Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D...C...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision, notifiée le 8 janvier 2016, par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande d'habilitation au " secret-défense ", d'enjoindre au ministre de la défense de lui délivrer cette habilitation, et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement avant dire droit n° 1603372-5-1 du 1er décembre 2016, le Tribunal administratif de Paris a ordonné la production par le ministre de la défense, après avoir pris l'avis de la Commission consultative du secret de la défense nationale dans les conditions prévues par le code de la défense, et après avoir le cas échéant déclassifié les informations en cause, des précisions sur les motifs ayant justifié le refus d'habilitation au " secret - défense " opposé à M.C..., ou, dans le cas où le ministre estimerait que certaines de ces informations ne peuvent être communiquées au tribunal, de tous les éléments sur la nature des informations écartées et les raisons pour lesquelles elles sont classifiées, de façon à permettre au tribunal de se prononcer en connaissance de cause, sans porter directement ou indirectement atteinte au secret de la défense nationale, dans un délai de trois mois à compter de la notification de ce jugement.
Par un jugement n° 1603372-5-1 du 24 mai 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de M.C....
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des pièces enregistrées les 21 juillet 2017 et 24 juillet 2017, M.C..., représenté par Me A...demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1603372/5-1
du 24 mai 2017 ;
2°) d'annuler la décision, notifiée le 8 janvier 2016, par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande d'habilitation au " secret-défense " ;
3°) d'enjoindre au ministre de la défense, en application des dispositions combinées des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative, de lui délivrer une habilitation au " secret - défense ", dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier dans la mesure où les premiers juges ont été mis en possession de pièces qui ne lui ont pas été communiquées ;
- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;
- elle n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa demande ;
- la décision attaquée est arbitraire et discriminatoire en l'absence de motifs précis et objectifs avancés par l'administration ;
- le ministre de la défense était en situation de compétence liée dans la mesure où la commission du secret de la défense nationale a rendu un avis favorable à sa demande de déclassification des éléments de son dossier.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 avril 2019, la ministre des armées conclut au rejet de la requête.
Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Un mémoire a été enregistré le 18 avril 2019 pour M.C....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2015 ;
- l'arrêté du 30 novembre 2011 portant approbation de l'instruction générale interministérielle n° 1300 sur la protection du secret de la défense nationale ;
- le code de la défense ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme d'Argenlieu,
- les conclusions de MmeB...,
- et les observations de Me A...pour M.C..., en présence de l'intéressé.
Une note en délibéré, enregistrée le 23 avril 2019, a été présentée pour M.C....
Considérant ce qui suit :
1. M.C..., élève ingénieur, a adressé au ministre de la défense une demande d'habilitation au " secret - défense " en vue d'effectuer un stage de formation professionnelle au sein de la société d'armement MDBA Missile Systems. Le ministre de la défense a refusé d'y faire droit par une décision qui a été notifiée à l'intéressé le 8 janvier 2016. Par un jugement du
24 mai 2017 dont M. C... fait appel, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision du ministre de la défense refusant de l'habiliter au " secret-défense ".
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ne ressort pas du dossier de première instance que des pièces adressées au tribunal administratif n'auraient pas été communiquées au requérant. Par suite, M. C...n'est pas fondé à soutenir que le jugement dont il fait appel aurait été rendu au terme une procédure non contradictoire irrégulière.
Sur la légalité de la décision contestée :
3. L'article R. 2311-1 du code de la défense dispose que " Les informations ou supports protégés font l'objet d'une classification comprenant trois niveaux : / 1° Très Secret - Défense ; / 2° Secret - Défense ; / 3° Confidentiel - Défense ". Aux termes de l'article R. 2311-3 du même code : " (...) Le niveau Secret - Défense est réservé aux informations ou supports protégés dont la divulgation est de nature à nuire gravement à la défense nationale (...) ". Aux termes de l'article R. 2311-6 du même code : " Dans les conditions fixées par le Premier ministre, les informations ou supports protégés classifiés au niveau Secret - Défense ou Confidentiel - Défense, ainsi que les modalités d'organisation de leur protection, sont déterminés par chaque ministre pour le département dont il a la charge ". L'article R. 2311-7 du même code précise quant à lui que : " Nul n'est qualifié pour connaître des informations ou supports protégés s'il n'a fait au préalable l'objet d'une décision d'habilitation et s'il n'a besoin de les connaître pour l'accomplissement de sa fonction ou de sa mission ".
