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23/05/2019 | FRANCE | N°18PA01034

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 23 mai 2019, 18PA01034


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le Fonds pour le développement durable de la pêche a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les décisions du 21 décembre 2015 et du 18 janvier 2016 par lesquelles le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie a prononcé la déchéance des droits portant, en dernier lieu, sur la somme de 2 098 619,67 euros dont 419 723,93 euros au titre du Fonds européen de la pêche et 1 678 895,74 euros au titre des crédits de l'État.

Par un jugement n° 1602789 du 25 janvier

2018, le tribunal administratif de Paris a annulé les décisions ministérielles attaq...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le Fonds pour le développement durable de la pêche a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les décisions du 21 décembre 2015 et du 18 janvier 2016 par lesquelles le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie a prononcé la déchéance des droits portant, en dernier lieu, sur la somme de 2 098 619,67 euros dont 419 723,93 euros au titre du Fonds européen de la pêche et 1 678 895,74 euros au titre des crédits de l'État.

Par un jugement n° 1602789 du 25 janvier 2018, le tribunal administratif de Paris a annulé les décisions ministérielles attaquées.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 26 mars 2018 et un mémoire complémentaire enregistré le 27 avril 2018, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1602789 du 25 janvier 2018 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande du Fonds pour le développement durable de la pêche présentée devant le tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- les décisions litigieuses étaient suffisamment motivées en droit et en fait ;

- ces décisions ne sont pas entachées d'erreur de droit car il était tenu d'entamer une procédure de recouvrement des aides après que la commission interministérielle de coordination des contrôles a constaté leur irrégularité.

Par un mémoire en défense enregistré le 31 octobre 2018, le Fonds pour le développement durable de la pêche et Me D...C..., son liquidateur judiciaire, représentés par

MeA..., concluent à titre principal au rejet de la requête, à titre subsidiaire à ce que la Cour condamne l'Etat à verser au Fonds une indemnité égale au montant des sommes en litige et en tout état de cause à ce qu'il soit mis la somme de 4 000 euros à la charge de l'État en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir que :

- les décisions litigieuses sont insuffisamment motivées ;

- elles ont été illégalement prises, dès lors que le délai de prescription de quatre ans prévu par le droit de l'Union européenne ou celui de cinq ans prévu par l'article 2220 du code civil était expiré ;

- l'administration ne saurait exciper de sa propre faute ;

- le bénéficiaire des subventions a rempli ses obligations ;

- l'avenant n°3 à la convention de 2009 n'est pas irrégulier, dès lors qu'aucune disposition du droit de l'Union européenne n'interdit l'introduction de nouvelles mesures visant à réaliser le projet ni ne prescrit que les fonds alloués sont fixes et non révisables ;

- la récupération des sommes en cause se heurte à une impossibilité pratique, faute pour lui de disposer d'une trésorerie propre ;

- si la Cour estimait que le remboursement est dû au fait de l'illégalité du versement de l'aide, elle devrait condamner l'Etat pour faute.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le traité sur l'Union européenne et le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le règlement (CE, Euratom) n° 2988/95 du Conseil du 18 décembre 1995 relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes ;

- le règlement (CE) n° 1198/2006 du Conseil du 27 juillet 2006 relatif au Fonds européen pour la pêche ;

- le règlement (CE) n° 498/2007 de la Commission du 26 mars 2007 portant modalités d'exécution du règlement européen n° 1198/2006 relatif au Fonds européen pour la pêche ;

- le code civil ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 96-314 du 12 avril 1996 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, notamment son article 43 ;

- la loi n° 2002-1576 du 30 décembre 2002 de finances rectificative pour 2002, notamment son article 60 ;

- la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile ;

- le décret n° 2008-548 du 11 juin 2008 relatif à la commission interministérielle de coordination des contrôles - autorité d'audit pour les fonds européens en France ;

- le décret n° 2008-1088 du 23 octobre 2008 fixant les règles nationales d'éligibilité des dépenses du programme cofinancé par le Fonds européen de la pêche pour la période 2007-2013 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Diémert,

- les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le Fonds pour le développement durable de la pêche, syndicat professionnel d'entrepreneurs de pêche, a conclu, le 31 juillet 2009, avec le ministère de l'agriculture et de la pêche, une convention de subvention au titre du Fonds européen pour la pêche pour la mise en oeuvre de cinq mesures dits " contrats bleus ". Ces mesures concernaient certains navires adhérents du fonds bénéficiaire, à savoir les chalutiers Atlantique, les chalutiers hauturiers Manche et les langoustiniers Atlantique. Cette convention prévoyait, pour un montant total du projet de

