Vu la procédure suivante :
I. Requête N° 17PA21187 :
Procédure contentieuse antérieure :
M. G...C...et Mme A...F...ont demandé au Tribunal administratif de La Réunion :
1°) d'annuler les délibérations n° 8 et n° 13 du 24 juin 2015 par lesquelles le conseil municipal de La Possession a décidé :
- d'abroger la délibération du 30 juin 2007 relative à la vente, au prix de 50 euros le m², de plusieurs terrains communaux jouxtant le lotissement " Entre Ciel et Terre " ;
- de conclure la vente à M. C...et Mme F...de la parcelle AR 1058 sur la base d'un prix au m² de 250 euros, soit au prix de 73 500 euros ;
2°) d'enjoindre à la commune de La Possession, sous astreinte, de " maintenir à 50 euros / m² le prix de cession des parcelles litigieuses, en réitérant l'acte de vente intervenu ".
Par un jugement n° 1500854 du 12 janvier 2017, le Tribunal administratif de La Réunion a constaté un non-lieu à statuer sur leurs conclusions tendant à l'annulation de la délibération n° 8 du conseil municipal de La Possession du 24 juin 2015, et a annulé la délibération n° 13 du conseil municipal du 24 juin 2015.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 12 avril 2017 au greffe de la Cour administrative d'appel de Bordeaux, régularisée le 18 avril 2017, la commune de La Possession, représentée par son maire et par MeI..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de La Réunion du 12 janvier 2017 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. C...et par Mme F...devant le tribunal administratif ;
3°) de mettre à la charge de M. C...et de Mme F...le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement du tribunal administratif doit être annulé en ce qu'il considère la délibération n° 13 comme faisant grief à M. C...et à MmeF..., et en ce qu'il regarde la délibération n° 8 comme annulée ;
- M. C...et à Mme F...ne justifiaient d'aucun intérêt à agir contre la délibération n° 13 ;
- le maire n'avait pas compétence pour conclure la vente avec eux sans une nouvelle habilitation du conseil municipal ;
- la délibération en litige est suffisamment motivée ;
- la délibération du 30 juin 2007 n'a conféré aucun droit à M. C...et à MmeF... ;
- l'avis émis par le service des domaines le 10 novembre 2006 était caduc ; la délibération du 30 juin 2007 l'était donc également ; la délibération n° 13 s'est bornée à constater cette caducité ou à l'abroger ;
- la commune n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 juillet 2017, M. C...et MmeF..., représentés par MeB..., concluent au rejet de la requête, et à ce que le versement d'une somme de 3 000 euros soit mis à la charge de la commune de La Possession sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 29 octobre 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 novembre 2018.
Par une ordonnance du 1er mars 2019, le président de la section du contentieux du Conseil d'État a attribué à la Cour la requête présentée par la commune de La Possession.
Les parties ont été informées en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la décision de la Cour était susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrégularité du jugement attaqué en ce qu'il a constaté un non-lieu à statuer sur les conclusions de M. C...et Mme F...tendant à l'annulation de la délibération n° 8 du conseil municipal de La Possession du 24 juin 2015, sans joindre ces conclusions aux demandes accueillies par son jugement n° 1500761, 1500817, 1500818, 1500839, du 12 janvier 2017 qui n'était pas devenu définitif.
II. Requête N° 17PA21268 :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et MmeD..., les SCI Calypso et Index, M. et Mme E...et la SCI Sawe, ont demandé au Tribunal administratif de La Réunion d'annuler les délibérations n° 8, n° 10, n° 11, n° 12, n° 14 et n° 15 du 24 juin 2015 par lesquelles le conseil municipal de La Possession a décidé :
- d'abroger la délibération du 30 juin 2007 relative à la vente, au prix de 50 euros le m², de plusieurs terrains communaux jouxtant le lotissement " Entre Ciel et Terre " ;
- de conclure avec eux la vente de plusieurs parcelles sur la base d'un prix au m² de 250 euros.
Par un jugement n°s 1500761, 1500817, 1500818, 1500839, du 12 janvier 2017, le Tribunal administratif de La Réunion a annulé les délibérations n° 8, n° 10, n° 11, n° 12, n° 14 et n° 15 du conseil municipal de La Possession du 24 juin 2015.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 20 avril 2017 au greffe de la Cour administrative d'appel de Bordeaux, la commune de La Possession, représentée par son maire et par MeI..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de La Réunion du 12 janvier 2017 ;
2°) de rejeter les demandes présentées par M. et MmeD..., les SCI Calypso et Index, M. et Mme E...et la SCI Sawe, devant le tribunal administratif ;
3°) de mettre à la charge de chacun des requérants de première instance le versement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement du tribunal administratif a estimé à tort que la commune ne justifie pas du bien-fondé de l'augmentation du prix au m² ;
- il doit être annulé en ce qu'il considère les délibérations en litige comme faisant grief aux requérants de première instance ;
- les requérants de première instance ne justifiaient d'aucun intérêt à agir contre ces délibérations ;
- les diligences qu'ils ont effectuées en vue de réaliser la vente n'étaient pas suffisantes ;
- le maire n'avait pas compétence pour conclure la vente sans une nouvelle habilitation du conseil municipal ;
- les délibérations en litige sont suffisamment motivées ;
- la délibération du 30 juin 2007 n'a conféré aucun droit aux requérants de première instance ;
- l'avis émis par le service des domaines le 10 novembre 2006 était caduc ; la délibération du 30 juin 2007 l'était donc également ; les délibérations en litige se sont bornées à constater cette caducité ou à l'abroger ;
- la commune n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 juillet 2017, M. et MmeD..., les SCI Calypso et Index, M. et Mme E...et la SCI Sawe, représentés par MeB..., concluent au rejet de la requête, et à ce que le versement à chacun d'eux d'une somme de 2 000 euros soit mis à la charge de la commune de La Possession sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 5 octobre 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 2 novembre 2018.
