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29/05/2019 | FRANCE | N°18PA01339

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 29 mai 2019, 18PA01339


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler, pour excès de pouvoir, les arrêtés du 6 mars 2018 du préfet de police en tant qu'ils portent obligation de quitter le territoire français, refus d'octroi d'un délai de départ volontaire, fixation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français pendant 12 mois, d'autre part, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler, pour excès de pouvoir, les arrêtés du 6 mars 2018 du préfet de police en tant qu'ils portent obligation de quitter le territoire français, refus d'octroi d'un délai de départ volontaire, fixation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français pendant 12 mois, d'autre part, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1803645/8 du 10 mars 2018, le magistrat désigné par la présidente du Tribunal administratif de Paris a annulé les arrêtés du 6 mars 2018 par lesquels le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a refusé le bénéfice d'un délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 20 avril 2018, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1803645/8 du 10 mars 2018 du magistrat désigné par la présidente du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme A... devant ce tribunal.

Il soutient que :

- le magistrat désigné a jugé à tort qu'il ne pouvait légalement édicter une obligation de quitter le territoire français à l'encontre de Mme A...dès lors que l'intéressée disposait certes d'un document de voyage et d'un titre de séjour en cours de validité mais ne justifiait pas disposer de moyens de subsistance suffisants ou être en mesure d'acquérir légalement ces moyens ;

- les autres moyens soulevés par Mme A... en première instance ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 novembre 2018, MmeA..., représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son avocat en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que ce dernier renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.

Les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt de la Cour était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que le magistrat désigné a omis de prononcer un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 6 mars 2018 portant interdiction de retour sur le territoire français.

Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 28 septembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention d'application des accords de Schengen du 14 juin 1985, signée à Schengen le 19 juin 1990 et modifiée par le règlement (UE) n° 610/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 abrogeant le règlement (CE) n° 562/2006 établissant un code de l'Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Stoltz-Valette a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. MmeA..., ressortissante nigériane née le 17 août 1975 à Abeokuta, est entrée en France en octobre 2011 selon ses déclarations. Elle a fait l'objet le 5 mars 2018 d'un contrôle d'identité par les services de police dans le 12ème arrondissement de Paris. Par un arrêté du 6 mars 2018, le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a refusé le bénéfice d'un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel elle sera reconduite et a décidé son placement en rétention administrative. Par un arrêté du même jour, le préfet de police a prononcé à l'encontre de l'intéressée une interdiction de retour sur le territoire français pendant un an. Le préfet de police fait appel du jugement du 10 mars 2018 par lequel le magistrat désigné par la présidente du Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 6 mars 2018 du préfet de police en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français, refus d'octroi d'un délai de départ volontaire et fixation du pays de destination.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des pièces du dossier que par un arrêté du 9 mars 2018 le préfet de police a, postérieurement à l'introduction de la requête de première instance, abrogé l'arrêté du 6 mars 2018 portant interdiction de retour sur le territoire français qui n'avait reçu aucune application. Dans ces conditions, les conclusions de Mme A...tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 6 mars 2018 étaient devenues sans objet.

