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20/06/2019 | FRANCE | N°18PA02619

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 20 juin 2019, 18PA02619


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite par laquelle la ministre du travail a rejeté son recours hiérarchique formé contre la décision du 30 mai 2017 par laquelle l'inspecteur du travail s'est déclaré incompétent pour se prononcer sur la demande de l'ambassadeur de la République fédérative du Brésil en France tendant à obtenir l'autorisation de la licencier, ensemble la décision de l'inspecteur du travail du 30 mai 2017.

Par un jugement n° 1801

616/3-1 du 19 juin 2018, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Pr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite par laquelle la ministre du travail a rejeté son recours hiérarchique formé contre la décision du 30 mai 2017 par laquelle l'inspecteur du travail s'est déclaré incompétent pour se prononcer sur la demande de l'ambassadeur de la République fédérative du Brésil en France tendant à obtenir l'autorisation de la licencier, ensemble la décision de l'inspecteur du travail du 30 mai 2017.

Par un jugement n° 1801616/3-1 du 19 juin 2018, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés respectivement le 31 juillet 2018, le 9 septembre 2018 et le 15 janvier 2019, Mme A...B..., représentée par Me Viegas, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1801616/3-1 du 19 juin 2018 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision implicite par laquelle la ministre du travail a rejeté son recours hiérarchique formé contre la décision du 30 mai 2017 par laquelle l'inspecteur du travail s'est déclaré incompétent pour se prononcer sur la demande de l'ambassadeur de la République fédérative du Brésil en France tendant à obtenir l'autorisation de la licencier, ensemble la décision de l'inspecteur du travail du 30 mai 2017 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier parce qu'entaché de contradictions dans ses motifs et pour avoir omis de répondre à l'ensemble des moyens de la requête, en particulier, le moyen tiré de ce que les règles dont se prévalait la requérante étaient applicables dans la mesure où un accord collectif y renvoyait ;

- la décision litigieuse est entachée d'une erreur de droit en ce que, en application du code du travail, le licenciement d'un délégué du personnel ne peut intervenir qu'après qu'il a été autorisé par l'inspecteur du travail ; d'une part, c'est à tort que le tribunal administratif a retenu que " le principe de la souveraineté des Etats fait obstacle à ce qu'il soit fait application au sein de la représentation officielle d'un Etat étranger des règles du code du travail français relatives à la représentation du personnel et à celle des syndicats " ; d'autre part, les parties ayant choisi de se référer aux règles françaises, il n'appartenait pas à l'inspecteur du travail de refuser d'exercer son contrôle ; enfin, le refus d'appliquer les règles du code du travail conduit en l'espèce à priver les salariés de protection, ce qui contrevient aux engagements internationaux de la France et s'apparente à un déni de justice.

Une mise en demeure a été adressée le 15 novembre 2018 à la ministre du travail en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention de l'Organisation internationale du travail n° 87 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical de 1948, ratifiée par la France le 28 juin 1951 ;

- la convention de l'Organisation internationale du travail n° 98 sur le droit d'organisation et de négociation collective de 1949, ratifiée par la France le 26 octobre 1951 ;

- la convention de l'Organisation internationale du travail n° 135 concernant les représentants des travailleurs dans l'entreprise et les facilités à leur accorder, ratifiée par la France le 30 juin 1972 ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Luben,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public,

- et les observations de Me Viegas, avocat de MmeB....

Mme B...a produit une note en délibéré le 18 février 2019.

Considérant ce qui suit :

Sur la régularité du jugement attaqué :

1. Il ressort des motifs du jugement attaqué, en premier lieu, que les premiers juges ont estimé, d'une part, que le licenciement de Mme B...par l'ambassadeur du Brésil était un acte de gestion, qui n'était donc pas couvert par l'immunité de juridiction, que, d'autre part, les règles du droit du travail français relatives à la représentation syndicale et du personnel n'étaient pas applicables au sein des représentations des Etats étrangers en vertu du principe de souveraineté des Etats. Il en résultait une double conséquence. D'une part que Mme B...ne pouvait être regardée comme une salariée protégée au sens du droit du travail, et qu'ainsi son employeur n'avait pas à demander une autorisation de licenciement, et que, par suite, l'inspecteur du travail était incompétent. D'autre part, que Mme B...pouvait, en tant que salariée, saisir le juge de droit commun du travail, c'est-à-dire la juridiction prud'homale. En second lieu, il ressort des motifs de ce même jugement que les premiers juges ont écarté le moyen tiré de ce que les règles dont se prévalait la requérante étaient applicables dans la mesure où un accord collectif y renvoyait. Le jugement attaqué a ainsi examiné la situation de Mme B...tant au regard des droits dont elle pouvait se prévaloir au titre de son contrat de travail qu'au titre des règles régissant la représentation collective des salariés. En conséquence, Mme B...n'est pas fondée à soutenir que ce jugement serait entaché de contradictions dans ses motifs et irrégulier pour avoir omis de répondre à l'ensemble des moyens de la requête, en particulier au moyen tiré de ce que les règles dont elle se prévalait étaient applicables en vertu d'un accord collectif.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. L'inspecteur du travail, par sa décision litigieuse du 30 mai 2017, s'est déclaré incompétent au double motif que, d'une part, " les dispositions du titre 1er du livre III de la deuxième partie du code du travail relatives aux délégués du personnel sont applicables : - aux employeurs de droit privé ainsi qu'à leurs salariés, - aux établissements publics à caractère industriel et commercial, - aux établissements publics à caractère administratif lorsqu'ils emploient du personnel dans les conditions du droit privé ", et que, d'autre part, " dans son arrêt n° 2190 rendu le 4 novembre 2009 la Chambre sociale de la Cour de cassation a rappelé que " le principe de souveraineté des Etats fait obstacle à ce qu'il soit fait application au sein de la représentation officielle d'un Etat étranger des règles du code du travail français relatives à la représentation du personnel et à celle des syndicats ".

