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20/06/2019 | FRANCE | N°18PA02803

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 20 juin 2019, 18PA02803


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F...D...a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 20 avril 2018 par lequel la préfète de Seine-et-Marne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays où il pourrait être reconduit et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1803248 du 5 juillet 2018, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devan

t la Cour :

Par une requête enregistrée le 15 août 2018, M.D..., représenté par MeA..., demand...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F...D...a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 20 avril 2018 par lequel la préfète de Seine-et-Marne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays où il pourrait être reconduit et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1803248 du 5 juillet 2018, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 15 août 2018, M.D..., représenté par MeA..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1803248 du 5 juillet 2018 du tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler la décision implicite de rejet de la demande de titre de séjour née du refus d'enregistrement de sa demande de titre de séjour ;

3°) d'annuler l'arrêté du 20 avril 2018 du préfet de Seine-et-Marne ;

4°) d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne de procéder à l'effacement de son signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen ;

5°) d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne de réexaminer sa situation dans le délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et de lui délivrer, pendant ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier car il se fonde sur des éléments non soumis au contradictoire protégé par les dispositions des articles L. 5 et R. 776-7 du code de justice administrative ;

- il est irrégulier car le premier juge n'a pas répondu à l'un des moyens qu'il avait invoqués ;

- il ne pouvait faire légalement l'objet d'une obligation de quitter le territoire français fondée sur les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile si sa demande de titre de séjour avait été dûment enregistrée ; le moyen tiré de l'illégalité de ce refus d'enregistrement est opérant ;

- il a présenté le 4 octobre 2016 une demande d'admission exceptionnelle au séjour qu'un agent a refusé d'enregistrer au motif erroné qu'il ne pouvait présenter un acte de naissance original ; il n'a pu en 2017 et 2018 obtenir un nouveau rendez-vous par internet ; ce refus d'enregistrement est illégal ;

- la décision implicite de rejet de sa demande de titre de séjour est entachée d'un vice de procédure en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale car elle se fonde sur un refus implicite de titre de séjour lui-même illégal ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de destination et la décision portant interdiction de retour sur le territoire français sont illégales car elles se fondent sur une obligation de quitter le territoire français elle-même illégale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Legeai a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.D..., ressortissant égyptien né en octobre 1967, soutient être entré en France en septembre 2006 muni d'un visa de court séjour. Sa demande d'asile a été rejetée le 27 juin 2012 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et le 18 février 2013 par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Il a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français le 7 mai 2013. Interpellé le 20 avril 2018 lors d'un contrôle routier qui a révélé qu'il était toujours en situation irrégulière en France, il a fait l'objet, par un arrêté du préfet de Seine-et-Marne du 20 avril 2018, d'une obligation de quitter le territoire français sans délai, assortie d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. M. D...fait appel du jugement du 5 juillet 2018 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. L'article L. 5 du code de justice administrative dispose : " L'instruction des affaires est contradictoire. Les exigences de la contradiction sont adaptées à celles de l'urgence, du secret de la défense nationale et de la protection de la sécurité des personnes ".

3. Il ressort des pièces du dossier que le premier juge a pris connaissance de deux décisions de la Cour nationale du droit d'asile concernant M.D..., qui n'avaient été produites ni par celui-ci ni par l'administration, et s'est fondé, aux points 4 et 9 de son jugement, sur les motifs de ces décisions pour écarter l'argumentation de l'intéressé relative aux conditions de son entrée et de son séjour en France. En se fondant sur ces décisions sans les communiquer à l'intéressé et sans le mettre à même de présenter ses observations sur leur portée, le premier juge a méconnu le principe du contradictoire. M. D...est donc fondé à soutenir, sans qu'il soit besoin d'examiner ses autres moyens, que le jugement est irrégulier et doit être annulé.

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Melun.

Sur la légalité de l'arrêté du 20 avril 2018 :

En ce qui concerne la légalité externe :

5. En premier lieu, le préfet de Seine-et-Marne a, par un arrêté n° 17/PCAD/171 du 27 juillet 2017 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de

Seine-et-Marne le lendemain, donné à Mme E...C..., cheffe du bureau de l'éloignement et du contentieux, délégation de signature aux fins de signer l'ensemble des décisions contenues dans l'arrêté du 20 août 2018. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de l'arrêté attaqué doit être écarté.

