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11/06/2019 | FRANCE | N°19PA01067

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 11 juin 2019, 19PA01067


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...E...a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à l'annulation de la décision du 29 mai 2013 par laquelle le jury de l'examen d'entrée au Centre régional de formation professionnelle d'avocats (CRFPA) l'a déclarée ajournée à la suite des épreuves d'admissibilité de la session de 2004, ainsi que les fiches de notation établies lors de cette session, et de prendre une nouvelle décision concernant son admissibilité.

Par un jugement n° 1311784/2-1 du 16 septembre 2014,

le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de MmeE....

Par un arrêt ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...E...a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à l'annulation de la décision du 29 mai 2013 par laquelle le jury de l'examen d'entrée au Centre régional de formation professionnelle d'avocats (CRFPA) l'a déclarée ajournée à la suite des épreuves d'admissibilité de la session de 2004, ainsi que les fiches de notation établies lors de cette session, et de prendre une nouvelle décision concernant son admissibilité.

Par un jugement n° 1311784/2-1 du 16 septembre 2014, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de MmeE....

Par un arrêt n° 14PA04691 du 10 mai 2016, la Cour a rejeté la requête de Mme E...tendant à l'annulation de ce jugement.

Par une décision n° 404966 du 27 février 2019, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé cet arrêt et a renvoyé l'affaire devant la Cour.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 17 novembre 2014 et le 4 avril 2016, Mme E..., représentée par Me G... puis MeF..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris du 16 septembre 2014 ;

2°) d'annuler la décision mentionnée ci-dessus du 29 mai 2013, ainsi que les fiches de notation établies lors de la session de 2004 ;

3°) d'enjoindre aux autorités concernées de communiquer tous les documents utiles, de procéder à toutes les mesures d'instruction nécessaires ;

4°) de désigner un collège d'experts spécialistes de droit civil, de droit pénal et de graphologie ;

5°) d'enjoindre à l'autorité compétente de prendre une nouvelle décision dans les 15 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

6°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer dans l'attente de la communication de son entier dossier à la présidence de la République et au gouvernement ;

7°) de mettre à la charge de l'Université Paris II Panthéon-Assas la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'annulation de la délibération du 4 novembre 2004 par l'arrêt du 10 mai 2011 impliquait non seulement la désignation d'un nouveau jury régulièrement composé, mais également l'annulation des notes obtenues en 2004 ;

- le jury de la session 2013 n'était pas régulièrement composé au regard des prescriptions résultant de l'article 53 du décret du 27 novembre 1991 ;

- les avocats du jury ont été désignés par un membre du conseil de l'ordre par délégation non publiée et non par Madame le bâtonnier ;

- la composition irrégulière du jury entraîne la nullité de sa délibération ;

- l'Université reconnaît ne s'être fondée que sur le relevé de notes de 2004 qui ne respecte pas l'anonymat ;

- le nouveau jury s'est fondé sur des relevés de notes annulés par la Cour et non sur ses copies d'examen, au demeurant détruites, alors qu'un principe fondamental de l'enseignement implique qu'elles soient examinées par le jury ;

- ses copies ont été échangées par erreur avec un autre candidat ;

- eu égard aux éléments circonstanciés dont elle fait état, il y a lieu, en tout état de cause, que la Cour diligente une expertise avant dire droit.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 février 2015, l'Université de Paris II Panthéon-Assas, représentée par MeD..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme E...la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par Mme E...ne sont pas fondés.

Le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche a produit un courrier, enregistré le 8 avril 2016, par lequel il indique que l'Université Paris II Panthéon-Assas est seule compétente pour défendre dans ce litige .

Par un nouveau mémoire, enregistré le 20 mai 2019, Mme E...maintient ses conclusions par les mêmes moyens.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 modifié portant organisation de la profession d'avocat ;

- l'arrêté du 29 janvier 1998 fixant le programme et les modalités de l'examen d'accès au centre régional de formation professionnelle d'avocats ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pagès,

- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,

- les observations de MmeE...,

- et les observations de MeA..., pour l'Université de Paris II Panthéon-Assas.