3. Le jugement du 10 mars 2018 du magistrat désigné par la présidente du Tribunal administratif de Paris qui a omis de prononcer un non-lieu à statuer sur ces conclusions est irrégulier et doit, dès lors, être annulé. Il y a lieu d'évoquer ces conclusions et de constater qu'il n'y a pas lieu d'y statuer.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. Aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ". Aux termes de l'article L. 511-2 de ce code : " Le 1° du I et le a du 3° du II de l'article L. 511-1 sont applicables à l'étranger qui n'est pas ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne : (...) 2° Si, en provenance directe du territoire d'un Etat partie à la convention précitée signée à Schengen le 19 juin 1990, il ne peut justifier être entré sur le territoire métropolitain en se conformant aux stipulations de ses articles 19, paragraphe 1 ou 2, 20, paragraphe 1, et 21, paragraphe 1 ou 2, de cette même convention ". Aux termes de l'article 21 de la convention d'application de l'Accord de Schengen du 14 juin 1985, signée à Schengen le 19 juin 1990 et modifiée en dernier lieu par l'article 2 du règlement (UE) n° 610/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Les étrangers titulaires d'un titre de séjour délivré par une des Parties Contractantes peuvent, sous le couvert de ce titre ainsi que d'un document de voyage, ces documents étant en cours de validité, circuler librement pour une durée n'excédant pas 90 jours sur toute période de 180 jours sur le territoire des autres Parties Contractantes, pour autant qu'ils remplissent les conditions d'entrée visées à l'article 5, paragraphe 1, points a), c) et e), du règlement (CE) n° 562/2006 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) (...) ". Aux termes de l'article 6 du règlement (UE) n° 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 qui reprend les dispositions de l'article 5 du règlement (CE) n° 562/2006 : " 1. Pour un séjour prévu sur le territoire des États membres, d'une durée n'excédant pas 90 jours sur toute période de 180 jours, ce qui implique d'examiner la période de 180 jours précédant chaque jour de séjour, les conditions d'entrée pour les ressortissants de pays tiers sont les suivantes : a) être en possession d'un document de voyage en cours de validité autorisant son titulaire à franchir la frontière qui remplisse les critères suivants : i) sa durée de validité est supérieure d'au moins trois mois à la date à laquelle le demandeur a prévu de quitter le territoire des États membres. Toutefois, en cas d'urgence dûment justifiée, il peut être dérogé à cette obligation ; ii) il a été délivré depuis moins de dix ans ; (...) / c) justifier l'objet et les conditions du séjour envisagé, et disposer de moyens de subsistance suffisants, tant pour la durée du séjour envisagé que pour le retour dans leur pays d'origine ou le transit vers un pays tiers dans lequel leur admission est garantie, ou être en mesure d'acquérir légalement ces moyens / e) ne pas être considéré comme constituant une menace pour l'ordre public, la sécurité intérieure, la santé publique ou les relations internationales de l'un des États membres et, en particulier, ne pas avoir fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans les bases de données nationales des États membres pour ces mêmes motifs. ".

5. Le préfet de police a pris à l'encontre de Mme A...une obligation de quitter le territoire français, sur le fondement des dispositions du 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du 2° de l'article L. 511-2 de ce code, au motif que l'intéressée ne pouvait justifier être entrée régulièrement sur le territoire français et était dépourvue de titre de séjour en cours de validité. Le magistrat désigné par la présidente du Tribunal administratif de Paris a annulé cette décision et, par voie de conséquence, la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire et la décision fixant le pays de destination au motif, d'une part, que Mme A...disposait d'un document de voyage en cours de validité expirant le 28 avril 2020 et d'un titre de séjour, également en cours de validité, délivré par les autorités espagnoles, d'autre part, qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier qu'elle ne remplissait pas les autres conditions d'entrée exigées pour circuler librement pour une durée n'excédant pas trois mois sur toute période de six mois sur le territoire français.

6. Il ressort des pièces du dossier et n'est pas contesté par le préfet de police que Mme A...est titulaire d'un passeport nigérian en cours de validité expirant le 28 avril 2020 et d'un titre de séjour, également en cours de validité expirant le 18 juillet 2020, délivré par les autorités espagnoles. Par suite, le préfet de police ne pouvait, sans se fonder sur des faits matériellement inexacts, prendre à l'encontre de Mme A...une obligation de quitter le territoire français au motif qu'elle n'était pas en possession d'un titre de séjour et d'un document de voyage en cours de validité.

7. Toutefois, l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de la décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'intéressé de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas l'intéressé d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

8. Pour établir que la décision portant obligation de quitter le territoire français est légale, le préfet de police invoque, dans sa requête d'appel communiquée à MmeA..., un autre motif tiré de ce que l'intéressée ne justifiait pas disposer de moyens de subsistance suffisants ou être en mesure d'acquérir légalement ces moyens et ne remplissait pas, par suite, la condition d'entrée visée au point c) de l'article de l'article 6 du règlement (UE) n° 2016/399.

