La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/05/2019 | FRANCE | N°18PA02069

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 29 mai 2019, 18PA02069


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C...B...ont demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2012.

Par un jugement n° 1612001/1-2 du 17 avril 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 18 juin 2018, M. et Mme B..., représentés par Me A..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce juge

ment n° 1612001/1-2 du 17 avril 2018 du Tribunal administratif de Paris.

2°) de prononcer la décharge s...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C...B...ont demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2012.

Par un jugement n° 1612001/1-2 du 17 avril 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 18 juin 2018, M. et Mme B..., représentés par Me A..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1612001/1-2 du 17 avril 2018 du Tribunal administratif de Paris.

2°) de prononcer la décharge sollicitée en première instance.

Ils soutiennent que :

- la proposition de rectification du 24 avril 2015 était insuffisamment motivée, dès lors que la reconstitution des encours de trésorerie à laquelle a procédé le vérificateur n'a figuré que dans la lettre modèle 3926 du 20 mai 2015 ;

- la procédure d'imposition est irrégulière dès lors que, si la signature d'une inspectrice principale des finances publiques a été apposée sur la proposition de rectification, cet agent est intervenu pour viser les majorations appliquées et non la décision de mettre en oeuvre la procédure prévue à l'article L 76 AA du livre des procédures fiscales, dans le cadre de laquelle sont imposés les revenus correspondant aux espèces saisies à leur domicile ; de plus, il n'est pas établi que ce signataire avait au moins le grade d'inspecteur divisionnaire, comme requis par ce texte ;

- s'agissant de la rectification de 80 500 euros opérée sur le fondement de l'article 1649 quater 0 B bis du code général des impôts, l'administration ne démontre pas que la somme qualifiée de " revenus présumés " est le "produit direct" d'un trafic de stupéfiants ;

- M. B...n'ayant jamais eu la libre disposition des sommes saisies à son domicile, il ne pouvait être considéré comme en ayant eu la propriété au sens de l'article 544 du code civil et ces sommes ne pouvaient, en conséquence, être imposées en application de l'article

1649 quater 0 B bis du code général des impôts.

Par un mémoire en défense enregistré le 19 octobre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par ordonnance du 19 octobre 2018, la clôture d'instruction a été fixée

au 20 novembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Appèche,

- et les conclusions de M. Cheylan, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme B..., ont fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle ayant porté sur les années 2012 et 2013. M. B...a également fait l'objet d'une vérification de comptabilité, au titre de l'année 2012, d'une activité d'intermédiaire de transport de fonds en lien avec un trafic de stupéfiants, exercée de manière occulte. A l'issue de ces contrôles, M. et Mme B... ont été assujettis à des suppléments d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2012, assortis de pénalités. Ayant en vain demandé au Tribunal administratif de Paris d'en prononcer la décharge, M. et Mme B...relèvent appel du jugement

n° 1612001/1-2 en date du 17 avril 2018 par lequel ce tribunal a rejeté leur demande.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales :

" L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile.

3. La proposition de rectification du 24 avril 2015, adressée par la direction nationale des vérifications de situations fiscales (DNVSF) à M. et MmeB..., à l'issue de l'examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle, mentionne les impositions concernées, la période d'imposition, le montant des rehaussements envisagés et les motifs de droit et de fait qui constituent le fondement de ces rehaussements. Notamment, le vérificateur y indique que

M. B...a été mis en cause dans une procédure pénale et que, dans le cadre de l'enquête relevant de l'article 79 du code de procédure pénale ouverte des chefs " d'importation en bande organisée, acquisition, détention, transport, offre et cession de stupéfiants, association de malfaiteurs, blanchiment de stupéfiants, importation, détention et mise en circulation de marchandises prohibées, crimes et délits prévus par les articles 222-34 à 222-39 du code pénal ", une perquisition judiciaire a permis de retrouver à son domicile une somme de 99 500 euros, dont il a reconnu l'existence lors de son audition du 11 octobre 2012 par un officier de police judiciaire. Il y précise également que le service est fondé à mettre en oeuvre la présomption de revenus prévue à l'article 1649 quater-0 B bis -1 du code général des impôts, cette somme étant le produit direct d'une infraction pénale prévue par les articles 222-34 à 222-39 du code pénal relative au trafic de stupéfiants. Ainsi, cette motivation était suffisante pour répondre aux exigences des dispositions rappelées ci-dessus, alors même qu'elle ne comportait pas dans le détail tous les éléments que l'administration a exposés ultérieurement, le 20 mai 2015, pour répondre aux observations formulées par M. et Mme B...suite à la réception de cette proposition. L'administration, qui n'a pas changé, entre la proposition de rectification et la réponse aux observations du contribuable, la base légale sur laquelle a été opéré le redressement de 99 500 euros, n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 57 rappelées ci-dessus.

