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28/05/2019 | FRANCE | N°17PA02376

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 28 mai 2019, 17PA02376


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C...a demandé au tribunal administratif de la Polynésie Française d'annuler l'arrêté n° 643 CM du 20 mai 2016 approuvant la révision du plan de prévention des risques naturels de la commune de Punaauia.

Par un jugement n° 1600418 du 11 avril 2017, le tribunal administratif de la Polynésie Française a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 juillet 2017, la Polynésie Française, représentée par la SELARL Fenuavocats, demand

e à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de la Polynésie Française du 11 a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C...a demandé au tribunal administratif de la Polynésie Française d'annuler l'arrêté n° 643 CM du 20 mai 2016 approuvant la révision du plan de prévention des risques naturels de la commune de Punaauia.

Par un jugement n° 1600418 du 11 avril 2017, le tribunal administratif de la Polynésie Française a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 juillet 2017, la Polynésie Française, représentée par la SELARL Fenuavocats, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de la Polynésie Française du 11 avril 2017 ;

2°) de rejeter les demandes de Mme A...C... ;

3°) de mettre à la charge de Mme A...C...la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la distinction des zones rouge et rouge clair résulte d'une analyse du contexte géomorphologique ; les zones rouge clair présentent des configurations particulières permettant raisonnablement d'envisager des mesures de protection lourdes permettant la réalisation de projets d'aménagement pouvant garantir la réalisation de travaux de sécurisation du bassin de risque ;

- en l'espèce, le rapport du BRGM conclut à un faible risque de glissement de terrain, et à la possibilité de réduire le risque fort de chutes de bloc par un reprofilage du terrain ;

- le principe d'inconstructibilité peut être tempéré par des aménagements spécifiques qui tiennent compte des besoins accrus en terrains à bâtir.

Par un mémoire enregistré le 14 janvier 2019, Mme A...C..., représentée par le cabinet Gide Loyrette Nouel conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la Polynésie Française la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le moyen de la requête n'est pas fondé ;

- les études techniques auxquelles se réfère la Polynésie française ne sont pas probantes ;

- la création de la zone rouge clair vise à ouvrir des zones dangereuses à l'urbanisation.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 6 mai 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2 004 ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de l'aménagement de la Polynésie française ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bernier,

- les conclusions de Mme Delamarre, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., représentant MmeC....

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article D. 181-1 du code de l'aménagement de la Polynésie

française : " Les plans de prévention des risques naturels prévisibles (...) sont destinés à délimiter des zones plus particulièrement exposées aux risques naturels prévisibles, tels que les inondations, les mouvements de terrain, les séismes, les éruptions volcaniques, les tempêtes, les cyclones, les raz de marée ou tsunamis. / Ils prévoient également les mesures de prévention à mettre en oeuvre par les particuliers, les collectivités locales et leurs établissements publics afin de délimiter les risques ".

2. Aux termes de l'article D. 181-2 du même code : " Ces plans ont pour objet, en tant que de besoin : / 1° De délimiter les zones exposées aux risques en tenant compte de la nature et de l'intensité du risque encouru, d'y interdire tout type de construction, d'ouvrage, d'aménagement ou d'exploitation agricole, forestière, artisanale, commerciale ou industrielle ou, dans le cas où des constructions, ouvrages, aménagements ou exploitations agricoles, forestières, artisanales, commerciales ou industrielles pourraient y être autorisés, de prescrire les conditions dans lesquelles ils doivent être réalisés, utilisés ou exploités ; / 2° De délimiter les zones qui ne sont pas directement exposées aux risques mais où des constructions, des ouvrages, des aménagements ou des exploitations agricoles, forestières, artisanales, commerciales ou industrielles pourraient aggraver des risques ou en provoquer de nouveaux, et d'y prévoir des mesures d'interdiction ou des prescriptions telles que prévues au 1° du présent article ; / 3° De définir les mesures de prévention et de protection qui doivent être prises dans les zones mentionnées aux 1° et 2° du présent article, par les collectivités publiques dans le cadre de leurs compétences, ainsi que celles qui peuvent incomber aux particuliers ; 4° De définir, dans les zones mentionnées aux 1° et 2° du présent article, les mesures relatives à l'aménagement, l'utilisation ou l'exploitation des constructions, des ouvrages, des espaces mis en culture ou plantés existants à la date de l'approbation du plan, qui doivent être prises par les propriétaires, exploitants ou utilisateurs. (...) ".