3. Aux termes de l'article L. 2311-1 du livre III (les institutions représentatives du personnel) du titre Ier (délégué du personnel) du code du travail, dans sa rédaction alors applicable : " Les dispositions du présent titre sont applicables aux employeurs de droit privé ainsi qu'à leurs salariés. / Elles sont également applicables : / 1° Aux établissements publics à caractère industriel et commercial ; / 2° Aux établissements publics à caractère administratif lorsqu'ils emploient du personnel dans les conditions du droit privé. (...) ".

4. La République fédérative du Brésil, qui emploie Mme B...dans son ambassade en France, est une personne de droit public, et n'a, ainsi, pas la qualité d'un employeur de droit privé au sens des dispositions précitées de l'article L. 2311-1 du code du travail, non plus qu'elle ne présente le caractère d'un établissement public à caractère industriel et commercial ou d'un établissement public à caractère administratif employant des personnels dans des conditions de droit privé. En conséquence, l'inspecteur du travail pouvait, par ce seul motif, se déclarer incompétent pour se prononcer sur la demande d'autorisation de licenciement de Mme B... qui lui avait été présentée par l'ambassadeur de la République fédérative du Brésil en France.

5. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle la ministre du travail a rejeté son recours hiérarchique formé contre la décision du 30 mai 2017 de l'inspecteur du travail, ensemble la décision de l'inspecteur du travail du 30 mai 2017. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B..., à Son Excellence l'ambassadeur de la République fédérative du Brésil en France et à la ministre du travail.

Délibéré après l'audience du 14 février 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président,

- M. Luben, président assesseur,

- Mme Larsonnier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 juin 2019

Le rapporteur,

I. LUBENLe président,

J. LAPOUZADELe greffier,

C. POVSELa République mande et ordonne à la ministre du travail en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

4

N° 18PA02619


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA02619
Date de la décision : 20/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-01 TRAVAIL ET EMPLOI. LICENCIEMENTS. AUTORISATION ADMINISTRATIVE - SALARIÉS PROTÉGÉS. BÉNÉFICE DE LA PROTECTION. - LICENCIEMENT D'UN AGENT EMPLOYÉ PAR LA MISSION DIPLOMATIQUE D'UN ÉTAT ÉTRANGER EN FRANCE -EXERCICE DES FONCTIONS DE DÉLÉGUÉ DU PERSONNEL AU SEIN DE CETTE MISSION - EMPLOYEUR DOTÉ DU STATUT DE PERSONNE DE DROIT PUBLIC - PRINCIPE DE LA SOUVERAINETÉ DES ÉTATS (1) - EXCLUSION DU CHAMP D'APPLICATION DE L'ARTICLE L. 2311-1 DU CODE DU TRAVAIL, CIRCONSCRIT AUX EMPLOYEURS DE DROIT PRIVÉ AINSI QU'AUX ÉTABLISSEMENTS PUBLICS À CARACTÈRE INDUSTRIEL ET COMMERCIAL ET AUX ÉTABLISSEMENTS PUBLICS À CARACTÈRE ADMINISTRATIF LORSQU'ILS EMPLOIENT DU PERSONNEL DANS LES CONDITIONS DU DROIT PRIVÉ - CONSÉQUENCE - INCOMPÉTENCE DE L'INSPECTEUR DU TRAVAIL POUR DÉLIVRER L'AUTORISATION DE LICENCIEMENT PRÉVUE PAR L'ARTICLE L. 2411-5 DU CODE DU TRAVAIL.

66-07-01-01 Un Etat étranger (en l'espèce, la République fédérative du Brésil), qui emploie dans son ambassade en France un agent exerçant la mission de délégué du personnel en application d'un accord collectif, est une personne de droit public. Il n'a, ainsi, pas la qualité d'employeur de droit privé au sens des dispositions de l'article L. 2311-1 du code du travail, non plus qu'il ne présente le caractère d'un établissement public à caractère industriel et commercial ou d'un établissement public à caractère administratif employant du personnel dans des conditions de droit privé.,,,En conséquence, l'inspecteur du travail pouvait, par ce seul motif, se déclarer incompétent pour se prononcer sur la demande d'autorisation de licenciement de cet agent qui lui avait été présentée par l'ambassadeur de cet État.


Références :

[RJ1]

Cour de cassation, chambre sociale, 4 novembre 2009, n° 08-60.593, Bull. 2009, V, n° 242.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Ivan LUBEN
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : VIEGAS

Origine de la décision
Date de l'import : 07/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-06-20;18pa02619 ?
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