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13/05/2019 | FRANCE | N°18PA03558

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 13 mai 2019, 18PA03558


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 14 mai 2018 par lequel le préfet de police de Paris a décidé de procéder à son transfert aux autorités italiennes.

Par un jugement n° 1807840/8 du 29 juin 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des pièces complémentaires, enregistrées le 14 novembre 2018 et le

18 janvier 2019, M.B..., représenté par Me Partouche-Kohana, demand

e à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 14 mai 2018 par lequel le préfet de police de Paris a décidé de procéder à son transfert aux autorités italiennes.

Par un jugement n° 1807840/8 du 29 juin 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des pièces complémentaires, enregistrées le 14 novembre 2018 et le

18 janvier 2019, M.B..., représenté par Me Partouche-Kohana, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris n° 1807840/8 du 29 juin 2018 rejetant sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 14 mai 2018 portant transfert aux autorités italiennes ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de police, à titre principal, d'enregistrer sa demande d'asile dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de quinze jours sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il est insuffisamment motivé ;

- l'arrêté contesté méconnaît les dispositions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il n'a pas bénéficié d'un entretien individuel adéquat ;

- sa situation n'a pas été examinée ;

- l'arrêté est insuffisamment motivé ;

- il méconnaît l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- il méconnaît l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- il méconnaît l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 janvier 2019, le préfet de police, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B...ne sont pas fondés.

M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 28 septembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013,

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013,

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991,

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

- le code des relations entre le public et l'administration,

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Even,

- et les observations de Me Partouche-Kohana, avocat de M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M.B..., ressortissant malien, né le 7 juin 1991, entré en France le 5 mai 2017 selon ses déclarations, s'est présenté le 5 mars 2018 à la préfecture de police afin d'y déposer une demande d'asile. Le relevé de ses empreintes digitales et la consultation du fichier " Eurodac " ayant révélé qu'il avait été enregistré en Italie le 4 janvier 2017 lors de l'introduction d'une précédente demande d'asile, le préfet de police a saisi les autorités italiennes d'une demande de transfert le 8 mars 2018, lesquelles l'ont acceptée implicitement le 23 mars 2018. Le préfet a en conséquence, par un arrêté du 14 mai 2018, décidé de transférer l'intéressé aux autorités italiennes. M. B...fait appel du jugement du 29 juin 2018 par lequel le magistrat désigné du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative, " Les jugements sont motivés ". Il ressort des termes du jugement dont il est fait appel, que le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a suffisamment répondu à l'ensemble des moyens qui lui ont été soumis par M.B.... Par suite, le moyen tiré de ce que ce jugement méconnaîtrait l'article L. 9 du code de justice administrative doit être écarté.

Sur la légalité de l'arrêté contesté :

3. En premier lieu, il résulte de l'examen de la demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif qu'il n'avait soulevé que des moyens tirés de la légalité interne de l'arrêté contesté du 14 mai 2018. Par suite, s'il invoque en appel l'absence d'entretien individuel adéquat, le défaut d'examen de sa situation, et l'insuffisance de motivation de l'arrêté attaqué, ces moyens de légalité externe, qui procèdent d'une cause juridique différente de celle des moyens soulevés en première instance dans le délai de recours pour excès de pouvoir et ne sont pas d'ordre public, sont, par suite, irrecevables.

4. En second lieu, aux termes du deuxième alinéa de l'article 3 du règlement du Parlement européen et du Conseil n° 604/2013 du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable. Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un Etat membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier Etat membre auprès duquel la demande a été introduite, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable devient l'Etat membre responsable ". Ainsi que l'a jugé la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt du 16 février 2017, affaire n° C-578/16 PPU : " L'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne doit être interprété en ce sens que : même en l'absence de raisons sérieuses de croire à l'existence de défaillances systémiques dans l'Etat membre responsable de l'examen de la demande d'asile, le transfert d'un demandeur d'asile dans le cadre du règlement n° 604/2013 ne peut être opéré que dans des conditions excluant que ce transfert entraîne un risque réel et avéré que l'intéressé subisse des traitements inhumains ou dégradants, au sens de cet article ".

5. L'Italie est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Si M. B...invoque les conditions générales d'accueil défaillantes et dissuasives des demandeurs d'asile en Italie, il n'établit nullement qu'il serait personnellement exposé à un risque sérieux de traitement inhumains ou dégradants, et de ne pas être traité par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Dès lors, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet a méconnu le deuxième alinéa de l'article 3 du règlement précité et l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

6. En troisième lieu, aux termes du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; la carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit à " A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". M. B...qui ne sollicite pas la délivrance d'un titre de séjour ne peut utilement invoquer la méconnaissance de ces dispositions.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. Si M. B...soutient qu'il souffre d'une hépatite B en produisant les résultats d'une analyse médicale postérieure à la date de l'arrêté, il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant ne pourrait pas bénéficier d'une prise en charge médicale en Italie, ni que son état de santé ne lui permettrait pas de voyager vers ce pays et qu'une remise aux autorités italiennes chargées d'examiner sa demande d'asile présenterait un risque avéré de détérioration de son état de santé. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que M.B..., qui déclare être entré en France le

5 mai 2017, est célibataire et sans charge de famille sur le territoire. Par suite, le préfet n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et ne méconnaît donc pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. L'arrêté n'est pas davantage entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.

9. Enfin, si M. B...invoque la méconnaissance de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il n'a pas été informé de son droit d'avertir ou de faire avertir son consulat lors de la notification de la décision de transfert, ceci est sans incidence sur la légalité de l'arrêté contesté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être relevées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 23 avril 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Even, président de chambre,

- Mme Hamon, président assesseur,

- Mme d'Argenlieu, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 mai 2019.

Le président-rapporteur,

B. EVENLe président-assesseur,

P. HAMON

La greffière,

S. GASPARLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18PA03558


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA03558
Date de la décision : 13/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: M. Bernard EVEN
Rapporteur public ?: Mme ORIOL
Avocat(s) : PARTOUCHE-KOHANA

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-05-13;18pa03558 ?
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