3. Aux termes de l'article D. 181-3 de ce code : " Le projet de plan comprend : / 1° Une note de présentation indiquant le secteur géographique concerné, la nature des phénomènes naturels pris en compte et leurs conséquences possibles compte tenu de l'état des connaissances ; / 2° Un ou plusieurs documents graphiques délimitant les zones mentionnées aux 1° et 2° de l'article D.181-2 ; / 3° Un règlement précisant en tant que de besoin : / - les mesures d'interdiction et les prescriptions applicables dans chacune de ces zones en vertu des

1° et 2° de l'article D.181-2 ; / - les mesures de prévention et de protection mentionnées au 3° de l'article D.181-2 et les mesures relatives à l'aménagement, l'utilisation ou l'exploitation des constructions, des ouvrages, des espaces mis en culture ou plantés existants à la date de l'approbation du plan, mentionnées au 4° de l'article D.181-2. Le règlement mentionne, le cas échéant, celles de ces mesures dont la mise en oeuvre est obligatoire et le délai fixé pour leur mise en oeuvre. ".

4. Pour annuler la révision du plan de prévention des risques naturels de la commune de Punaauia, le tribunal administratif de Polynésie Française a considéré que la création d'une nouvelle zone " rouge clair " où l'inconstructibilité pourrait être revue à condition de ne pas aggraver le risque ou la vulnérabilité, sous réserve du respect de prescriptions strictes, définies par des études techniques détaillées dans le règlement, en ce qu'elle faisait prévaloir la réalisation de projets de constructions sur la réalité de l'exposition au risque des terrains d'assiette à leur état naturel, méconnaissait les dispositions des articles D. 181-1 et D. 181-2 du code de l'aménagement de la Polynésie française.

5. Il résulte des dispositions des articles D. 181-1 et D. 181-2 du code de l'aménagement de la Polynésie française que les plans de prévention des risques naturels prévisibles ont pour objet de définir des zones exposées à des risques naturels à l'intérieur desquelles s'appliquent les interdictions, prescriptions et mesures de prévention, protection et sauvegarde qu'ils définissent. Ces dispositions permettent à l'autorité administrative de distinguer dans un secteur exposé à des risques, d'une part des zones où tout type de construction, d'ouvrage, d'aménagement ou d'exploitation est interdit, d'autre part des zones où des constructions, ouvrages, aménagements ou exploitations peuvent néanmoins être autorisés sous réserve que soient respectées les prescriptions du règlement de la zone qui précisent les conditions dans lesquelles les constructions doivent être réalisées. Le classement de terrains par un tel plan a pour objet de déterminer, en fonction de la nature et de l'intensité du risque auquel ces terrains sont exposés, les interdictions et prescriptions nécessaires à titre préventif, notamment pour ne pas aggraver le risque pour les vies humaines.

6. Il ressort des pièces du dossier que plusieurs secteurs de la commune de Punaauia, correspondant à des versants de vallées ou à des fronts de planèze, sont exposés à un aléa élevé de mouvements de terrains et de chute de blocs en raison de la présence de barres rocheuses fracturées et de l'accumulation sur les pentes d'éboulements argileux ou rocheux. Ces événements sont aggravés par les pluies et les activités humaines. Ils sont relativement fréquents et présentent un caractère aléatoire. Dans un passé récent, des constructions situées en bas de pente ont été détruites ou menacées par ces accidents.

7. Alors que les secteurs exposés à un aléa élevé d'éboulement étaient tous classés dans le plan initial dans une " zone rouge ", où les constructions nouvelles et les extensions de plus de 20 m2 étaient en principe interdites, le plan révisé crée une zone " rouge clair ". Cette nouvelle zone " rouge clair " dans laquelle sont inscrites des parcelles soustraites à l'ancienne " zone rouge " est présentée comme " correspondant à un secteur nécessitant une gestion globale de l'aménagement ". Les ouvrages et aménagements, financés sur fonds publics ou privés, destinés à réduire les conséquences du risque des mouvements de terrain par création de terrasses, terrassements et purges y sont autorisés. Les constructions dans cette zone d'aléa élevé sont également permises sous réserve que le bassin de risque ait été préalablement sécurisé par la réalisation des ouvrages et des aménagements destinés à réduire le risque d'éboulement et à la condition qu'aient été respectées des prescriptions visant à diminuer le risque de manière définitive.