Une note en délibéré, enregistrée le 29 mai 2019, a été présentée par MeB..., pour MmeE....

Considérant ce qui suit :

1. Mme E...s'est inscrite à l'examen d'entrée au Centre régional de formation professionnelle d'avocats (CRFPA) et a passé les épreuves d'admissibilité organisées par l'Institut d'Etudes Judiciaires (IEJ) de l'Université de Paris II Panthéon-Assas les 22 et 24 septembre 2004, à l'issue desquelles elle a été ajournée . Toutefois par un arrêt en date du 10 mai 2011, la Cour a annulé la décision du 4 novembre 2004 prononçant son ajournement, au motif que le jury était irrégulièrement composé. En exécution de cet arrêt, par une délibération du 29 mai 2013, le jury de la session 2013 de ce même examen l'a à nouveau ajournée à l'issue des épreuves d'admissibilité de 2004. Par un jugement du 16 septembre 2014, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette dernière décision. Par un arrêt du 10 mai 2016, la Cour a rejeté la requête de Mme E...tendant à l'annulation de ce jugement. Par une décision n° 404966 du 27 février 2019, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé cet arrêt du 10 mai 2016 et a renvoyé l'affaire devant la Cour.

Sur les conclusions à fin d'annulation des fiches de notation :

2. Mme E...soutient que l'annulation par la Cour de la décision du 4 novembre 2004 prononçant son ajournement impliquait nécessairement l'annulation de ses fiches de notation établies par le jury. Toutefois l'irrégularité relevée par la Cour dans son arrêt du 10 mai 2011, était relatif uniquement à la composition du jury et non au déroulement des épreuves et impliquait uniquement que le jury régulièrement composé se prononce à nouveau sur les mérites de Mme E...au vu des notes portées par les examinateurs et non pas, comme elle le soutient, que ses copies soient soumises à une nouvelle évaluation. Ces conclusions ne peuvent donc qu'être rejetées.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la délibération du 29 mai 2013 et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

3. Aux termes de l'article 1er du décret visé ci-dessus du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat : " Les avocats établis près de chaque tribunal de grande instance forment un barreau. Le barreau comprend les avocats inscrits au tableau. ". Aux termes de l'article 42 du même décret : " Chaque centre régional de formation professionnelle est doté d'un conseil d'administration composé d'avocats, de magistrats et d'un universitaire désignés dans les conditions fixées aux articles suivants... ". L'article 43 du même décret dispose : " Chaque conseil de l'ordre des barreaux du ressort du centre régional de formation professionnelle désigne un avocat titulaire du conseil d'administration... ". Aux termes de l'article 51 de ce même décret, dans sa version applicable à la date de la décision attaquée : " Sous réserve des dispositions de l'article 23 de la loi n° 2011-94 du 25 janvier 2011 portant réforme de la représentation devant les cours d'appel, pour être inscrits dans un centre régional de formation professionnelle, les candidats doivent avoir subi avec succès l'examen d'accès au centre, dont le programme et les modalités sont fixés par arrêté conjoint du garde des sceaux, ministre de la justice, et du ministre chargé des universités, après avis du Conseil national des barreaux. Cet examen, qui comporte des épreuves écrites d'admissibilité et des épreuves orales d'admission, est organisé par les universités qui sont désignées à cet effet par le recteur d'académie, après avis du garde des sceaux, ministre de la justice. Les sujets des épreuves écrites d'admissibilité sont choisis par le jury prévu à l'article 53. ". Enfin aux termes de l'article 53 du même texte : " Le jury de l'examen est composé ainsi qu'il suit : / 1° Deux professeurs des universités ou maîtres de conférences, chargés d'un enseignement juridique, dont le président du jury, désignés par le président de l'université qui organise l'examen ; / 2° Un magistrat de l'ordre judiciaire désigné conjointement par le premier président de la Cour d'appel dans le ressort de laquelle se trouve située l'université qui organise l'examen et par le procureur général près ladite cour ainsi qu'un membre du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel désigné par le président de la Cour administrative d'appel dans le ressort de laquelle se trouve située l'université qui organise l'examen, le cas échéant sur proposition du président du tribunal administratif si le président de la cour administrative d'appel entend désigner un membre du tribunal administratif ; / 3° Trois avocats désignés en commun par les bâtonniers des ordres d'avocats concernés / (...) ".

