Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...B...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 15 mars 2018 par lequel le préfet de police a prononcé son expulsion du territoire français.
Par un jugement n° 1805807/4-3 du 27 septembre 2018, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté contesté et enjoint au préfet de police de délivrer à M. B...une autorisation provisoire de séjour, assortie d'une autorisation de travail, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement et de se prononcer sur sa situation administrative dans un délai de deux mois à compter de cette notification.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 27 novembre 2018, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1805807/4-3 du 27 septembre 2018 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B...devant le Tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- M. B...pouvait faire l'objet d'une expulsion sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il ne remplit pas les conditions de l'application des dispositions du 1° de l'article L. 521-3 du même code dès lors qu'il ne justifie pas de sa résidence habituelle en France depuis qu'il a atteint l'âge de treize ans ; notamment, il ne justifie pas de sa présence en France entre juillet 1980 et septembre 1989, date à laquelle il avait plus de treize ans révolu, ni au cours des années 2002 et 2004 ;
- il n'entre pas dans le champ d'application des 1° et 4° de l'article L. 521-2 du même code dès lors qu'il a fait l'objet de peines d'emprisonnement fermes de cinq ans ;
- il ne remplit pas les conditions du 4° de l'article L. 521-3 du même code dès lors que les années durant lesquelles il était incarcéré doivent être déduites de la durée de sa résidence régulière en France ;
- son comportement constituait une menace pour l'ordre public ;
- il ne justifiait pas d'une insertion professionnelle significative et ancienne ;
- l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'a pas été méconnu.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 11 février 2019 et le 24 mars 2019, M. B..., représenté par MeC..., conclut au rejet de la requête, au prononcé d'une astreinte de 100 euros par jour de retard en l'absence de réponse à sa demande de titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision à intervenir et à la mise à la charge de l'Etat du versement d'une somme de 1 500 euros à son conseil en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa de la loi du 10 juillet 1991 ou, subsidiairement, à lui-même sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1.
Il soutient que :
- l'appel effectué au nom du préfet de police est irrecevable au regard des dispositions de l'article R. 811-10-1 du code de justice administrative faute d'émaner d'une personne ayant qualité pour représenter l'Etat en appel ; il appartient à l'administration de justifier que son signataire disposait d'une délégation de signature ou de compétence suffisamment précise et régulièrement publiée ; la requête comporte une signature illisible ne faisant pas apparaitre le nom de l'auteur de la décision en méconnaissance des dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre l'administration et le public ;
- les moyens soulevés par le préfet de police ne sont pas fondés ;
- il remplissait les conditions pour bénéficier de la protection prévue à l'article L. 521-2 et aux 1°, 2° et 4° de l'article L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté annulé est insuffisamment motivé ;
- la réalité et le caractère actuel de la menace que constituerait sa présence sur le territoire français, pour l'ordre public ou a fortiori pour un intérêt fondamental de l'Etat, ne sont pas démontrés ;
- l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- il y a lieu d'enjoindre sous astreinte de 100 euros par jour de retard au préfet, d'une part, de lui délivrer un récépissé dans les 15 jours du prononcé du jugement le temps que sa demande puisse être examinée par ses services et, d'autre part, qu'une réponse sur l'obtention d'un titre de séjour mention " vie privée et familiale " lui soit apportée dans un délai de 2 mois à compter du prononcé du jugement.
Le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale a été accordé à M. B...par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 21 mars 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Notarianni,
- et les conclusions de Mme Mielnik-Meddah, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M.B..., ressortissant marocain, né le 20 mai 1974, est entré en France en septembre 1974, à l'âge de quatre mois. Il a bénéficié de titres de séjour dont le dernier arrivait à expiration le 12 avril 2017. Il en a sollicité le renouvellement et, par un arrêté du 15 mars 2018, le préfet de police a prononcé son expulsion du territoire français, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au motif que sa présence constitue, du fait des infractions, des délits et des condamnations judiciaires, une menace grave pour l'ordre public. Le préfet de police relève appel du jugement du 27 septembre 2018, par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des dispositions des articles L. 521-2, L. 521-3 et L. 521-4, l'expulsion peut être prononcée si la présence en France d'un étranger constitue une menace grave pour l'ordre public. ". Aux termes de l'article L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'expulsion qu'en cas de comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'Etat, ou liés à des activités à caractère terroriste, ou constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes : " 1° L'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans. [...] Les étrangers mentionnés au présent article bénéficient de ses dispositions même s'ils se trouvent dans la situation prévue au dernier alinéa de l'article L. 521-2. ". Et aux termes du dernier alinéa de l'article L. 521-2 du même code : " Par dérogation aux dispositions du présent article, l'étranger visé aux 1° à 5° peut faire l'objet d'un arrêté d'expulsion en application des dispositions de l'article L. 521-1 s'il a été définitivement condamné à une peine d'emprisonnement ferme au moins égale à cinq ans ".