8. Il ne ressort pas de l'étude réalisée en 2015 par le bureau de recherches géologiques et minières à l'occasion de la révision du plan, que l'aléa lié aux éboulements et chutes de blocs serait moindre dans la zone classée en zone " rouge clair " qu'il ne l'est en " zone rouge ". L'aléa y est jugé " fort " sans que les experts aient été en mesure, sur la base des données géologiques ou de celles issues de l'expérience, de déterminer une différence objective de degré d'exposition au risque entre les parcelles concernées. Cependant, le bureau de recherches géologiques et minières a relevé que certaines parcelles se prêtaient davantage que d'autres à des aménagements protecteurs.

9. En distinguant d'une " zone rouge " non constructible, une zone " rouge claire " où la constructibilité est subordonnée à la réalisation préalable d'ouvrages destinés à faire disparaitre ou à réduire le risque naturel dans le cadre d'un aménagement global, les auteurs du plan ont déterminé les interdictions et prescriptions associés à la zone " rouge clair " en fonction de la nature et de l'intensité du risque auquel les terrains sont exposés. Les exigences de l'article D. 181-2 du code de l'aménagement de la Polynésie française n'ont donc pas été méconnues sur ce point. Cependant, si ces dispositions ne font pas obstacle à ce que, dans une zone exposée à un aléa élevé où les constructions nouvelles sont interdites, des prescriptions autorisent dans le cadre d'un aménagement global la réalisation d'ouvrages destinés à faire disparaitre ou à réduire le risque naturel en vue d'une urbanisation future, la possibilité d'y construire ne saurait résulter que d'une révision ou d'une adaptation ultérieure du plan après qu'il aura été établi que la réduction de l'intensité du risque permet une urbanisation dans la zone sans danger pour la vie humaine et qu'auront été éventuellement édictées les prescriptions nouvelles adaptées à la situation ainsi créée .

10. En l'espèce, le règlement du plan de prévention des risques naturels de la commune de Punaauia ne subordonne pas l'ouverture à l'urbanisation de zone " rouge clair " à une révision ou à une adaptation du plan mais à la réalisation d'aménagements insuffisamment précisés destinés à réduire les conséquences du risque et une expertise tierce qui n'offre pas des garanties suffisantes. Il y a lieu en conséquence d'annuler les dispositions du dernier paragraphe du point 1.1.2 du règlement du plan de prévention des risques naturels de la commune de Punaauia " Aléas mouvements de terrains. Zone rouge clair ", qui sont divisibles du reste, qui prévoient qu'y est autorisée " toute nouvelle construction ou aménagement, sous réserve de la réalisation de l'ensemble des prescriptions ayant pour objet la sécurisation du bassin de risque et de l'avis favorable de la tierce expertise réalisée par le service de l'urbanisme confirmant la réduction du niveau d'aléa ".

11. Enfin, aucun des autres moyens soulevés par Mme C...n'est susceptible d'entrainer l'annulation totale du plan de prévention des risques naturels de la commune de Punaauia.

12. Il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de Mme C...les sommes que lui réclame la Polynésie Française au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions que Mme C...présente à ce titre.

DECIDE :

Article 1er : Le dernier paragraphe du point 1.1.2 du règlement du plan de prévention des risques naturels de la commune de Punaauia " Aléas mouvements de terrains. Zone rouge clair ", est annulé.

Article 2 : Les conclusions de La Polynésie Française et celles de Mme C...présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Polynésie française et à Mme A...C.... Copie en sera adressée pour information au haut-commissaire de la République en Polynésie française.

Délibéré après l'audience du 14 mai 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Bouleau, premier vice-président,

- M. Bernier, président assesseur,

- Mme Pena, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 28 mai 2019.

Le rapporteur,

Ch. BERNIERLe président,

M. BOULEAU

Le greffier,

A. DUCHER

La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie Française en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 10PA03855

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N° 17PA02376


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA02376
Date de la décision : 28/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

68-01 Urbanisme et aménagement du territoire. Plans d'aménagement et d'urbanisme.


Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: M. Christian BERNIER
Rapporteur public ?: Mme DELAMARRE
Avocat(s) : DUBOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-05-28;17pa02376 ?
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