Par une ordonnance du 1er mars 2019, le président de la section du contentieux du Conseil d'État a attribué à la Cour la requête présentée par la commune de La Possession.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code civil ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Niollet,
- et les conclusions de M. Baffray, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier que, par délibération du 30 juin 2007, le conseil municipal de La Possession a approuvé le principe de la vente de terrains communaux jouxtant le lotissement " Entre Ciel et Terre ", clairement délimités et représentant une superficie totale de 2 528 m², au profit des propriétaires des parcelles attenantes, notamment MmeH..., propriétaire du bien cadastré AR 822, M. et MmeD..., les SCI Calypso et Index, M. et Mme E...et la SCI Sawe. Cette délibération précisait que le prix de cession était fixé à 50 euros le m² par référence à l'avis émis par le service des domaines le 10 novembre 2006. En dépit de nombreuses sollicitations des propriétaires concernés, au nombre desquels M. C...et Mme F...qui avaient acquis la parcelle de Mme H...et avec qui la commune avait conclu un compromis de vente au prix initialement convenu de 14 700 euros le 22 novembre 2013, la commune n'a pas, au cours des années suivantes, réalisé les ventes approuvées par la délibération du 30 juin 2007 en signant les actes de vente nécessaires. Finalement, le conseil municipal a décidé, au cours de sa séance du 24 juin 2015, de revoir les modalités de vente des terrains. Par sa délibération n° 8, prise par référence à un nouvel avis du service des domaines du 8 décembre 2014 mentionnant un prix de 250 euros au m², le conseil municipal a décidé de revenir sur la délibération du 30 juin 2007. Par ses délibérations n° 10 à 15, il a fixé les prix désormais exigés pour la vente des terrains sur la base de ce prix au m². M. C...et Mme F...ont demandé au Tribunal administratif de La Réunion d'annuler les délibérations n° 8 et n° 13. M. et MmeD..., la SCI Index, à la SCI Calypso, M. et Mme E...et la SCI Sawe ont demandé au même tribunal d'annuler les délibérations n° 8, n° 10, n° 11, n° 12, n° 14 et n° 15.
2. Par un jugement n° 1500761, 1500817, 1500818, 1500839, du 12 janvier 2017, le tribunal administratif a fait droit aux demandes d'annulation de M. et MmeD..., de la SCI Index, de la SCI Calypso, de M. et Mme E...et de la SCI Sawe. Par sa requête N° 17PA21268, la commune de La Possession fait appel de ce jugement.
3. Par un jugement n° 1500854 du 12 janvier 2017, le tribunal administratif a constaté un non-lieu à statuer sur les conclusions de M. C...et Mme F...tendant à l'annulation de la délibération n° 8 et a annulé la délibération n° 13. Par sa requête N° 17PA21187, la commune de La Possession fait appel de ce jugement.
4. Les requêtes de la commune de La Possession présentent à juger les mêmes questions et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur la requête N° 17PA21268 :
5. En premier lieu, il ressort des termes mêmes de la délibération n° 8 du 24 juin 2015 que le conseil municipal a, estimé que le changement des circonstances tenant à l'évolution du marché de l'immobilier depuis cette délibération, " justifie un retrait de la délibération du 30 juin 2007 ". Contrairement à ce que soutient la commune dans la présente instance, la délibération n° 8 du 24 juin 2015 ne s'est, même si elle se réfère au nouvel avis du service des domaines daté du 8 décembre 2014, pas bornée à constater la " caducité " de la délibération du 30 juin 2007, mais a procédé à son retrait.
6. En deuxième lieu, compte tenu de ce qui vient d'être dit, et contrairement à ce que soutient la commune, la délibération n° 8 et les autres délibérations du 24 juin 2015 fixant le prix désormais exigé pour la vente des terrains sur la base d'un prix au m² de 250 euros, font grief aux requérants de première instance qui justifient ainsi d'un intérêt à agir à l'encontre de ces délibérations.
7. En troisième lieu, sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires et hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l'administration ne peut retirer une décision individuelle explicite créatrice de droits, si elle est illégale, que dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision.