4. En second lieu, aux termes de l'article L. 76 AA du livre des procédures fiscales : " 1. Lorsque les agents des impôts sont informés pour un contribuable de la situation de fait mentionnée à l'article 1649 quater-0 B bis du code général des impôts, ils peuvent modifier la base d'imposition sur le fondement des présomptions établies par cet article. /2. La décision de faire application du 1 est prise par un agent de catégorie A détenant au moins un grade fixé par décret en Conseil d'Etat, qui vise à cet effet la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou la notification prévue à l'article L. 76. ". L'article R*76 AA-1 du même livre précise que : " La décision de mettre en oeuvre les dispositions du 1 de l'article L. 76 AA est prise par un agent ayant au moins le grade d'inspecteur divisionnaire. " Il résulte de l'instruction que la proposition de rectification du 24 avril 2015 a été signée, non seulement par l'inspectrice chargée de la vérification, mais également par son supérieur hiérarchique, ayant le grade d'inspecteur principal, soit un grade au moins égal à celui d'inspecteur divisionnaire. Par cette signature, et alors même qu'elle figure dans un cadre comportant un renvoi à une mention relative à l'application des pénalités pour manquement délibéré ou manoeuvres frauduleuses ou abus de droit, le supérieur hiérarchique endosse l'ensemble des décisions contenues dans la proposition, y compris celle de mettre en oeuvre les dispositions du 1. de l'article L 76 AA du livre des procédures fiscales. Le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'imposition au regard des exigences de cet article doit donc être écarté.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

5. Aux termes de l'article 1649 quater-0 B bis du code général des impôts : " 1. Lorsqu'il résulte des constatations de fait opérées dans le cadre d'une des procédures prévues aux articles 53, 75 et 79 du code de procédure pénale et que l'administration fiscale est informée dans les conditions prévues aux articles L. 82 C, L. 101 ou L. 135 L du livre des procédures fiscales qu'une personne a eu la libre disposition d'un bien objet d'une des infractions mentionnées au 2, cette personne est présumée, sauf preuve contraire appréciée dans le cadre des procédures prévues aux articles L. 10 et L. 12 de ce même livre, avoir perçu un revenu imposable équivalent à la valeur vénale de ce bien au titre de l'année au cours de laquelle cette disposition a été constatée. / La présomption peut être combattue par tout moyen et procéder notamment de l'absence de libre disposition des biens mentionnés au premier alinéa, de la déclaration des revenus ayant permis leur acquisition ou de l'acquisition desdits biens à crédit. / (...) 2. Le 1 s'applique aux infractions suivantes : / a. crimes et délits de trafic de stupéfiants prévus par les articles 222-34 à 222-39 du code pénal. ".

6. Dans le cadre de la procédure pénale mentionnée ci-dessus, a été délivrée une commission rogatoire conduisant à diligenter une perquisition ayant permis de trouver, au domicile des requérants, une somme de 99 500 euros en espèces. Il ressort d'un procès-verbal dressé le 11 octobre 2012 par un officier de police judiciaire, transmis à l'administration sur le fondement des dispositions des articles L. 81, L. 82 C, L. 101 et R. 81-4 du livre des procédures fiscales, que M. B...a reconnu la détention de ces fonds.

7. En premier lieu, il résulte de l'instruction, et notamment des procès verbaux d'audition établis dans le cadre de la procédure pénale que cette somme de 99 500 euros détenue en espèces doit être regardée comme un bien objet direct de l'infraction de crimes et délits de trafic de stupéfiants, et plus précisément de blanchiment de stupéfiants, et qu'elle entre donc dans le champ d'application des dispositions reproduites ci-dessus de l'article 1649 quater-0 B bis du code général des impôts, M. B... ayant d'ailleurs indiqué lui-même, devant l'autorité judiciaire, contrairement à ce qu'il affirme, que ces fonds lui ont été remis par une personne dénommée S., laquelle est impliquée dans les faits visés par l'enquête pénale au titre de l'infraction à la législation sur les stupéfiants.

8. En deuxième lieu, si M. B...soutient qu'il n'aurait pas eu la libre disposition de la somme en cause, il ne l'établit pas, et ne combat pas valablement la présomption de perception de revenu en se bornant à soutenir que, compte tenu de son activité de transporteur de fonds, il aurait été tenu de la délivrer à des destinataires finals et en se référant aux éléments d'information figurant dans un relevé d'écoutes téléphoniques dont il ne ressort pas que la somme trouvée à son domicile devait être délivrée à un tiers et qu'il n'en avait pas la disposition. Au surplus et en tout état de cause, la reconstitution chronologique des flux d'espèces entrants et sortants opérée par l'administration, à partir du tableau des remises d'argent établi par les autorités judiciaires, montre que, notamment sur la période allant du 13 septembre au 4 octobre 2012 et précédant la perquisition susévoquée, M. B...a disposé, en dehors de la somme litigieuse, d'un encours d'espèces suffisant pour assurer ses engagements de reversements d'espèces, cela, à supposer même que ces derniers incluent deux reversements allégués de 250 000 euros et 100 000 euros au profit de " Meyer " et " Sarah ".

9. De tout ce qui précède, il résulte que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande. Les conclusions de leur requête tendant à l'annulation du jugement et à la décharge des impositions litigieuses doivent, par suite, être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C...B...et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée au chef des services fiscaux chargé de la direction nationale de vérification des situations fiscales.

Délibéré après l'audience du 15 mai 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Appèche, président assesseur,

- M. Magnard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 mai 2019.

Le rapporteur,

S. APPECHELe président,

I. BROTONS

Le greffier,

S. DALL'AVA

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 18PA02069 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA02069
Date de la décision : 29/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Sylvie APPECHE
Rapporteur public ?: M. CHEYLAN
Avocat(s) : COHEN

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-05-29;18pa02069 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award