953 074 euros, l'octroi d'une subvention au titre du Fonds européen pour la pêche à hauteur de 190 614,80 euros et l'octroi d'une subvention de l'État de 762 459,20 euros. Par un avenant n° 3 conclu le 8 février 2010, l'objet de cette convention a été étendu à l'ensemble des navires adhérents du Fonds pour le développement durable de la pêche, tandis que le montant des subventions accordées était porté à une somme de 6 888 208 euros au titre de l'État et à une somme de 1 722 052 euros au titre du Fonds européen pour la pêche. Un avenant n° 6 à la convention, conclu le 28 septembre 2012, fixe la liste définitive des navires bénéficiaires de l'opération. À la suite du rapport de contrôle provisoire établi le 1er juillet 2014 par la Commission interministérielle de coordination des contrôles, et des observations du bénéficiaire, le directeur des pêches maritimes et de l'aquaculture, placé sous l'autorité du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, a prononcé, le 21 décembre 2015, la déchéance des droits du Fonds de développement durable de la pêche pour un montant à rembourser de 2 099 848,25 euros dont 419 969,65 euros pour le Fonds européen pour la pêche et 1 679 878,60 euros pour l'État. Par une décision du

18 janvier 2016, le ministre a rectifié ces sommes en abaissant leur montant total à

2 098 619,67 euros dont 419 723,93 euros pour le Fonds européen pour la pêche et

1 678 895,74 euros pour l'État. Le Fonds pour le développement durable de la pêche ayant demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler ces deux décisions, cette juridiction a fait droit à sa demande par un jugement du 25 janvier 2018 dont le ministre de l'agriculture et de l'alimentation relève appel devant la Cour.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Contrairement à ce que soutient le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, les premiers juges ont suffisamment motivé leur jugement en relevant que le ministre, alors même qu'il invoquait l'article 1er du règlement (CE, Euratom) n° 2988/95, qui se borne à définir de façon générale ce que le droit communautaire considère comme une irrégularité, n'indiquait pas de façon précise les textes justifiant en l'espèce la décision de déchéance de droits. La critique du jugement sur ce point conduit en réalité, en l'espèce et eu égard à sa rédaction, à remettre en cause son bien-fondé. Le moyen doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué et la légalité des décisions ministérielles litigieuses :

En ce qui concerne la motivation des décisions litigieuses :

3. L'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, qui se substitue à compter du 1er janvier 2016 aux dispositions similaires de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs, dispose : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / (...) 3° Subordonnent l'octroi d'une autorisation à des conditions restrictives ou imposent des sujétions ; / 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droit (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code, qui se substitue à l'article 3 de la même loi : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

4. La décision par laquelle l'autorité administrative compétente impose au bénéficiaire d'une aide régie par un texte de l'Union européenne de reverser les montants d'aide indûment perçus et notifie à celui-ci qu'elle procède à la récupération de l'aide par compensation avec le montant d'une autre aide, par la mise en jeu d'une garantie constituée en vue du versement de l'aide ou par tout autre moyen a le caractère d'une décision défavorable retirant une décision créatrice de droits au sens des dispositions précitées de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, en tant qu'elle retire une aide financière qui avait été précédemment octroyée à son bénéficiaire, et d'une décision imposant une sujétion, au sens des mêmes dispositions, en tant qu'elle assujettit l'opérateur économique concerné, selon des modalités qu'elle définit, à l'obligation de reverser l'aide indue. Ainsi, une telle décision doit être motivée. Ces dispositions, qui constituent une garantie pour le bénéficiaire de l'aide, trouvent à s'appliquer de manière identique à la récupération d'aides indûment versées sur le fondement de dispositions du droit national ; elles n'ont pas pour effet de rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile la récupération des sommes octroyées, dès lors qu'il appartient à l'administration de veiller au respect de la procédure qu'elles instituent et qu'il est loisible à celle-ci, en cas d'annulation d'une décision de reversement irrégulière, de prendre une nouvelle décision, sous réserve du respect des règles de prescription applicables.