8. Ainsi que le tribunal administratif l'a relevé à bon droit, et contrairement à ce que soutient la commune, la délibération du 30 juin 2007 par laquelle le conseil municipal avait décidé de vendre les terrains sur la base d'un prix de 50 euros au m², constituait, eu égard à son objet et à ses motifs, qui ne faisaient apparaître aucune restriction et aucune condition, une décision créatrice de droits au profit des bénéficiaires qui justifient avoir effectué les diligences nécessaires pour obtenir la réalisation de la vente au cours des années suivantes. Ces bénéficiaires étaient d'ailleurs visés nommément par la délibération et avaient au surplus donné leur accord à la vente, en réponse à un courrier de la commune du 15 janvier 2007. Le tribunal administratif a donc à bon droit estimé que, compte tenu du délai de plus de quatre mois écoulé depuis la délibération du 30 juin 2007, le conseil municipal ne pouvait légalement, procéder au retrait de cette délibération, le 24 juin 2015.
9. Il résulte de ce qui précède que la commune de La Possession n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement n° 1500761, 1500817, 1500818, 1500839, le Tribunal administratif de La Réunion a annulé les délibérations n° 8, n° 10, n° 11, n° 12, n° 14 et n° 15.
Sur la requête N° 17PA21187 :
Sur la régularité du jugement n° 1500854 :
10. Le juge de l'excès de pouvoir ne peut, en principe, déduire d'une décision juridictionnelle rendue par lui-même ou par une autre juridiction qu'il n'y a plus lieu de statuer sur des conclusions à fin d'annulation dont il est saisi, tant que cette décision n'est pas devenue irrévocable. Il en va toutefois différemment lorsque, faisant usage de la faculté dont il dispose dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, il joint les requêtes pour statuer par une même décision, en tirant les conséquences nécessaires de ses propres énonciations. Dans cette hypothèse, toutes les parties concernées seront, en cas d'exercice d'une voie de recours, mises en cause et celle à laquelle un non-lieu a été opposé, mise à même de former, si elle le souhaite, un recours incident contre cette partie du dispositif du jugement.
11. A la date à laquelle le tribunal a, par l'article 1er du jugement n° 1500854, constaté un non-lieu à statuer sur les conclusions de M. C...et Mme F...tendant à l'annulation de la délibération n° 8 du conseil municipal de La Possession du 24 juin 2015, son jugement n°s 1500761, 1500817, 1500818, 1500839 du même jour annulant cette délibération n'était pas définitif, puisqu'il était susceptible d'être frappé d'appel. Le tribunal qui n'a pas fait usage de la faculté dont il disposait de joindre les demandes dont il était saisi pour statuer par une même décision, ne pouvait donc constater ce non-lieu à statuer. L'article 1er de son jugement n° 1500854 doit par conséquent être annulé.
12. Toutefois, compte tenu de ce qui a été dit au point 9 ci-dessus, il n'y a pas lieu pour la Cour de statuer sur les conclusions de la demande présentée par M. C...et Mme F...devant le Tribunal administratif de La Réunion, en vue de l'annulation de la délibération n° 8 du conseil municipal de La Possession du 24 juin 2015.
Sur le surplus des conclusions de la commune de La Possession :
13. En premier lieu, contrairement à ce que soutient la commune, la délibération n° 13 fixant le prix désormais exigé pour la vente des terrains sur la base d'un prix au m² de 250 euros, fait grief à M. C...et à Mme F...qui justifient ainsi d'un intérêt à agir à l'encontre de cette délibération.
14. En second lieu, compte tenu de l'annulation de la délibération n° 8 par laquelle le conseil municipal a procédé au retrait de la délibération du 30 juin 2007, la commune de La Possession n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement n° 1500854, le Tribunal administratif de La Réunion a annulé la délibération n° 13 du 24 juin 2015.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge des défendeurs qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, les sommes que la commune de La Possession demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la commune le versement à M. C...et à Mme F...ainsi que globalement à M. et MmeD..., à la SCI Calypso et à la SCI Index, à M. et Mme E...et à la SCI Sawe, d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 1er du jugement n° 1500854 du Tribunal administratif de La Réunion du 12 janvier 2017 est annulé.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la demande de M. C...et de Mme F... devant le Tribunal administratif de La Réunion, dirigées contre la délibération n° 8 du conseil municipal de La Possession du 24 juin 2015.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la commune de La Possession est rejeté.
Article 4 : La commune de La Possession versera une somme globale de 1 500 euros à M. C... et à MmeF..., et une somme globale de 1 500 euros à M. et MmeD..., à la SCI Calypso et à la SCI Index, à M. et Mme E...et à la SCI Sawe, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de La Possession, à M. C...et Mme F..., à M. et MmeD..., à la SCI Calypso et à la SCI Index, à M. et Mme E...et à la SCI Sawe.
Copie en sera adressée au préfet de La Réunion.
Délibéré après l'audience du 14 mai 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. Niollet, président-assesseur,
- Mme Labetoulle, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 28 mai 2019.
Le rapporteur,
J-C. NIOLLETLe président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
P. TISSERAND
La République mande et ordonne au préfet de La Réunion, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA21187-17PA21268