Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision explicite du 30 juin 2016 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a décidé, d'une part, de retirer une décision implicite de rejet du recours hiérarchique formé par la société entreprise Massey, le 22 janvier 2016, tendant au retrait de la décision de l'inspecteur du travail de la section Nord-Ouest de l'unité territoriale de Paris, en date du 7 décembre 2015 ayant refusé d'autoriser son licenciement pour motif disciplinaire et, d'autre part, d'autoriser son licenciement.
Par un jugement n° 1613440/3-3 du 10 octobre 2017, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du ministre du travail du 30 juin 2016.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 8 décembre 2017 et 19 février 2018, la société Massey, représentée par la Selas SCA Associé, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Paris du 10 octobre 2017 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Paris.
Elle soutient que :
- le comportement violent reproché à M. A...est constitutif d'un abus dans l'exercice de son mandat et d'un manquement à ses obligations professionnelles ;
- ces faits ne sont en outre pas isolés dans la mesure où il a été visé par plusieurs plaintes de la part de ses collègues de travail et a multiplié les comportements inappropriés ; ces comportements ont d'ailleurs été sanctionnés par le biais d'avertissements et a motivé deux demandes d'autorisation de licenciement en mai 2013 et mars 2014 ;
- les refus réitérés de se conformer aux instructions de son employeur sont par ailleurs le signe d'une insubordination fautive ;
- ces agissements fautifs présentent, dans leur ensemble, une gravité suffisante pour justifier un licenciement.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 février 2019, M. A...conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Massey au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la requête est irrecevable dès lors que la société Massey ne démontre pas qu'elle peut être représentée en appel pas Me B...D...es qualité de liquidateur et qu'elle dispose de la capacité et d'un intérêt pour agir ;
- son licenciement n'est que l'aboutissement d'un acharnement réel de son employeur à son égard et à l'égard de l'exercice de son mandat ;
- les faits qui lui sont reprochés sont entachés d'inexactitude matérielle ;
- l'autorisation de licenciement donnée par le ministre est totalement disproportionnée au regard des faits reprochés ;
- la décision contestée du 30 juin 2016 a par ailleurs été prise par une autorité incompétente ;
- elle ne répond pas aux règles encadrant le retrait et l'abrogation d'une décision individuelle créatrice de droit.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Pena,
- et les conclusions de Mme Delamarre, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A...a été recruté au mois de janvier 2002 par la société des limousines Massey spécialisée dans le transport de passagers par véhicule de grande remise. Il exerçait, au moment de son licenciement, un mandat de délégué du personnel suppléant au sein de cette société. Par un courrier du 11 septembre 2015, M. A...a été convoqué à un entretien préalable en vue d'un licenciement pour faute grave par le président de la société, qui a eu lieu le 22 septembre 2015. L'inspecteur du travail de la section Nord-Ouest de l'unité territoriale de Paris a, le 7 décembre 2015, refusé d'accorder l'autorisation de licenciement. La société Massey a alors, le 22 janvier 2016, formé un recours hiérarchique contre cette décision. Par une décision du 30 juin 2016, la ministre a retiré la décision implicite de rejet du recours hiérarchique née le 27 mai 2016 et autorisé le licenciement du salarié. C'est dans ces conditions que M. A...a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande d'annulation de cette décision. Par un jugement du
10 octobre 2017 dont la société Massey relève appel, le tribunal administratif a annulé la décision du ministre du travail du 30 juin 2016.
2. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque leur licenciement est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec leur appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi. Un agissement du salarié intervenu en-dehors de l'exécution de son contrat de travail ne peut motiver un licenciement pour faute, sauf s'il traduit la méconnaissance par l'intéressé d'une obligation découlant de ce contrat.
3. Parmi les différents griefs invoqués par la société Massey à l'encontre de M. A...pour solliciter son licenciement, la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, n'en a retenu in fine que deux dans sa décision du 30 juin 2016, à savoir celui tiré du comportement violent de l'intéressé et celui d'insubordination.
4. S'agissant du premier de ces griefs, si une sévère altercation a eu lieu lors d'une réunion syndicale le 9 septembre 2015 entre M. A...et un autre délégué du personnel, après qu'il s'est vu reprocher de ne pas pratiquer le " stand-by ", pratique interdite pour les chauffeurs de VTC et qui consiste à stationner devant les hôtels, gares ou aéroports pour prendre en charge les clients, il ressort néanmoins des pièces du dossier que M. A...a lui-même été vivement pris à partie lors de cette réunion et qu'il est d'ailleurs sorti de la salle suite aux menaces de ce délégué. Dans ces conditions, et quelle qu'ait été la véhémence des propos tenus de parts et d'autres, lesquels propos n'ont pas outrepassé le cadre professionnel, les faits reprochés à M. A...qui ne les nie au demeurant aucunement, doivent être considérés comme en lien avec l'exercice de son mandat syndical et ne pouvaient de ce fait être retenus pour fonder son licenciement.
5. S'agissant du grief d'insubordination, il est reproché à M. A...d'avoir refusé de conduire le directeur de l'hôtel Bristol et d'avoir également adopté une attitude déplacée à l'égard d'un collègue qui l'a réveillé à 6h00 du matin pour conduire de bonne heure un client de ce même hôtel. Sur le premier point, si M. A...a refusé de conduire le directeur de l'hôtel en raison des pratiques antisyndicales qu'aurait adoptées ce dernier, il n'est toutefois pas contesté que son employeur s'est depuis accommodé de cette situation et que, bien qu'il ait fait l'objet d'un avertissement le 1er août 2012 à ce sujet, il n'a pas été convoqué depuis lors, ni mis en demeure d'agir différemment. Sur le second point, alors même que M. A...admet refuser les appels matinaux destinés à s'assurer que le chauffeur sera prêt à temps pour démarrer sa mission, il n'a plus failli aux règles de ponctualité depuis l'année 2012.
6. Dans ces conditions, les faits reprochés à M.A..., même pris dans leur ensemble, ne sont pas d'une gravité suffisante pour justifier un licenciement, compte tenu des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.
7. Il résulte de tout ce qui précède que la société Massey n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision de la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du
30 juin 2016 retirant sa décision implicite de rejet du recours hiérarchique, intervenue le 27 mai 2016 et autorisant le licenciement de M.A....
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application des dispositions sus visées, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. A...et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Massey est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à M. A...une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M.C... A..., au ministre du travail, et à la société Massey représentée par la Selafa mandataires judiciaires Associés MJA.
Délibéré après l'audience du 14 mai 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Bouleau, premier vice-président,
- M. Bernier, président assesseur,
- Mme Pena, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 28 mai 2019.
Le rapporteur,
E. PENALe président,
M. BOULEAU
Le greffier,
A. DUCHER
La République mande et ordonne au ministre du travail en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 10PA03855
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N° 17PA03746