4. Aux termes de l'article 23 de l'instruction générale interministérielle n° 1300 sur la protection du secret de la défense nationale approuvée par un arrêté interministériel du
30 novembre 2011 : " La demande d'habilitation déclenche une procédure destinée à vérifier qu'une personne peut, sans risque pour la défense et la sécurité nationale ou pour sa propre sécurité, connaître des informations ou supports classifiés dans l'exercice de ses fonctions. La procédure comprend une enquête de sécurité permettant à l'autorité d'habilitation de prendre sa décision en toute connaissance de cause ". L'article 24 de cette même instruction précise que : " L'enquête de sécurité menée dans le cadre de la procédure d'habilitation est une enquête administrative permettant de déceler chez le candidat d'éventuelles vulnérabilités (...) L'enquête administrative est fondée sur des critères objectifs permettant de déterminer si l'intéressé, par son comportement ou par son environnement proche, présente une vulnérabilité, soit parce qu'il constitue lui-même une menace pour le secret, soit parce qu'il se trouve exposé à un risque de chantage ou de pressions pouvant mettre en péril les intérêts de l'Etat, chantage ou pressions exercés par un service étranger de renseignement, un groupe terroriste, une organisation ou une personne se livrant à des activités subversives ". Aux termes de l'article 25 de ladite instruction : " L'intéressé est informé de la décision défavorable prise à son endroit. Un refus d'habilitation n'a pas à être motivé lorsqu'il repose sur des informations qui ont été classifiées ". Aux termes de l'article 26 de la même instruction : " La décision de refus d'habilitation est notifiée à l'intéressé par l'officier de sécurité. A cette occasion l'intéressé est informé, selon les modalités définies par le département ministériel dont il dépend, des voies de recours et des délais qui lui sont ouverts pour contester cette décision. Si le candidat sollicite, par l'exercice d'un recours, une explication du rejet de la demande d'habilitation, il obtient communication des motifs lorsqu'ils ne sont pas classifiés. Lorsqu'ils le sont, le candidat se voit opposer les règles applicables aux informations protégées par le secret ". Aux termes de l'article L. 2312-1 du code de la défense : " La Commission consultative du secret de la défense nationale est une autorité administrative indépendante. Elle est chargée de donner un avis sur la déclassification et la communication d'informations ayant fait l'objet d'une
classification en application des dispositions de l'article 413-9 du code pénal, à l'exclusion des informations dont les règles de classification ne relèvent pas des seules autorités françaises ". L'article L. 2312-4 du code de la défense dispose que : " Une juridiction française dans le cadre d'une procédure engagée devant elle peut demander la déclassification et la communication d'informations, protégées au titre du secret de la défense nationale, à l'autorité administrative en charge de la classification. Cette demande est motivée. L'autorité administrative saisit sans délai la Commission consultative du secret de la défense nationale ". Enfin, aux termes de l'article 413-9 du code pénal : " Présentent un caractère de secret de la défense nationale au sens de la présente section les procédés, objets, documents, informations, réseaux informatiques, données informatisées ou fichiers intéressant la défense nationale qui ont fait l'objet de mesures de classification destinées à restreindre leur diffusion ou leur accès. Peuvent faire l'objet de telles mesures les procédés, objets, documents, informations, réseaux informatiques, données informatisées ou fichiers dont la divulgation ou auxquels l'accès est de nature à nuire à la défense nationale ou pourrait conduire à la découverte d'un secret de la défense nationale ".
5. Enfin, l'article L. 211-2 du code des relations entre les publics et l'administration dispose que : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) - refusent une autorisation, sauf lorsque la communication des motifs pourrait être de nature à porter atteinte à l'un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions du a au f du 2° de l'article L. 311-5 (...) ". Aux termes de l'article L. 311-5 du même code : " Ne sont pas communicables : (...) 2° Les autres documents administratifs dont la consultation ou la communication porterait atteinte : (...) b) Au secret de la défense nationale (...) ".