5. Pour prendre à l'encontre du Fonds pour le développement durable de la pêche la décision litigieuse du 21 décembre 2015, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle était accompagnée des conclusions du rapport de contrôle de la Commission interministérielle de coordination des contrôles, lequel ne comporte en tout état de cause l'exposé d'aucune motivation d'ordre juridique en dehors du rappel de quelques principes présentés comme de bonne administration, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie a considéré que l'avenant n° 3 du 3 février 2010 à la convention du 31 juillet 2009 était irrégulier en qu'il introduisait de nouvelles mesures et augmentait le montant de l'aide initialement prévue, que les dépenses correspondant à trois mesures introduites par " cet avenant du 19 octobre 2012 " étaient irrégulières et que les indemnités navires et les frais d'administration devaient être plafonnés aux montants d'aide prévus dans la convention du 31 juillet 2009. Toutefois, si le ministre indique, dans son mémoire en défense présenté devant le tribunal administratif comme dans sa requête devant la Cour, que les avenants en cause ne pouvaient être conclus après la date d'expiration de la convention le 31 décembre 2009, les motifs de la décision, qui se bornent à constater sans autre explication l'irrégularité de ces avenants sans préciser la nature des nouvelles mesures introduites ni le montant des dépenses correspondant à ces mesures, ne permettent pas à son destinataire de comprendre les motifs de droit et de fait justifiant la déchéance de droits prise à son encontre. En outre, la décision litigieuse ne précise pas quelles sommes correspondant à " trois factures présentées au titre des frais d'administration et de contrôle ", ont été retirées des montants validés en raison de leur irrégularité. La décision du 18 janvier 2016 se borne quant à elle à rectifier les montants devant être reversés par le Fonds pour le développement durable de la pêche " suite à une erreur figurant dans la décision de déchéance de droit du 21 décembre 2015 ". Dans ces conditions, le ministre n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont accueilli le moyen du Fonds requérant tiré de ce que les décisions de déchéance de droits du 21 décembre 2015 et du 18 janvier 2016 ne respectent pas les exigences de motivation posées par les dispositions précitées de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.

En ce qui concerne l'erreur de droit affectant les décisions litigieuses :

6. Les modalités de récupération d'une aide indûment versée sur le fondement d'un texte de l'Union européenne sont soumises aux règles de droit national, sous réserve que l'application de ces règles se fasse de façon non discriminatoire au regard des procédures visant à trancher des litiges nationaux du même type et qu'elle ne porte pas atteinte à l'application et à l'efficacité du droit de l'Union ou n'ait pas pour effet de rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile la récupération des sommes octroyées. En particulier, le droit de l'Union ne s'oppose pas à ce qu'une législation nationale exclue la répétition d'une aide indûment versée en prenant en compte des critères tels que la protection de la confiance légitime, la disparition de l'enrichissement sans cause, l'écoulement d'un délai ou un comportement de l'administration elle-même, que celle-ci est en mesure d'éviter. Il appartient en tout état de cause au juge national d'apprécier si, pour le règlement du litige qui lui est soumis, la règle de droit national doit être écartée ou interprétée, afin que la pleine efficacité du droit de l'Union soit assurée.

7. D'une part, aux termes de l'article 70 du règlement n° 1198/2006 du 27 juillet 2006 relatif au Fonds européen pour la pêche : " 1. Les États membres assument la responsabilité de la gestion et du contrôle des programmes opérationnels, en particulier au travers des mesures suivantes: / a) ils s'assurent que les systèmes de gestion et de contrôle du programme opérationnel sont établis conformément aux articles 57 à 61, et qu'ils fonctionnent efficacement ; / b) ils préviennent, détectent et corrigent les irrégularités et recouvrent les sommes indûment payées, le cas échéant augmentées d'intérêts de retard. Ils les notifient à la Commission et tiennent celle-ci informée de l'évolution des procédures administratives et judiciaires. / 2. Lorsque des montants indûment payés à un bénéficiaire ne peuvent pas être recouvrés, l'État membre est responsable du remboursement des montants perdus au budget général de l'Union européenne, lorsqu'il est établi que la perte résulte de sa propre faute ou de sa négligence ". Aux termes de l'article 96 de ce même règlement : " 1. Il incombe en premier lieu aux États membres de rechercher les irrégularités, d'agir lorsque est constaté un changement important affectant la nature ou les conditions de mise en oeuvre ou de contrôle des opérations ou du programme opérationnel, et de procéder aux corrections financières nécessaires. / 2. L'État membre procède aux corrections financières requises en rapport avec les irrégularités individuelles ou systémiques détectées dans les opérations ou le programme opérationnel. Les corrections auxquelles il procède consistent à annuler tout ou partie de la participation publique pour le programme opérationnel. L'État membre tient compte de la nature et de la gravité des irrégularités et de la perte financière qui en résulte pour le FEP ".

