frontière italienne. Les autorités italiennes ayant accepté, le 3 juillet 2018, sa prise en charge, le préfet du Val-de-Marne a pris, le 20 août 2018, un arrêté décidant la remise de Mme B...à ces autorités, responsables de l'examen de sa demande d'asile. Par un second arrêté du même jour, le préfet du Val-de-Marne a prononcé l'assignation à résidence de l'intéressée. Mme B...fait appel du jugement du 4 septembre 2018 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Melun a refusé de prononcer l'annulation de ces arrêtés.

2. Le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 fixe, à ses articles 7 et suivants, les critères à mettre en oeuvre pour déterminer, de manière claire, opérationnelle et rapide ainsi que l'ont prévu les conclusions du Conseil européen de Tampere des 15 et 16 octobre 1999, l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile. La mise en oeuvre de ces critères peut conduire, le cas échéant, à une demande de prise ou reprise en charge du demandeur, formée par l'Etat membre dans lequel se trouve l'étranger, dénommé " Etat membre requérant ", auprès de l'Etat membre que ce dernier estime être responsable de l'examen de la demande d'asile, ou " Etat membre requis ". En cas d'acceptation de ce dernier, l'Etat membre requérant prend, en vertu de l'article 26 du règlement, une décision de transfert, notifiée au demandeur, à l'encontre de laquelle ce dernier dispose d'un droit de recours effectif, en vertu de l'article 27, paragraphe 1, du règlement. Aux termes du paragraphe 3 du même article :

" Aux fins des recours contre des décisions de transfert ou des demandes de révision de ces décisions, les États membres prévoient les dispositions suivantes dans leur droit national : / a) le recours ou la révision confère à la personne concernée le droit de rester dans l'État membre concerné en attendant l'issue de son recours ou de sa demande de révision (...) ". Aux termes de l'article 29, paragraphe 1, du règlement, le transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile doit s'effectuer " dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de la prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3 ". Aux termes du paragraphe 2 du même article : " Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'État membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'État membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite ".

3. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen ". Aux termes du I de l'article L. 742-4 du même code : " L'étranger qui a fait l'objet d'une décision de transfert mentionnée à l'article L. 742-3 peut, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de cette décision, en demander l'annulation au président du tribunal administratif. / Le président ou le magistrat qu'il désigne à cette fin (...) statue dans un délai de quinze jours à compter de sa saisine (...) ". En vertu du II du même article, lorsque la décision de transfert est accompagnée d'un placement en rétention administrative ou d'une mesure d'assignation à résidence notifiée simultanément, l'étranger dispose d'un délai de 48 heures pour saisir le président du tribunal administratif d'un recours et ce dernier dispose d'un délai de 72 heures pour statuer. Aux termes du second alinéa de l'article L. 742-5 du même code : " La décision de transfert ne peut faire l'objet d'une exécution d'office ni avant l'expiration d'un délai de quinze jours ou, si une décision de placement en rétention prise en application de l'article L. 551-1 ou d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 a été notifiée avec la décision de transfert, avant l'expiration d'un délai de quarante-huit heures, ni avant que le tribunal administratif ait statué, s'il a été saisi ". L'article L. 742-6 du même code prévoit que : " Si la décision de transfert est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au livre V. L'autorité administrative statue à nouveau sur le cas de l'intéressé ".

4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date à laquelle le jugement du tribunal administratif statuant au principal sur cette demande a été notifié à l'administration, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel ni le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de

l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement précité, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.

5. La requête de Mme B...devant le tribunal administratif de Melun a interrompu le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Italie. Ce délai a recommencé à courir à compter de la notification au préfet du Val-de-Marne, le 18 septembre 2018, du jugement de ce tribunal daté du

4 septembre 2018 et n'a pas été interrompu par l'appel de l'intéressée, alors qu'il ne résulte d'aucun élément du dossier que le délai aurait fait l'objet d'une prolongation en raison d'une incarcération ou d'une fuite de l'intéressée. La France est donc devenue responsable de l'examen de la demande de protection de Mme B...et les conclusions de celle-ci tendant à l'annulation de l'arrêté de transfert, qui n'a pas exécuté, sont devenues sans objet, la recevabilité d'un éventuel recours indemnitaire n'étant pas, contrairement à ce que soutient la requérante, subordonné à une annulation préalable par le juge de l'excès de pouvoir de la décision administrative dont est invoquée l'illégalité.

6. Il résulte de ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin d'annulation de la requête de MmeB..., y compris celles concernant la mesure d'assignation à résidence qui a nécessairement pris fin.

7. Le présent arrêt, qui se borne à constater qu'il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions à fin d'annulation, n'implique aucune mesure d'exécution.

8. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme que demande le conseil de Mme B...sur le fondement de l'article 37 de la loi

du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin d'annulation de la requête de

MmeB....

Article 2 : Le surplus de la requête de Mme B...est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 23 mai 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme Pellissier, présidente de chambre,

- M. Legeai, premier conseiller,

- M. Platillero, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 juin 2019.

Le rapporteur,

A. LEGEAI La présidente,

S. PELLISSIER Le greffier,

M. A...La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

6

N° 19PA00634


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19PA00634
Date de la décision : 20/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: M. Alain LEGEAI
Rapporteur public ?: Mme DELAMARRE
Avocat(s) : MARIETTE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-06-20;19pa00634 ?
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