6. En premier lieu, si M. C...soutient que sa demande n'a pas fait l'objet d'un examen particulier dans la mesure où il n'a pas été interrogé au cours de l'enquête de sécurité diligentée lors de l'instruction de sa demande d'habilitation au " secret-défense ", les dispositions énoncées par les articles 23 et 24 précités de l'instruction ministérielle sur la protection de la défense nationale approuvée par un arrêté du 30 novembre 2011 ne prévoient pas un interrogatoire du demandeur dans le cadre de cette enquête. Par suite, ce moyen de procédure doit être écarté.
7. En deuxième lieu, les décisions qui refusent l'habilitation au " secret - défense ", lesquelles ne constituent pas une mesure restreignant l'exercice des libertés publiques, sont au nombre de celles dont la communication des motifs est de nature à porter atteinte au secret de la défense nationale. Par suite, la décision, notifiée le 8 janvier 2016, par laquelle le ministre de la défense a refusé de faire droit à la demande de M. C...tendant à la délivrance de l'habilitation au " secret - défense " n'avait pas à être motivée. Le moyen tiré de ce que cette décision serait, pour ce motif, irrégulière, doit donc être écarté.
8. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que la commission consultative du secret de la défense nationale, qui a été saisie par le ministre de la défense conformément au jugement avant dire droit du Tribunal administratif de Paris du 1er décembre 2016, a émis le
16 février 2017 un avis favorable à la déclassification des éléments sur lesquels reposent le refus contesté de faire droit à la demande d'habilitation au " secret - défense " sollicitée par M.C.... Le ministre de la défense a toutefois, par une lettre adressée au greffe du tribunal administratif le
1er mars 2017, fait savoir qu'il refusait de déclassifier ces éléments. Le ministre a, par un mémoire du 2 mars 2017 versé au débat contradictoire, précisé que son refus était motivé par le fait que " le comportement personnel de l'intéressé (...) révèlait des vulnérabilités pour le secteur de la défense nationale ", ce motif figurant au nombre de ceux énoncés par l'instruction interministérielle n° 1300
du 30 novembre 2011 sur la protection du secret de la défense nationale et du code de la défense. M. C..., a reçu communication de ce motif dans le cadre du débat contradictoire. Il ne ressort donc pas des pièces du dossier que la décision litigieuse, qui lui a été notifiée le 8 janvier 2016, serait intervenue pour un motif arbitraire ou discriminatoire, étranger aux intérêts de la défense nationale.
9. Enfin, aux termes de l'article L. 2312-8 du code de la défense, issu de la loi n° 2017-55 du 20 janvier 2017 : " Dans le délai de quinze jours francs à compter de la réception de l'avis de la Commission du secret de la défense nationale, ou à l'expiration du délai de deux mois mentionné à l'article L. 2312-7, l'autorité administrative notifie sa décision, assortie du sens de l'avis, à la juridiction ou au président de la commission parlementaire ayant demandé la déclassification et la communication d'informations classifiées ".
10. La circonstance que le législateur a, par l'article 36 de la loi n° 2017-55 du
20 janvier 2017, supprimé l'adjectif " consultative " dans l'intitulé donné à la " commission du secret de la défense nationale " n'a pas eu pour effet de transformer, à compter de cette date, les avis rendus par cette commission en avis conformes. Par suite, le ministre de la défense n'était pas tenu de faire droit à la déclassification des éléments fondant la décision contestée au motif que la commission avait rendu le 16 février 2017 un avis favorable à la demande sollicitée par M.C.... Le moyen tiré de ce que le ministre de la défense aurait été en situation de compétence liée doit donc être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre de la défense notifiée le 8 janvier 2016. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...C...et à la ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 23 avril 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Even, président de chambre,
- Mme Hamon, président assesseur,
- Mme d'Argenlieu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 13 mai 2019.
Le rapporteur,
L. d'ARGENLIEU
Le président,
B. EVENLe greffier,
S. GASPAR La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 17PA02522