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20/06/2019 | FRANCE | N°18PA02801

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 20 juin 2019, 18PA02801


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 7 mars 2018 par lequel le préfet de police a décidé sa remise aux autorités italiennes, responsables de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1804341/8 du 17 avril 2018, le tribunal administratif de Paris a admis M. C...au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 15 août 2018, M.C..., représenté par Me D..., deman

de à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1804341/8 du 17 avril 2018 du tribunal administratif...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 7 mars 2018 par lequel le préfet de police a décidé sa remise aux autorités italiennes, responsables de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1804341/8 du 17 avril 2018, le tribunal administratif de Paris a admis M. C...au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 15 août 2018, M.C..., représenté par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1804341/8 du 17 avril 2018 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du 7 mars 2018 du préfet de police ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de l'admettre au séjour au titre de l'asile dans le délai de 24 heures suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour pendant la durée de l'examen de sa demande d'asile, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour pendant la durée de cet examen, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil, au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- son droit à l'information prévu par les articles 4 et 5 du règlement (UE) 604/2013 du 26 juin 2013 a été méconnu ;

- la décision de le transférer vers l'Italie méconnaît les articles 3-2 et 17 du même règlement.

Par lettre du 26 novembre 2018 les parties ont été informées que la cour est susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré du non-lieu à statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté de transfert du 7 mars 2018 dans la mesure où celui-ci n'est plus susceptible d'exécution six mois après le jugement du tribunal administratif.

Par mémoires en défense enregistrés les 29 novembre 2018 et 16 mai 2019, le préfet de police conclut au rejet de la requête de M.C....

Il soutient que :

- la requête n'est pas devenue sans objet car le délai de transfert a été prolongé jusqu'au 17 octobre 2019 ;

- les moyens soulevés par M. C...ne sont pas fondés.

M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 5 juillet 2018 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Legeai a été entendu au cours de l'audience.

1. M.C..., ressortissant malien né en janvier 1990, est entré irrégulièrement en France au mois d'octobre 2017 selon ses déclarations. Il a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile auprès du guichet unique des demandeurs d'asile de Paris le 12 décembre 2017. La consultation du fichier Eurodac a révélé qu'il avait précédemment déposé une demande d'asile en Italie le 18 mai 2015. Requises par une demande de reprise en charge le 13 décembre 2017, les autorités italiennes ont implicitement accepté leur responsabilité dans le traitement de la demande d'asile de M. C...le 28 décembre 2017. Par un arrêté du 7 mars 2018, le préfet de police a prononcé la remise de M. C...aux autorités italiennes. Par la présente requête, M. C...fait appel du jugement du tribunal administratif de Paris qui a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement (...). / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3 (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. C...s'est vu remettre le 12 décembre 2017 le guide du demandeur d'asile et les brochures " A " et " B ", rédigés en français et dont les copies versées au dossier comportent sa signature. En outre, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que l'intéressé aurait manifesté, à une quelconque étape de la procédure, une incompréhension de la langue française et fait part de son besoin d'être assisté d'un interprète en langue bambara. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des obligations d'information prévues par les dispositions précitées de l'article 4 du règlement (UE) du 26 juin 2013 doit être écarté

4. En deuxième lieu, l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 précité dispose : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4 (...). / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les Etats membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel ".

5. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du compte-rendu d'entretien individuel, signé par le requérant, que M. C...a déclaré comprendre le français et a confirmé avoir compris tous les termes de l'entretien qui s'est tenu dans cette langue. Il suit de là que le moyen tiré de ce que le préfet aurait méconnu les dispositions précitées en menant avec M. C...un entretien dans une langue qu'il ne comprend pas manque en fait.

6. En troisième lieu, aux termes du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Les États membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable. / Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un Etat membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier Etat membre auprès duquel la demande a été introduite, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable devient l'Etat membre responsable ". Aux termes de l'article 17 du règlement précité : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité (...) ".

7. M. C...invoque l'existence de défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile en Italie du fait de l'afflux massif de demandeurs dans ce pays dont les capacités d'accueil seraient dépassées. Toutefois, M. C...ne produit aucun élément permettant de corroborer ses déclarations et les documents d'ordre général qu'il produit, consistant notamment en un rapport d'Amnesty International sur la situation des droits humains dans le monde pour la période 2016/2017, un communiqué du Conseil de l'Europe du 1er mars 2018 et un rapport de l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés (OSAR) datant du mois d'août 2016, portant sur les conditions d'accueil des demandeurs d'asile, ne permettent pas de considérer que les autorités italiennes, qui ont implicitement donné leur accord à la demande de prise en charge adressée par les autorités françaises, ne seraient pas en mesure de traiter sa demande d'asile dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Par suite, les moyens tirés de ce que la décision en litige méconnaît les articles 3 et 17 du même règlement et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.

8. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence sa requête d'appel doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles aux fins d'injonction et d'astreinte, et celles tendant à ce que l'Etat, qui n'est pas partie perdante, supporte en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique les frais que M. C...aurait exposés s'il n'avait bénéficié de l'aide juridictionnelle totale.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 23 mai 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme Pellissier, présidente de chambre,

- M. Legeai, premier conseiller,

- M. Platillero, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 juin 2019.

Le rapporteur,

A. LEGEAILa présidente

S. PELLISSIERLe greffier,

M. B...La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18PA02801


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18PA02801
Date de la décision : 20/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: M. Alain LEGEAI
Rapporteur public ?: Mme DELAMARRE
Avocat(s) : BECHIEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-06-20;18pa02801 ?
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