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28/05/2019 | FRANCE | N°17PA03495

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 28 mai 2019, 17PA03495


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A...a demandé au tribunal administratif de la Polynésie Française d'annuler la décision du 8 novembre 2016 par laquelle l'inspectrice du travail a autorisé la société par actions simplifiée (SAS) Polyclinique Paofai à le licencier.

Par un jugement n°1700005 du 29 septembre 2017, le tribunal administratif de la Polynésie Française a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 novembre 2017, M. B...A..., représenté par

Me D

...C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de la Polynésie França...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A...a demandé au tribunal administratif de la Polynésie Française d'annuler la décision du 8 novembre 2016 par laquelle l'inspectrice du travail a autorisé la société par actions simplifiée (SAS) Polyclinique Paofai à le licencier.

Par un jugement n°1700005 du 29 septembre 2017, le tribunal administratif de la Polynésie Française a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 novembre 2017, M. B...A..., représenté par

Me D...C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de la Polynésie Française du

29 septembre 2017 ;

2°) d'annuler la décision du 8 novembre 2016 autorisant son licenciement ;

3°) de mettre à la charge de la Polynésie Française la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la motivation de la décision rapporte de manière imprécise les faits qui lui sont reprochés ;

- cette insuffisance de motivation ne pouvait pas être corrigée ou complétée par le tribunal ;

- l'inspectrice du travail s'est méprise sur le sens de l'expression ohipa taioro qui signifie " travail mal fait " et qui est, dès lors, dépourvue de caractère injurieux ou raciste ;

- il n'y a pas eu en l'espèce de récidive et les faits retenus contre lui en février 2016 ne peuvent être invoqués à l'appui de la mesure contestée en vertu de l'article LP 1323-2 du code du travail polynésien.

Par un mémoire en défense enregistré le 11 décembre 2018, la Polynésie Française, représentée par la SELARL Fenu Avocats, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. A...la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision est suffisamment motivée et aisément compréhensible par l'intéressé ;

- taoiro est une injure raciste ;

- la répétition des incidents où se manifestait la grossièreté du requérant pouvait être prise en compte ;

- le licenciement est dépourvu de liens avec les activités syndicales et le mandat de

M.A....

Par un mémoire enregistré le 20 décembre 2018, la société Polyclinique Paofai, représentée par la SELARL MDLC, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. A...la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

La clôture de l'instruction est intervenue le 31 décembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;

- le code du travail de la Polynésie française ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bernier,

- et les conclusions de Mme Delamarre, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article LP 2511-1 du code du travail de la Polynésie Française : " Ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail, le licenciement des salariés suivants:/ 1. délégué syndical ... ". Aux termes de l'article LP. 2511-5 du même code : " L'inspecteur du travail et, le cas échéant, l'autorité compétente pour l'examen du recours hiérarchique examinent notamment si la mesure de licenciement envisagée est en rapport avec le mandat détenu, brigué ou antérieurement exercé par l'intéressé ". L'article A. 2512-1 du même code dispose que la décision de l'inspecteur du travail est motivée.

2. En application des dispositions du code du travail de la Polynésie Française, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.

3. Pour accorder l'autorisation de licenciement demandée par la clinique Paofai, l'inspecteur du travail a considéré qu'en prononçant l'expression " ohira taioro " à l'encontre de M. E...le 26 septembre 2016, M.A..., représentant du syndicat O Ee To Oe Rima, devait être regardé comme ayant eu un comportement injurieux, désordonné et agressif. Il a relevé qu'un comportement similaire avait été reproché à ce salarié en février 2016 et qu'il avait donné lieu à une décision le 6 avril 2016. Il a estimé que les faits étaient suffisamment graves pour justifier un licenciement et que la demande de l'employeur n'était pas en lien avec le mandat détenu par le salarié protégé. Ce faisant, l'inspecteur du travail, qui a précisé la date des faits, l'expression injurieuse, et la personne visée, et justifié l'élément qu'il retenait pour considérer que les faits étaient répétés, a suffisamment motivé sa décision.

4. L'inspecteur du travail a retenu que M. A...avait prononcé à l'encontre de

M. E...l'expression " ohipa taioro ", ce qui est admis par l'intéressé. Si M. A...fait valoir que " ohipa " signifie " travail " et que " taioro " désigne une préparation culinaire locale destinée à relever le goût des poissons et des fruits de mer, et soutient que l'expression, qu'il traduit par " travail bâclé ", n'a rien de péjoratif ni d'injurieux, il ressort des pièces du dossier que " taioro " est également une insulte d'une extrême grossièreté, à forte connotation sexuelle, dont le sens n'échappe à personne sur le territoire et qui est employée par les Polynésiens d'origine à l'encontre des métropolitains. Les pièces du dossier qui rapportent l'altercation excluent l'interprétation anodine que M. A...veut donner à l'expression. Dans ces conditions, le caractère gravement injurieux, à forte connotation raciale, de l'expression, dans le contexte des faits, constitue une faute suffisamment grave pour justifier un licenciement.

5. Si M. A...fait valoir qu'en vertu de l'article LP 1323-1 du code du travail de la Polynésie Française aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, et qu'en vertu de l'article LP 1323-2 du même code aucune sanction antérieure de plus de douze mois ne peut être invoquée à l'appui d'une nouvelle sanction, ces dispositions ne faisaient pas obstacle à ce que l'inspecteur du travail tienne compte des fautes précédemment commises par M. A...pour apprécier si son comportement était de nature à justifier son licenciement. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier, et notamment d'une première décision de refus d'autorisation de licencier prise par l'inspecteur du travail le 6 avril 2016, que M. A...se montre verbalement agressif envers ses collègues. Les faits pris en compte par l'inspecteur du travail pour retenir le caractère répété des fautes de l'intéressé, dont la matérialité n'est pas sérieusement contestée par M.A..., n'ont pas été inexactement qualifiés par l'administration.

6. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Polynésie Française a rejeté sa demande.

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la Polynésie Française, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance la somme que réclame M. A...au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de M. A...la somme de 1 500 euros à verser à la Polynésie Française et la somme de 1 500 euros à verser à la société Clinique Paofai.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : M. A...versera la somme de 1 500 euros à la Polynésie Française et la somme de 1 500 euros à la société Clinique Paofai sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A..., à la Polynésie Française et à la société Clinique Paofai.

Délibéré après l'audience du 14 mai 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Bouleau, premier vice-président,

- M. Bernier, président assesseur,

- Mme Pena, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 28 mai 2019.

Le rapporteur,

Ch. BERNIERLe président,

M. BOULEAULe greffier,

A. DUCHER

La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie Française en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 10PA03855

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N° 17PA03495


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA03495
Date de la décision : 28/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Outre-mer - Droit applicable - Lois et règlements (hors statuts des collectivités) - Collectivités d'outre-mer et Nouvelle-Calédonie - Polynésie française.

Travail et emploi - Licenciements - Autorisation administrative - Salariés protégés - Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation - Licenciement pour faute - Existence d'une faute d'une gravité suffisante.


Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: M. Christian BERNIER
Rapporteur public ?: Mme DELAMARRE
Avocat(s) : JANNOT

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-05-28;17pa03495 ?
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