6. En deuxième lieu, l'arrêté attaqué vise les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il fait application, notamment les articles L. 511-1 I 1°, 2°, II 3° et III et L. 513-2. Il indique que M. D... s'est maintenu en France sans y être autorisé, ne se trouve pas dans une situation où un titre de séjour pourrait lui être délivré et a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français le 7 mai 2013, sans déférer à son obligation. L'arrêté expose ensuite que M. D...a exercé une activité professionnelle sans y être autorisé, méconnaissant le code du travail. Il indique qu'un risque de fuite peut être regardé comme établi puisque l'intéressé est entré irrégulièrement en France et s'est soustrait à une précédente mesure. Il précise les motifs de fait qui ont été pris en compte pour fixer la durée de l'interdiction du territoire français. Il mentionne enfin que l'épouse de M. D...demeure en Egypte, qu'il est sans enfant, sans domicile stable et sans ressources régulières sur le territoire français et qu'ainsi il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, alors qu'il n'est pas démontré de risques en cas de retour dans le pays d'origine. Par suite, l'arrêté comporte les motifs de droit et de fait qui fondent chacune des décisions qu'il comporte. Le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait et doit être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne :

S'agissant du rejet d'une demande de titre de séjour :

7. M. D...soutient qu'il a fait l'objet, le 4 octobre 2016, d'un refus d'enregistrement d'une demande de titre de séjour, selon lui irrégulier. Toutefois, en se bornant à remplir des documents dont il soutient qu'il n'a pu les déposer au guichet de la préfecture, il n'établit pas l'existence d'une décision de refus d'enregistrement, ni celui d'une demande de titre de séjour en cours d'examen à la date de l'arrêté litigieux. Par suite, les moyens et conclusions présentés à l'encontre d'une décision de refus d'enregistrement et du prétendu rejet implicite d'une demande de titre de séjour que contiendrait l'arrêté attaqué doivent être écartés.

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

8. En premier lieu, il ressort des termes mêmes de l'arrêté que l'obligation de quitter le territoire français est fondée sur le 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile et sur la circonstance que M. D... est entré et s'est maintenu en France sans y être autorisé, notamment malgré une précédente obligation de quitter le territoire français, et non au motif que sa demande de titre de séjour aurait été rejetée. Il en résulte que M. D...n'est pas fondé à invoquer, par voie d'exception, l'illégalité d'un refus de titre de séjour qui lui aurait été opposé. S'il soutient être en France depuis plus de dix ans, une telle circonstance n'est pas, en tout état de cause, de nature à lui conférer le droit à la délivrance d'un titre de séjour. L'obligation de quitter le territoire français n'est donc pas dépourvue de base légale.

9. En second lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

10. M. D...soutient qu'il réside en France depuis 2006, y travaille comme menuisier et y a établi le centre de sa vie privée. Toutefois, s'il produit des relevés bancaires faisant état de nombreux versements, de 2010 à début 2018, sur son compte bancaire, par chèques dont la provenance n'est en général pas établie, ces éléments sont insuffisants pour démontrer une intégration sociale et professionnelle. De plus, M. D...est en France célibataire et sans charge de famille, alors qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales en Egypte, pays dont il est ressortissant, où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de vingt-trois ans selon ses dires, et où résident son épouse et cinq frères et soeurs. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de Seine-et-Marne aurait, en l'obligeant à quitter le territoire français, porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels cette décision a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté. Pour les mêmes motifs le moyen tiré de ce que le préfet de Seine-et-Marne aurait commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de l'obligation de quitter le territoire français sur la situation personnelle de l'intéressé doit être écarté.

S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi et de l'interdiction de retour sur le territoire français :

11. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré, par voie d'exception à l'encontre de ces deux décisions, de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 20 avril 2018. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, supporte les frais de procédure sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1803248 du 5 juillet 2018 du tribunal administratif de Melun est annulé.

Article 2 : La demande de première instance de M. D...et le surplus de ses conclusions présentées en appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F...D...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de Seine-et-Marne.

Délibéré après l'audience du 23 mai 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme Pellissier, présidente de chambre,

- M. Legeai, premier conseiller,

- M. Platillero, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 juin 2019.

Le rapporteur,

A. LEGEAILa présidente,

S. PELLISSIERLe greffier,

M. B...La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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18PA02803


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18PA02803
Date de la décision : 20/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: M. Alain LEGEAI
Rapporteur public ?: Mme DELAMARRE
Avocat(s) : OTTOZ

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-06-20;18pa02803 ?
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