4. Mme E...fait valoir que les avocats ayant siégé en 2013 n'ont pas été désignés par l'ensemble des bâtonniers des ordres d'avocats concernés mais par le seul bâtonnier de Paris, en méconnaissance des dispositions du 3° de l'article 53 du décret du 27 novembre 1991. Or, il résulte de la combinaison des dispositions des articles 43 et 53 de ce décret, citées ci-dessus, que, dès lors que le ressort du centre régional de formation professionnelle incriminé ne se limitait pas au seul barreau de Paris, l'ensemble des bâtonniers des barreaux concernés devaient désigner en commun les trois avocats membres du jury. Dès lors qu'il est constant que tel n'a pas été le cas, Mme E...est fondée à soutenir que le jury était irrégulièrement composé sur ce point et à demander, pour ce motif, l'annulation de la délibération litigieuse.

5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il y ait lieu de procéder à l'expertise sollicitée, que Mme E...est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision d'ajournement du jury du 29 mai 2013 aux épreuves d'admissibilité au CRFPA de la session de 2004.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Le présent arrêt implique nécessairement que le jury du centre régional de formation professionnelle d'avocat de l'Université de Paris II Panthéon-Assas, régulièrement composé, se prononce à nouveau sur le cas de Mme E...au titre de la session 2004. Il y a donc lieu, en vertu des dispositions de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au Président de cette Université de réunir ce jury régulièrement composé, afin qu'il se prononce, au vu des résultats des épreuves d'admissibilité, sur les mérites de Mme E...au titre de la session 2004, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions des parties tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. D'une part, les dispositions mentionnées ci-dessus font obstacle à ce qu'une somme quelconque soit mise à la charge de MmeE..., qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, au titre des frais exposés par l'Université Paris II Panthéon-Assas et non compris dans les dépens. D'autre part, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme E...et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1311784/2-1 du 16 septembre 2014 du Tribunal administratif de Paris et la décision du 29 mai 2013 par laquelle le jury d'examen d'entrée au centre régional de formation professionnelle d'avocats de l'Université Paris II Panthéon-Assas a déclaré Mme E... ajournée à l'issue des épreuves d'admissibilité de la session 2004 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au Président de l'Université Paris II Panthéon-Assas de réunir le jury d'examen d'entrée au centre régional de formation professionnelle d'avocats, régulièrement composé, afin qu'il se prononce au vu des résultats des épreuves d'admissibilité sur les mérites de Mme E...au titre de la session 2004, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Université Paris II Panthéon-Assas versera une somme de 1 500 euros à Mme E... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme E...est rejeté.

Article 5 : Les conclusions de l'Université Paris II Panthéon-Assas présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...E...et à l'Université Paris II Panthéon-Assas.

Délibéré après l'audience du 28 mai 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- M. Pagès, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 juin 2019.

Le rapporteur,

D. PAGES

Le président,

O. FUCHS TAUGOURDEAU

Le greffier,

P. TISSERANDLa République mande et ordonne au ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 19PA01067 6


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA01067
Date de la décision : 11/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

30-02 Enseignement et recherche. Questions propres aux différentes catégories d'enseignement.


Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: M. Dominique PAGES
Rapporteur public ?: M. BAFFRAY
Avocat(s) : BANGOURA

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-06-11;19pa01067 ?
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