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14/05/2019 | FRANCE | N°18PA03715

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 14 mai 2019, 18PA03715


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 21 juin 2017 par laquelle le préfet de police a rejeté sa demande de renouvellement de la carte d'identité de son fils mineur, H...F....

Par un jugement n° 1713245/6 du 25 septembre 2018, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 28 novembre 2018, Mme A..., représentée par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le ju

gement du 25 septembre 2018 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision du 21 j...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 21 juin 2017 par laquelle le préfet de police a rejeté sa demande de renouvellement de la carte d'identité de son fils mineur, H...F....

Par un jugement n° 1713245/6 du 25 septembre 2018, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 28 novembre 2018, Mme A..., représentée par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 25 septembre 2018 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision du 21 juin 2017 par laquelle le préfet de police a rejeté sa demande de renouvellement de la carte d'identité de son fils mineur, H...F... ;

3°) d'enjoindre au préfet de police, à titre principal, de délivrer la carte nationale d'identité sollicitée dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer la situation dans le délai de trois mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un vice de procédure car l'autorité préfectorale n'a pas apporté la preuve du caractère frauduleux de la reconnaissance de paternité ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen complet de la situation ;

- elle est fondée sur une erreur de fait :

- elle est entachée d'erreur d'appréciation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense enregistré le 3 janvier 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme A...ne sont pas fondés.

Par une décision du 30 avril 2019, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris a rejeté pour caducité la demande d'aide juridictionnelle présentée par Mme A...C....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le décret n° 55-1397 du 22 octobre 1955 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Legeai,

- et les conclusions de Mme Nguyên Duy, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A...a sollicité en novembre 2014 le remplacement de la carte nationale d'identité, déclarée perdue, délivrée en septembre 2009 à son fils, H...F..., né le 21 juin 2009 en France et reconnu par M. G... F..., ressortissant français. Par décision du 21 juin 2017, le préfet de police a rejeté sa demande au motif que la reconnaissance de paternité était frauduleuse et que la réalité du lien de filiation et donc la nationalité française de l'enfant n'étaient pas établies. Mme A... fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 21 juin 2017.

2. En premier lieu, l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration dispose : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent (...) ". L'article 2 du décret du 22 octobre 1955 instituant la carte nationale d'identité dispose : " La carte nationale d'identité est délivrée sans condition d'âge à tout Français qui en fait la demande (...) ". L'article 4-1 du même texte prévoit que, en cas de demande de renouvellement, le demandeur produit son ancien titre ou son passeport, " sans préjudice, le cas échéant, de la vérification des informations produites à l'appui de la demande de cet ancien titre ".

3. D'une part, la décision attaquée du 21 juin 2017 indique que l'article 4 du décret du 22 octobre 1955 lui permet de vérifier, à l'occasion de la demande de renouvellement de titre, que les informations et pièces produites sont de nature à établir l'identité et la nationalité du demandeur. Malgré l'erreur commise sur l'article applicable, puisque l'article 4 du décret concerne la première délivrance et non le renouvellement de la carte nationale d'identité, la décision est suffisamment motivée en droit. D'autre part, cette décision indique que, par un jugement du 14 janvier 2015, le tribunal de grande instance de Paris a condamné M. G... F..., père déclaré de l'enfant de MmeA..., pour des faits d'aide à l'entrée, à la circulation ou au séjour irrégulier d'un étranger en France et d'obtention frauduleuse de documents administratifs entre le 12 février 2008 et le 19 mars 2014, en se livrant à la reconnaissance frauduleuse de plusieurs enfants en l'absence de toute paternité aux seules fins de faire obtenir un titre de séjour aux mères ou la nationalité française aux enfants. La décision en cause mentionne en outre que Mme A...est citée dans ce jugement comme une personne ayant eu recours à une fausse déclaration de reconnaissance de paternité. Elle relève que Mme A...n'a pas complété sa demande de renouvellement du titre d'identité de son fils mineur, comme elle y avait été invitée, en produisant des documents démontrant la paternité de M. F... et qu'ainsi le préfet de police considérait la reconnaissance de paternité comme frauduleuse, si bien que la réalité du lien de filiation et la nationalité française de l'enfant n'étaient pas établies. Dès lors, la décision attaquée comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation doit être écarté.

4. En deuxième lieu, le préfet de police, qui avait averti Mme A..., par courrier du 28 décembre 2016, des doutes existant sur la filiation paternelle de son fils, n'était pas tenu de lui communiquer, avant de prendre sa décision, l'ensemble des pièces sur lesquelles il se fondait pour estimer la reconnaissance de paternité frauduleuse. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure ne peut qu'être écarté.

