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06/06/2019 | FRANCE | N°18PA03434

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 06 juin 2019, 18PA03434


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 30 juillet 2018 par lequel le préfet de police a décidé son transfert aux autorités allemandes en vue de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1814106 du 4 août 2018, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 29 octobre 2018, M. B..., représenté par MeA..., demande à la Cour :



1°) d'annuler le jugement n° 1814106 du 4 août 2018 du magistrat désigné par le président du Trib...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 30 juillet 2018 par lequel le préfet de police a décidé son transfert aux autorités allemandes en vue de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1814106 du 4 août 2018, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 29 octobre 2018, M. B..., représenté par MeA..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1814106 du 4 août 2018 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision susmentionnée pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de l'admettre au séjour au titre de l'asile dans un délai de 10 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de lui enjoindre de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer durant cet examen une attestation de demandeur d'asile ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser au conseil du requérant, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou, si l'aide juridictionnelle ne lui ait pas accordé, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé en ce qui concerne la détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile et la possibilité d'exercer un recours en Allemagne ;

- la décision de transfert est entachée d'une insuffisance de motivation, faute de préciser le critère de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur de droit dans la détermination de l'Etat responsable ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 dudit règlement.

Par un courrier du 2 avril 2019, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la Cour était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré de ce que les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 30 juillet 2018 du préfet de police étaient devenues sans objet, dans la mesure où cet arrêté n'est plus susceptible d'exécution.

Par un mémoire enregistré le 12 avril 2019, M. B...a présenté des observations en réponse à ce courrier et a notamment fait valoir que le délai de transfert avait été prolongé.

Par un mémoire en défense enregistré le 12 avril 2019, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le litige n'a pas perdu son objet, M. B...ayant été placé en fuite ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 16 janvier 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Doré,

- les observations de MeA..., pour M.B....

Considérant ce qui suit :

1. M.B..., ressortissant de nationalité afghane né le 1er janvier 1995, a sollicité l'asile auprès de la préfecture de police le 13 juin 2018. Par arrêté du 30 juillet 2018, le préfet de police a décidé son transfert vers l'Allemagne, Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile. M. B...a contesté cet arrêté devant le Tribunal administratif de Paris, qui a rejeté sa demande par un jugement du 4 août 2018, dont il relève appel.

Sur la régularité du jugement :

2. Il résulte du point 3 du jugement attaqué qu'en relevant que si M. B...avait déclaré au cours de l'entretien préalable être entré dans l'Union européenne par la Bulgarie, cette déclaration n'était assortie d'aucun élément de preuve ni d'aucune précision autre que la mention d'une année d'entrée dans l'Union européenne, 2017, contredite par la date de présentation de sa demande d'asile en Allemagne en mars 2016 et qu'à défaut de tout élément de preuve ou d'indice suffisant, le préfet de police n'avait pas à justifier de l'inapplication du critère prévu au paragraphe 1 de l'article 13 du règlement (UE) n° 604/2013, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a suffisamment motivé sa réponse au moyen tiré du défaut de motivation de la décision attaquée s'agissant de la détermination de l'Etat responsable.

3. De même, il résulte du point 8 du jugement attaqué, que le premier juge, qui a indiqué que la décision attaquée n'avait pas pour objet de renvoyer M. B...en Afghanistan et qu'il lui appartenait de faire valoir sa situation auprès des autorités allemandes, a suffisamment répondu au moyen tiré d'une méconnaissance du b) de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013. Il n'avait notamment pas à préciser si des voies de recours auprès des autorités administratives ou juridictionnelles allemandes étaient toujours ouvertes au requérant.

Sur la légalité de l'arrêté de transfert :

En ce qui concerne la légalité externe :

4. En vertu du paragraphe 1 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, lorsqu'une telle demande est présentée, un seul Etat, parmi ceux auxquels s'applique ce règlement, est responsable de son examen. Cet Etat, dit Etat membre responsable, est déterminé en faisant application des critères énoncés aux articles 7 à 15 du chapitre III du règlement ou, lorsqu'aucun Etat membre ne peut être désigné sur la base de ces critères, du premier alinéa du paragraphe 2 de son article 3 du chapitre II. Si l'Etat membre responsable est différent de l'Etat membre dans lequel se trouve le demandeur, ce dernier peut être transféré vers cet Etat, qui a vocation à le prendre en charge. Lorsqu'une personne a antérieurement présenté une demande d'asile sur le territoire d'un autre Etat membre, elle peut être transférée vers cet Etat, à qui il incombe de la reprendre en charge, sur le fondement des b), c) et d) du paragraphe 1 de l'article 18 du chapitre V et du paragraphe 5 de l'article 20 du chapitre VI de ce même règlement.

