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28/05/2019 | FRANCE | N°18PA01102

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 28 mai 2019, 18PA01102


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du

7 mars 2016 par laquelle le directeur du département des contrôles de l'Agence française de lutte contre le dopage, d'une part, a prononcé le retrait de son agrément délivré en qualité de personne chargée des contrôlés anti-dopage, d'autre part, a décidé que la rémunération de sa mission du

6 novembre 2015 ferait l'objet d'un abattement de 50%.

Par un jugement n° 1607189 du 2 février 2018, le t

ribunal administratif de Paris a annulé la décision du 7 mars 2016.

Procédure devant la Cour :

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du

7 mars 2016 par laquelle le directeur du département des contrôles de l'Agence française de lutte contre le dopage, d'une part, a prononcé le retrait de son agrément délivré en qualité de personne chargée des contrôlés anti-dopage, d'autre part, a décidé que la rémunération de sa mission du

6 novembre 2015 ferait l'objet d'un abattement de 50%.

Par un jugement n° 1607189 du 2 février 2018, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 7 mars 2016.

Procédure devant la Cour :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire enregistrés les 3 avril et

20 août 2018, l'Agence française de lutte contre le dopage, représentée par Me F...demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de M. A...;

3°) de mettre à la charge de M. A...le versement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

L'Agence française de lutte contre le dopage soutient que :

- le jugement est irrégulier en raison d'une insuffisance de motivation dès lors que les premiers juges n'ont pas justifié l'application du principe du contradictoire à la décision appliquant un abattement de 50% sur la rémunération de M. A...au titre de sa mission n° E2015AFLD0864 ;

- l'article R. 232-71 du code du sport et l'article 22 de la délibération du collège de l'Agence française de lutte contre le dopage du 17 février 2016 ne méconnaissent pas le principe de proportionnalité des sanctions dès lors qu'il n'implique aucune automaticité de la sanction de retrait d'agrément ;

- le moyen tiré de l'exception d'illégalité des dispositions de l'article R. 232-71 du code du sport est inopérant ;

- la sanction de retrait prononcée à l'encontre de M. A...était en tout état de cause justifiée au regard de la gravité des faits reprochés à l'intéressé ;

- la décision concernant l'abattement de rémunération de 50% n'avait pas à faire l'objet d'une procédure contradictoire spécifique dès lors qu'elle n'est que la conséquence de la décision de retrait d'agrément.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 3 août 2018 et 27 mars 2019, M.A..., représenté par Me E..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de l'Agence française de lutte contre le dopage en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. A...soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- la Constitution et notamment son préambule ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code du sport ;

- la délibération n°2016-17 CTRL du collège de l'Agence française de lutte contre le dopage du 17 février 2016 ;

- la délibération n°2015-14 CTRL du collège de l'Agence française de lutte contre le dopage du 22 janvier 2015 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Pena,

- les conclusions de Mme Delamarre, rapporteur public,

- et les observations de MeD..., représentant l'Agence française de lutte contre le dopage et de MeE..., représentant M.A....

Une note en délibéré présentée pour M. A...a été enregistrée le 4 avril 2019.

Considérant ce qui suit :

1. M. B...A..., titulaire d'un diplôme d'infirmier, a été agréé par une décision du directeur du département des contrôles de l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) en qualité de personne chargée des contrôles, pour une durée de deux ans. Par une décision du

25 novembre 2013, cet agrément a été renouvelé pour une durée de cinq ans. Par deux décisions du 7 mars 2016, le directeur du département des contrôles de l'AFLD, ayant constaté des incohérences dans les dates indiquées par M. A...concernant sa mission de contrôle

n° E2015AFLD0864 du 6 novembre 2015, lui a, d'une part, retiré son agrément, d'autre part, appliqué un abattement de 50% sur sa rémunération au titre de cette mission. L'AFLD relève appel du jugement du 17 mars 2017 par lequel le tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande de M. A...tendant à l'annulation de ces deux décisions du 7 mars 2016.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Les premiers juges, après avoir visé les textes applicables et notamment le code des relations entre le public et l'administration, ont précisé que la décision d'appliquer un abattement de 50% sur la rémunération au titre de la mission n° E2015AFLD0864, dont le caractère de sanction n'était par ailleurs pas contesté par les parties, avait le caractère d'une mesure défavorable. Ce faisant, eu égard au moyen tel que développé devant eux, les premiers juges ont suffisamment motivé sur ce point leur jugement qui n'est en rien entaché d'irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la légalité de la décision du 7 mars 2016 en ce qu'elle prononce le retrait d'agrément de M. A...:

3. Aux termes de l'article L. 232-11 du code du sport : " Outre les officiers et agents de police judiciaire agissant dans le cadre des dispositions du code de procédure pénale, sont habilités à procéder aux contrôles diligentés par l'Agence française de lutte contre le dopage ou demandés par les personnes mentionnées à l'article L. 232-13 et à rechercher et constater les infractions aux dispositions prévues aux articles L. 232-9 et L. 232-10 les agents relevant du ministre chargé des sports et les personnes agréées par l'agence et assermentés dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article R. 232-71 de ce même code : " L'agrément est retiré par l'Agence française de lutte contre le dopage : 1° Au professionnel de santé qui a fait l'objet d'une sanction disciplinaire infligée postérieurement à son agrément ; 2° A la personne chargée du contrôle qui commet une faute dans l'accomplissement de sa mission de contrôle. Le directeur du département des contrôles organise, dans des conditions fixées par l'Agence française de lutte contre le dopage, le contrôle du respect de leurs obligations par les personnes agréées ". En vertu de l'article 23 de la délibération n° 2016-17 CTRL du collège de l'AFLD du 17 février 2016 : " Est susceptible notamment de constituer une faute professionnelle : a) Tout manquement du préleveur agréé aux règles juridiques ou techniques applicables au contrôle antidopage de nature à entraîner la nullité ou la non-réalisation de celui-ci ;b) Le refus, sans motif légitime, de se soumettre à l'une ou l'autre des mesures d'évaluation énoncées au b et au c de l'article 19 ; c) Le défaut d'actualisation, sans motif légitime, de l'attestation prévue à l'article 4 ou de la déclaration d'intérêts mentionnée à l'article 10 ; d) Le non-respect, sans motif légitime, des dispositions de l'article 9 relatives à la formation continue ".

4. Pour, faisant droit à l'exception soulevée, prononcer l'annulation de la décision du

7 mars 2016 par laquelle le directeur du département des contrôles de l'AFLD a prononcé le retrait de l'agrément de M.A..., les premiers juges ont retenu que les dispositions précitées sur le fondement desquelles elle a été prise, méconnaissaient le principe constitutionnel de proportionnalité des peines.

5. En premier lieu, l'exception invoquée n'est pas inopérante dès lors que les dispositions précitées constituent, ainsi qu'il vient d'être dit, la base légale de la décision de retrait d'agrément du 7 mars 2016. La circonstance, à la supposer établie, que la gravité de la sanction ait pu justifier une telle sanction est à cet égard sans incidence sur la recevabilité d'un tel moyen.

6. En second lieu, si les dispositions de l'article R. 232-71 du code du sport prévoient qu'une faute professionnelle, interprétée notamment au regard des catégories listées par les dispositions de l'article 23 de la délibération précité, entraîne le retrait des agréments délivrés en application de l'article L. 232-11 du code du sport aux personnes chargées des contrôles, elles permettent néanmoins à l'administration dans un premier temps, puis au juge dans un second temps, de procéder à un contrôle permettant d'apprécier l'imputabilité des faits en cause, leur qualification, ainsi que les circonstances dans lesquelles les manquements sont intervenus et de décider s'ils justifient ou non le retrait de l'agrément en question. Dans ces conditions les dispositions précitées, qui n'imposent pas, par elles-mêmes, le retrait de l'agrément, n'ont pas pour effet d'instaurer un mécanisme de sanction automatique du fait de la possibilité qu'elles prévoient d'infliger cette sanction en cas de comportement de nature à rompre le lien de confiance absolu qui, eu égard à la nature de la mission en cause, doit exister entre l'agence et le titulaire de l'agrément. Dès lors, l'AFLD est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé, pour méconnaissance du principe de proportionnalité, la décision du 7 mars 2016 en ce qu'elle prononce le retrait d'agrément de M.A....

7. Toutefois, il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A...devant le tribunal administratif de Paris à l'encontre du retrait d'agrément.

8. En premier lieu, en application de l'article R. 232-11 du code du sport, le collège de l'AFLD a donné compétence au directeur du département des contrôles pour prendre des décisions d'octroi et de retrait d'agrément. Ainsi, M.C..., signataire de la décision attaquée, et qui a été nommé directeur de ce département par délibération du 24 juin 2015, était bien compétent pour signer la décision contestée du 7 mars 2016.

9. En deuxième lieu, si M. A...a fait valoir que ses droits de la défense avaient été méconnus, en violation des articles 24 de la loi du 24 avril 2000 et 27 de la délibération du

5 janvier 2012, ce moyen doit être écarté dès lors qu'il ressort des pièces du dossier qu'il a été mis à même de présenter ses observations sur le manquement reproché par un courrier reçu le

3 décembre 2015 l'informant de cette possibilité ainsi que de celle d'être assisté d'une personne de son choix.

10. En troisième lieu, la circonstance que certaines personnes dont l'adjointe du directeur du département des sports, ou encore le docteur, préleveur référent de l'agence, ont été présents au cours de l'audition de M. A...n'est pas de nature à entacher la procédure suivie d'un quelconque vice, alors que l'intéressé avait été prévenu au préalable et qu'il n'a jamais expressément demandé à être entendu en tête à tête.

11. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que la décision attaquée a été régulièrement notifiée à l'intéressé par courrier recommandé avec accusé de réception. En tout état de cause, à supposer qu'elle ne l'aurait pas été régulièrement, cette circonstance aurait été sans incidence sur la légalité de la décision contestée.