9. MmeA..., étant entrée sur le territoire français en provenance de l'Espagne et étant titulaire d'un passeport nigérian en cours de validité et d'un titre de séjour délivré par les autorités espagnoles également en cours de validité, les stipulations précitées de l'article 21 de la convention d'application de l'accord de Schengen l'autorisaient à circuler librement en France pendant une période de trois mois pour autant qu'elle remplisse les conditions d'entrée visées aux points a), c) et e) de l'article 6 du règlement (UE) n° 2016/399. Il ressort des pièces du dossier que Mme A...a déclaré lors de son audition qu'elle gagnait 500 euros par mois en s'adonnant à la prostitution et qu'elle cherchait un travail. L'intéressée ne produit ni en première instance ni en appel des pièces de nature à établir qu'elle disposait des moyens de subsistance suffisants pour la durée du séjour envisagé. Par suite, elle ne respecte pas la condition d'entrée visée au point c) de l'article 6 du règlement (UE) n° 2016/399. Il résulte de l'instruction que le préfet de police aurait pris la même décision s'il avait entendu se fonder initialement sur ce motif. Il y a lieu dès lors de procéder à la substitution demandée, qui ne prive Mme A...d'aucune garantie procédurale.

10. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que, compte tenu de la substitution de motifs demandée pour la première fois devant la Cour par le préfet de police, le magistrat désigné par la présidente du Tribunal administratif de Paris s'est fondé sur les motifs rappelés au point 5 du présent arrêt pour annuler les décisions litigieuses.

11. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par MmeA....

S'agissant des moyens communs à l'ensemble des décisions :

12. En premier lieu, l'arrêté du 6 mars 2018 du préfet de police en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français, refus d'octroi d'un délai de départ volontaire et fixation du pays de destination est suffisamment motivé en fait et en droit nonobstant la circonstance qu'il ne mentionne ni la possession par Mme A...d'une carte de séjour espagnole et d'un passeport nigérian en cours de validité ni son lieu de résidence.

13. En second lieu, il ne ressort ni des termes de l'arrêté litigieux qui est suffisamment motivé ni des autres pièces du dossier que le préfet de police n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de MmeA....

S'agissant de la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

14. Il résulte des dispositions des articles L. 511-1, L. 511-2, L. 531-1 et L. 531-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le champ d'application des mesures obligeant un étranger à quitter le territoire français et celui des mesures de remise d'un étranger à un autre Etat ne sont pas exclusifs l'un de l'autre et que le législateur n'a pas donné à l'une de ces procédures un caractère prioritaire par rapport à l'autre. Il s'ensuit que, lorsque l'autorité administrative envisage une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger dont la situation entre dans le champ d'application de l'article L. 531-1 ou des deuxième à quatrième alinéas de l'article

L. 531-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle peut légalement soit le remettre aux autorités compétentes de l'Etat membre de l'Union Européenne ou partie à la convention d'application de l'accord de Schengen d'où il provient, sur le fondement des articles L. 531-1 et suivants, soit l'obliger à quitter le territoire français sur le fondement de l'article L. 511-1. Ces dispositions ne font pas non plus obstacle à ce que l'administration engage l'une de ces procédures alors qu'elle avait préalablement engagée l'autre. Toutefois, si l'étranger demande à être éloigné vers l'Etat membre de l'Union Européenne ou partie à la convention d'application de l'accord de Schengen d'où il provient, ou s'il est résident de longue durée dans un Etat membre ou titulaire d'une " carte bleue européenne " délivrée par un tel Etat, il appartient au préfet d'examiner s'il y a lieu de reconduire en priorité l'étranger vers cet Etat ou de le réadmettre dans cet Etat.

15. MmeA..., ressortissante nigériane titulaire d'un titre de séjour espagnol en cours de validité et entrée irrégulièrement en France en provenance d'Espagne, entrait dans le champ d'application des mesures de réadmission prévues aux articles L. 531-1 et L. 531-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, il ressort des pièces du dossier ni qu'elle était titulaire à la date de la décision litigieuse d'un titre de résident de longue durée-CE ou d'une carte bleu européenne ni qu'elle ait demandé à être éloignée vers l'Espagne. Dès lors, il n'appartenait pas au préfet de police d'examiner s'il y avait lieu de réadmettre l'intéressée dans cet Etat. Au demeurant et en tout état de cause, il ressort des pièces produites en appel que le préfet de police a engagé le 7 mars 2018 une procédure de remise de l'intéressée aux autorités espagnoles et obtenu le 8 mars 2018 leur accord en vue de sa réadmission. Par suite, en obligeant Mme A...à quitter le territoire français, le préfet de police n'a commis ni une erreur de droit ni une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressée.