5. En application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.

6. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.

7. L'arrêté prononçant le transfert de M. B...aux autorités allemandes vise notamment le règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ainsi le règlement n° 1560/2003 du 2 septembre 2003 portant modalité d'application du règlement n° 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable d'une demande d'asile, relève le caractère irrégulier de l'entrée en France de M.B..., rappelle le déroulement de la procédure suivie lorsque M. B...s'était présenté au guichet unique des demandeurs d'asile de Paris et précise que la consultation du système Eurodac a montré qu'il était connu des autorités allemandes auprès desquelles il avait sollicité l'asile et indique la date et le numéro de cette demande. Il ajoute que les critères prévus par le chapitre III ne sont pas applicables à la situation de M. B...et que les autorités allemandes ont accepté la demande de reprise en charge sur le fondement des dispositions du d) du 1 de l'article 18 du règlement n° 604/2013. Cet arrêté énonce ainsi les considérations de fait et de droit qui le fonde.

En ce qui concerne la légalité interne :

8. Aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. (...) toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers (...) est examinée par un seul Etat membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. Lorsque aucun Etat membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans le présent règlement, le premier Etat membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est responsable de l'examen (...) ". Le paragraphe 2 de l'article 7 relevant du chapitre III de ce même règlement dispose : " La détermination de l'Etat membre responsable en application des critères énoncés dans le présent chapitre se fait sur la base de la situation qui existait au moment où le demandeur a introduit sa demande de protection internationale pour la première fois auprès d'un Etat membre ". Le paragraphe 1 de l'article 13 relevant du chapitre III énonce : " Lorsqu'il est établi, sur la base de preuves ou d'indices tels qu'ils figurent dans les deux listes mentionnées à l'article 22, paragraphe 3, du présent règlement, notamment des données visées au règlement (UE) n° 603/2013, que le demandeur a franchi irrégulièrement, par voie terrestre, maritime ou aérienne, la frontière d'un Etat membre dans lequel il est entré en venant d'un Etat tiers, cet Etat membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. Cette responsabilité prend fin douze mois après la date du franchissement irrégulier de la frontière ". Enfin, il résulte du paragraphe 1 de l'article 17 relevant du chapitre IV du même règlement que " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale (...) même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement " et que " L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité ".

9. En premier lieu, aucune preuve ou indice ne permet d'établir que M. B...a franchi irrégulièrement la frontière de la Bulgarie en provenance d'un Etat tiers moins de douze mois avant de pénétrer en Allemagne, où il est constant qu'il a présenté le 8 mars 2016, sa première demande d'asile. M. B... n'est dès lors pas fondé à soutenir que la Bulgarie serait l'Etat responsable de sa demande d'asile sur le fondement des dispositions du paragraphe 1 de l'article 13 du règlement (UE) n° 604/2013.

10. En second lieu, M. B...soutient que son transfert aux autorités allemandes l'exposerait à un retour en Afghanistan, où il encourt le risque de subir des traitements inhumains et dégradants. Toutefois, l'arrêté en litige a seulement pour objet de renvoyer l'intéressé en Allemagne et non dans son pays d'origine. L'Allemagne, Etat membre de l'Union européenne, est partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et M. B... ne produit aucun élément de nature à établir qu'il existerait des raisons sérieuses de croire à l'existence de défaillances systémiques en Allemagne dans la procédure d'asile. S'il soutient que sa demande d'asile a été définitivement rejetée en Allemagne, il ne l'établit pas, ni n'allègue d'ailleurs que les autorités et juridictions allemandes n'auraient pas traité cette demande dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. En outre, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que les autorités allemandes, alors même que la demande d'asile de M. B... aurait été définitivement rejetée, n'évalueront pas, avant de procéder à un éventuel éloignement, les risques auquel il serait exposé en cas de retour en Afghanistan. Ainsi, le moyen tiré de ce que le préfet de police aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage de la clause discrétionnaire de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressé au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 16 mai 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Formery, président de chambre,

- Mme Poupineau, président assesseur,

- M. Doré, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 6 juin 2019.

Le rapporteur,

F. DORÉLe président,

S.-L. FORMERY

Le greffier,

N. ADOUANE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18PA03434


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA03434
Date de la décision : 06/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: M. FRANCOIS DORE
Rapporteur public ?: M. LEMAIRE
Avocat(s) : MILICH

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-06-06;18pa03434 ?
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