8. D'autre part, aux termes de l'article 55 du même règlement : " Une dépense est éligible à une contribution du FEP si elle a été effectivement payée par les bénéficiaires entre la date à laquelle le programme opérationnel a été soumis à la Commission (...) et le 31 décembre 2015. Les opérations cofinancées ne doivent pas être achevées avant la date à laquelle commence l'éligibilité (...) Les règles d'éligibilité des dépenses sont établies au niveau national sous réserve des exceptions prévues dans le présent règlement. Elles couvrent l'ensemble des dépenses déclarées au titre du programme opérationnel ". L'article 1er du décret n° 2008-1088 du

23 octobre 2008 fixant les règles nationales d'éligibilité des dépenses du programme cofinancé par le Fonds européen de la pêche pour la période 2007-2013 dispose : " Une dépense est éligible à une contribution du Fonds européen pour la pêche si elle a été effectivement payée entre le 1er janvier 2007 et le 31 décembre 2015 et inscrite à une opération définie dans le programme opérationnel du Fonds européen pour la pêche au titre duquel un concours financier de l'Union européenne est attendu, sous réserve que l'opération concernée ne soit pas terminée à la date de dépôt du dossier de demande d'aide figurant dans l'accusé de réception(...) ".

9. Il ressort des pièces du dossier et, en particulier du certificat administratif établi le

17 mars 2010 par le ministère de l'agriculture et de la pêche, que, pour l'attribution de l'enveloppe définie au titre du Fonds européen pour la pêche en 2009, le ministre compétent avait défini deux phases distinctes.

10. La première phase concernait les projets déposés avant le 23 février 2009 sur la base des mesures validées par la Commission européenne en 2008 et qui devaient bénéficier de

20 % de l'enveloppe des aides prévues pour l'année 2009. Dans ce cadre, l'État a conclu, le

31 juillet 2009, une convention avec le Fonds pour le développement durable de la pêche par laquelle il s'est engagé à mettre en oeuvre cinq " contrats bleus " pour les chalutiers Atlantique, les chalutiers hauturiers Manche et les langoustiniers Atlantique adhérents à ce Fonds en contrepartie d'une aide de 953 074 euros dont 762 459,20 euros étaient imputés sur le budget de l'État et 190 614,80 euros sur celui du fonds européen pour la pêche. Aux termes de l'article 3 de cette convention, le bénéficiaire s'engageait à réaliser l'opération en cause entre le 1er janvier et le 31 décembre 2009. L'article 4 de la même convention précise que les dépenses éligibles sont celles qui sont effectuées pour la réalisation du projet à compter du 1er janvier 2009 jusqu'au

31 décembre 2009, la demande de paiement du solde de la subvention devant intervenir avant le 30 avril 2010 conformément aux stipulations de l'article 6 de la convention. L'article 10 de cette convention indique que les sommes versées peuvent faire l'objet d'un ordre de reversement en cas de non-exécution totale ou partielle de l'opération, d'utilisation des fonds non conforme à l'objet de la convention ou de refus du bénéficiaire de se soumettre aux opérations de contrôle.

11. La seconde phase concernait les projets déposés avant le 31 mars 2009 sur la base de mesures validées par la Commission européenne en 2009, auxquels devaient être affectés les

80 % de l'enveloppe définie au titre du fonds européen pour la pêche. Les conventions de seconde phase devaient non seulement porter sur les mêmes mesures que celles de première phase pour d'autres navires mais également sur des mesures complémentaires pour les navires inclus dans la première phase. Pour cette seconde phase, le ministre a pris la décision de conclure, le

3 février 2010, un avenant n° 3 à la convention du 31 juillet 2009 signée avec le Fonds pour le développement durable de la pêche, avenant qui avait pour objet, notamment, d'étendre la convention initiale aux chalutiers dragueurs côtiers de l'Atlantique, aux chalutiers dragueurs côtiers de la Manche, aux fileyeurs de l'Atlantique et aux ligneurs canneurs caseyeurs de l'Atlantique et de porter le montant de l'aide nationale à 6 888 208 euros et celui de l'aide européenne à 1 722 052 euros. Cet avenant, selon le certificat administratif du 17 mars 2010, n'a pu être conclu avant la fin de l'année 2009 eu égard aux délais de consultation de la commission nationale de programmation du Fonds européen de la pêche et à la validation des engagements comptables nécessaires.