S'agissant de la légalité de la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :

16. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, Mme A...ne peut se prévaloir par voie d'exception, de l'illégalité de cette décision, pour demander l'annulation de la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire.

17. En deuxième lieu, aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour (...) / f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2. ". En vertu de l'article L. 511-2 du même code, les dispositions du a) du 3° du II de l'article L. 511-1 sont applicables à l'étranger qui n'est pas ressortissant d'un Etat membre de l'Union Européenne si, en provenance directe du territoire d'un Etat partie à la convention précitée signée à Schengen le 19 juin 1990, il ne remplit pas notamment pas les conditions d'entrée visées aux points a), c) et e) de l'article 6 du règlement (UE) n° 2016/399.

18. Le préfet de police a refusé d'octroyer à Mme A...un délai de départ volontaire au motif qu'il existait un risque qu'elle se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français dès lors, d'une part, qu'elle ne pouvait justifier être entrée régulièrement sur le territoire français, d'autre part, qu'elle ne présentait pas de garanties de représentation suffisantes dans la mesure où elle ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité. S'il ressort des pièces du dossier que Mme A...est titulaire d'un passeport nigérian en cours de validité expirant le 28 avril 2020, elle n'est pas entrée régulièrement sur le territoire français, ainsi qu'il a été dit au considérant 5 ci-dessus. Par suite, l'illégalité du motif tiré du défaut de possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité n'est pas de nature à entacher d'illégalité la décision litigieuse dès lors qu'il résulte de l'instruction que le préfet de police aurait pris la même décision s'il n'avait retenu que le motif tiré de ce que Mme A...ne pouvait justifier être entrée régulièrement sur le territoire français. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance du II de l'article

L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

19. En troisième et dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur la situation personnelle de l'intéressée.

S'agissant de la légalité de la décision fixant le pays de destination :

20. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, Mme A...ne peut se prévaloir par voie d'exception, de l'illégalité de cette décision, pour demander l'annulation de la décision fixant son pays de destination.

21. En second lieu, Mme A...soutient qu'elle bénéficie du statut de réfugié en Espagne et qu'elle est ainsi exposée en cas de renvoi dans son pays d'origine à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Toutefois, l'intéressée n'établit ni qu'elle a été admise au séjour en Espagne au titre de l'asile ni qu'elle encourt des risques de traitements inhumains ou dégradants en cas de renvoi dans son pays d'origine. En outre, la décision litigieuse n'implique pas nécessairement le renvoi de Mme A...dans son pays d'origine dès lors qu'elle prévoit que Mme A...peut également être reconduite dans le pays qui lui a délivré un titre de voyage en cours de validité. Au demeurant et en tout état de cause, le préfet de police a engagé le 7 mars 2018 une procédure de remise de l'intéressée. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.

22. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 6 mars 2018 en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français, refus d'octroi d'un délai de départ volontaire et fixation du pays de destination. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par Mme A...sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1803645/8 du 10 mars 2018 du magistrat désigné par la présidente du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 6 mars 2018 portant interdiction de retour sur le territoire français.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A...est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 16 mai 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Dalle, président,

- Mme Notarianni, premier conseiller,

- Mme Stoltz-Valette, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 29 mai 2019.

Le rapporteur,

A. STOLTZ-VALETTELe président,

D. DALLE

Le greffier,

C. MONGISLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18PA01339


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA01339
Date de la décision : 29/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. DALLE
Rapporteur ?: Mme Alexandra STOLTZ-VALETTE
Rapporteur public ?: Mme MIELNIK-MEDDAH
Avocat(s) : KORNMAN

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-05-29;18pa01339 ?
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