12. En cinquième lieu, le moyen tiré de ce que la décision contestée ferait application à tort de la délibération du collège de l'AFLD du 17 février 2016 doit être écarté, dès lors qu'elle pouvait s'appliquer d'un point de vue procédural pour respecter les droits de la défense.

13. En sixième et dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que les heures de contrôle d'un des sportifs mentionnées sur le procès-verbal destiné au département des contrôles ne coïncidaient pas avec celles indiquées sur le procès-verbal destiné au département des analyses, ni avec l'heure à laquelle les échantillons issus du contrôle ont été enregistrés au laboratoire. Si M. A...conteste ces faits, dans ses dernières écritures, il avait tout de même reconnu, lors de sa convocation par l'AFLD, le 11 décembre 2015, avoir falsifié le procès-verbal de contrôle. L'intéressé ne saurait s'exonérer de sa responsabilité en faisant valoir qu'il n'a fait que suivre la demande du sportif ni qu'une telle pratique est répandue. Si les dispositions applicables prévoient en effet un contrôle différé en cas de circonstances exceptionnelles, de telles circonstances ne ressortent aucunement des pièces du dossier et n'auraient pas été, en tout état de cause, de nature à justifier la falsification du procès-verbal. Enfin, la double circonstance selon laquelle M. A...n'a pas été provisoirement suspendu comme le prévoient les dispositions applicables, et qu'il a pu se voir confier une autre mission avant son retrait d'agrément n'est pas de nature à retirer aux faits constatés leur caractère fautif. Par suite, au vu de ces éléments, le directeur du département des contrôles de l'Agence française de lutte contre le dopage a légalement pu retirer à M. A...l'agrément d'agent préleveur qui lui avait été renouvelé par décision du 25 novembre 2013.

En ce qui concerne la légalité de la décision du 7 mars 2016 en ce qu'elle décide d'un abattement de 50 % sur la rémunération de la mission de M. A...:

14. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". Aux termes de l'article 11 de la délibération n°2015-14 CTRL du collège de AFD du 22 janvier 2015 : " Lorsque la procédure n'a pas été respectée dans sa totalité du fait du préleveur et aboutit à faire obstacle à la réalisation des analyses ou à l'engagement d'une procédure disciplinaire, la rémunération du préleveur peut faire l'objet, sur décision motivée du directeur du département des contrôles, d'un abattement de 50% ".

15. L'AFLD persiste à soutenir en appel qu'en prenant cette mesure d'abattement, le directeur du département des contrôles s'est borné à tirer les conséquences des modalités d'exercice de la mission fautivement réalisée quant au niveau de la rémunération due à l'intéressé et qu'étant motivée par les mêmes faits que la décision de retrait de l'agrément figurant à l'article 1er de la décision, elle n'avait pas à faire l'objet d'une procédure contradictoire et d'une motivation en fait spécifiques.

16. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, et notamment du courrier du

3 décembre 2015 adressé à M. A...préalablement à la décision du 7 mars 2016, que le directeur du département des contrôles n'a pas informé l'intéressé de son intention de prendre une sanction pécuniaire à son encontre et ne l'a pas mis en mesure de prononcer ses observations de manière spécifique à l'égard de cette décision. Dans ces conditions, le principe du contradictoire ayant en l'espèce été méconnu, l'AFLD n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a annulé l'article 2 de la décision du 7 mars 2016 qui prévoit un abattement de

50 % de la rémunération du préleveur.

17. Il résulte de tout ce qui précède que l'AFLD est uniquement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé l'article 1er de la décision de son directeur du département des contrôles du 7 mars 2016 prononçant le retrait de l'agrément de M.A....

Sur les conclusions aux fins d'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

18. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser à chacune des parties la charge des frais qu'elle a engagés pour l'instance.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 2 février 2018 est annulé en tant qu'il annule la décision du directeur du département des contrôles de l'Agence française de lutte contre le dopage du 7 mars 2016 en tant qu'elle prononce le retrait de l'agrément de M.A....

Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Paris est rejetée, sauf en ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation de la décision du directeur du département des contrôles de l'Agence française de lutte contre le dopage du 7 mars 2016 en ce qu'elle décide d'un abattement de 50 % sur la rémunération de sa mission.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par les parties devant la Cour, et notamment celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'Agence française de lutte contre le dopage et à M. B... A....

Délibéré après l'audience du 2 avril 2019 à laquelle siégeaient :

- M. Bouleau, président de chambre,

- M. Bernier, président assesseur,

- Mme Pena, premier conseiller,

Lu en audience publique le 28 mai 2019.

Le rapporteur,

E. PENALe président,

M. BOULEAU

Le greffier,

N. DAHMANI

La République mande et ordonne au ministre des sports, en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 18PA01102 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA01102
Date de la décision : 28/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Eléonore PENA
Rapporteur public ?: Mme DELAMARRE
Avocat(s) : SCP MATUCHANSKY- POUPOT - VALDELIEVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-05-28;18pa01102 ?
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