12. Le ministre de l'agriculture et de l'alimentation soutient que la modification rétroactive de la convention de subvention par l'avenant du 3 février 2010 était irrégulière. Toutefois, il n'invoque la méconnaissance d'aucune disposition précise des textes régissant le fonds européen pour la pêche, non plus que d'aucun principe de droit communautaire ou de droit interne, qui interdirait l'introduction, en cours d'exécution d'une convention liant l'État à une personne privée en vue de l'attribution d'une aide publique, de nouvelles mesures visant à réaliser le projet, ou qui prescrirait que le montant des fonds alloués est définitivement fixé et insusceptible de toute révision ultérieure. Le ministre n'établit pas non plus que les dépenses rendues éligibles par l'avenant du 3 février 2010 ne concernaient pas des opérations ou des mesures mises en oeuvre entre le 1er janvier et le 31 décembre 2009, ni que la signature de l'avenant aurait eu pour effet de valider rétroactivement des irrégularités commises par le bénéficiaire de la subvention, telles que le non-respect de ses obligations au titre de la convention initiale ou l'utilisation des fonds de manière non conforme aux stipulations de cette convention.

13. Par ailleurs, le ministre se fonde sur le rapport de la commission interministérielle de coordination des contrôles, instituée par l'article 60 de la loi du 30 décembre 2002 de finances rectificative pour 2002 aux fins d'exercer des contrôles portant sur les opérations cofinancées par des fonds européens, pour soutenir qu'il était tenu, dès lors que ce rapport avait constaté des irrégularités, de prendre la décision de récupérer les sommes regardées comme indument versées. Toutefois, il ne ressort pas de ce texte ou d'autres dispositions régissant cette commission que les ministres seraient tenus d'en suivre les avis et d'en mettre en oeuvre les préconisations, ni qu'ils ne disposeraient d'aucun pouvoir d'appréciation quant au choix d'ordonner, ou non, la répétition des sommes qu'elle estimerait irrégulièrement perçues. Au cas d'espèce, et comme il a déjà été dit au point 5, la synthèse du rapport de la commission, jointe au dossier, expose, d'ailleurs en des termes peu compréhensibles, des principes présentés comme de bonne administration ou de bonne gestion, qui ne reposent toutefois sur aucun fondement juridique explicite ni même sur un raisonnement juridique élaboré. En outre, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation ne produit pas davantage en appel qu'en première instance des arguments de droit tendant à démontrer, autrement que par l'affirmation réitérée selon laquelle il était tenu de mettre fin aux irrégularités alléguées, l'illégalité de l'avenant n° 3 à la convention du 31 juillet 2009 signée avec le Fonds pour le développement durable de la pêche, alors même que cette illégalité ne revêt aucun caractère manifeste.

14. Dans ces conditions, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont censuré les décisions litigieuses pour erreur de droit.

15. Il résulte de tout ce qui précède que le recours du ministre de l'agriculture et de l'alimentation doit être rejeté.

16. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'État, partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du ministre de l'agriculture et de l'alimentation est rejetée.

Article 2 : L'État (ministère de l'agriculture et de l'alimentation) versera au Fonds pour le développement durable de la pêche une somme de 1 500 euros en application de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'agriculture et de l'alimentation et au Fonds pour le développement durable de la pêche.

Délibéré après l'audience du 9 mai 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme Pellissier, présidente de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- M. Legeai, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 23 mai 2019.

Le rapporteur,

S. DIÉMERTLa présidente,

S. PELLISSIERLe greffier,

M. B...

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de l'alimentation en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18PA01034


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18PA01034
Date de la décision : 23/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

15-08 Communautés européennes et Union européenne. Litiges relatifs au versement d`aides de l'Union européenne.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: M. Stéphane DIEMERT
Rapporteur public ?: Mme ORIOL
Avocat(s) : SELARL DELSOL AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-05-23;18pa01034 ?
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