5. En troisième lieu, si Mme A...soutient qu'elle avait produit avant la décision attaquée, qui n'en fait pas mention, des pièces démontrant qu'elle avait entrepris des actions à l'encontre du père de son enfant afin d'obtenir sa participation aux frais d'éducation et d'entretien de celui-ci, elle ne le démontre nullement. Le moyen tiré d'un défaut d'examen complet de la situation doit être écarté.

6. En quatrième lieu, l'article 18 du code civil dispose : " Est français l'enfant dont l'un des parents au moins est français. ". Pour l'application des dispositions, citées au point 2, du décret du 22 octobre 1955 instituant la carte nationale d'identité, il appartient aux autorités administratives de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que les pièces produites à l'appui d'une demande de passeport ou de carte nationale d'identité sont de nature à établir l'identité et la nationalité du demandeur. Seul un doute suffisant sur l'identité ou la nationalité de l'intéressé peut justifier le refus de délivrance ou de renouvellement du titre demandé. Dans ce cadre, si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation et, le cas échéant, en tant qu'elle permet l'acquisition par l'enfant de la nationalité française, et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi, lors de l'examen d'une demande de titre, qu'une reconnaissance de paternité a été souscrite frauduleusement, de faire échec à cette fraude et de refuser, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la délivrance du titre sollicité.

7. Il est constant que M. F..., père du fils de Mme A... qu'il a reconnu deux mois avant sa naissance, n'a jamais participé à l'entretien ou à l'éducation de celui-ci. Si Mme A... allègue avoir saisi le juge aux affaires familiales pour le contraindre à assurer ses obligations parentales, mais qu'il serait dans l'incapacité d'y contribuer, malgré des saisies sur ses comptes bancaires, elle ne l'établit pas par les pièces du dossier. En revanche, il ressort notamment du jugement du 14 janvier 2015 du tribunal de grande instance de Paris que M. G... F..., père déclaré de l'enfant de MmeA..., a été condamné à un emprisonnement délictuel de douze mois avec sursis pour des faits d'aide à l'entrée, à la circulation ou au séjour irrégulier d'un étranger en France ou dans un Etat partie à la convention de Schengen, en bande organisée, commis entre le 12 février 2008 et le 19 mars 2014. M. F...a été renvoyé devant le tribunal correctionnel pour avoir, en se livrant à des reconnaissances frauduleuses d'enfants, facilité l'entrée, la circulation ou le séjour irréguliers en France, notamment, de Mme C...A.... Il ressort des motifs de ce jugement qu'au cours de ses auditions par le juge d'instruction, l'intéressé, sans exclure être le père biologique de certains enfants, a déclaré avoir reconnu frauduleusement au moins neuf enfants contre le versement d'une somme allant de 200 à 300 euros. Par suite, le préfet de police a pu, sans erreur d'appréciation, estimer qu'il existait un doute suffisant sur la réalité de la filiation de H...F..., et partant sur sa nationalité française, et lui refuser, pour ce motif, le renouvellement de sa carte nationale d'identité.

8. En cinquième lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Mme A...fait valoir qu'elle est entrée en France depuis 2005, est la mère de trois enfants nés en France, et que le non renouvellement du titre d'identité demandé ne permet pas à son fils H...F...de voyager à l'étranger, notamment, dans un cadre scolaire, ou encore de partir en vacances au Nigéria dans le pays d'origine de sa mère. Toutefois, au regard des buts poursuivis par la décision attaquée, ces circonstances sont insuffisantes pour établir une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale des intéressés. Pour les mêmes motifs, Mme A... n'établit pas que la décision attaquée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et celle de son enfant. Par suite, ces moyens doivent être écartés.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Sa requête d'appel ne peut qu'être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles aux fins d'injonction et d'astreinte et celles tendant à ce que l'Etat supporte, sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, les frais de procédure que Mme A...aurait exposés si elle n'avait été bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 24 janvier 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme Pellissier, présidente de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- M. Legeai, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 14 mai 2019.

Le rapporteur,

A. LEGEAI La présidente,

S. PELLISSIER Le greffier,

M.E...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18PA03715


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18PA03715
Date de la décision : 14/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: M. Alain LEGEAI
Rapporteur public ?: Mme NGUYÊN-DUY
Avocat(s) : KANZA

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-05-14;18pa03715 ?
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