3. M.B..., né le 20 mai 1974, et qui est entré en France à l'âge de quatre mois en 1974 dans le cadre d'une procédure de regroupement familial, justifie par les pièces qu'il a produites avoir eu sa résidence habituelle en France depuis le début de l'année 1987 au moins. Notamment, en ce qui concerne la période allant de juillet 1980 à novembre 1989, il est d'une part sans incidence qu'il ne justifierait pas sa présence en France pour la période allant de juillet 1980 au début de l'année 1987, d'autre part, il établit sa présence en France au cours du premier semestre de l'année 1987 avant le 20 mai 1987, date à laquelle il a atteint l'âge de treize ans, par la production de son carnet de santé et les dates de vaccinations y figurant, et il justifie, notamment par la production de certificats de scolarité, avoir été scolarisé en France à compter du 6 septembre 1987, date de son entrée au collège, pour les années scolaires 1987-1988 et 1988-1989, puis en lycée professionnel à partir du 5 septembre. En ce qui concerne les années 2002 et 2004, M. B...était alors titulaire depuis le 28 avril 2000 d'une carte de résident en cours de validité, et il est constant qu'il se trouvait en France de mars à décembre 2003 et qu'il a fait l'objet d'une condamnation à six mois d'emprisonnement avec mandat de dépôt à l'audience le 13 décembre 2003 puis d'une nouvelle incarcération à partir du 14 janvier 2005 ; que, dans ces conditions, et dès lors que le préfet de police ne produit aucun commencement de preuve de nature à permettre de retenir que M. B... aurait quitté le territoire français au cours des années 2002 ou 2004, M. B...doit être regardé comme établissant suffisamment avoir maintenu sa résidence habituelle en France au cours des années 2002 et 2004.
4. Il résulte de ce qui précède que, dès lors que M. B...établit ainsi résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans, il ne pouvait faire l'objet d'une expulsion que pour les motifs mentionnés à l'article L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors même qu'il a fait l'objet de peines d'emprisonnement de cinq ans en 2008 et 2013. A cet égard, il résulte des pièces du dossier que les infractions pour lesquelles il a fait l'objet de condamnations judiciaires n'ont pas la nature d'infractions portant atteinte aux intérêts fondamentaux de l'Etat, ou liés à des activités à caractère terroriste, ou constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes. Par suite, la décision contestée, prononçant l'expulsion de M. B...sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 521-3 du même code.
5. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par M.B..., le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 15 mars 2018.
Sur les conclusions à fin d'injonctions et d'astreinte :
6. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ". Et aux termes de l'article L. 911-3 du même code : " Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet ".
7. En premier lieu, le présent arrêt confirmant le jugement du 27 septembre 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a prononcé les injonctions demandées à nouveau par M. B... devant la Cour, il n'y a pas lieu de se prononcer sur ces demandes.
8. En second lieu, une procédure d'exécution du jugement dont appel, enregistrée sous le n° EXE18PA03705, ayant été ouverte à la Cour à la suite de la demande formée le 24 janvier 2019 par M.B..., et cette demande étant en cours d'instruction, il n'y a pas lieu, en l'état du litige, de prononcer une astreinte dès à présent.
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
9. M. B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions et de mettre à la charge de l'Etat le versement à MeC..., conseil de M.B..., de la somme de 1 000 euros sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
D E C I D E :
Article 1er : La requête du préfet de police est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros à MeC..., conseil de M. B..., au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. A...B...et à MeC....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 29 mai 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- M. Dalle, président assesseur,
- Mme Notarianni, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 13 juin 2019.
Le rapporteur,
L. NOTARIANNILe président,
C. JARDIN
Le greffier,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 18PA03705 2