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24/04/2019 | FRANCE | N°18PA00829

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 24 avril 2019, 18PA00829


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 5 janvier 2018 par lequel la préfète de Seine-et-Marne l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a désigné le pays dont il a la nationalité comme pays de renvoi, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et l'a informé de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen.

Par un jugement n° 1800315 du 1

6 février 2018, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure deva...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 5 janvier 2018 par lequel la préfète de Seine-et-Marne l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a désigné le pays dont il a la nationalité comme pays de renvoi, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et l'a informé de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen.

Par un jugement n° 1800315 du 16 février 2018, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 12 mars 2018 et un mémoire complémentaire enregistré le 20 août 2018, M.B..., représenté par MeA..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " étudiant " ;

4°) de condamner l'Etat à payer la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il n'est pas établi que le délai de recours de 48 heures lui a été notifié dès lors que la notification administrative n'a pas été accompagnée d'un procès-verbal distinct de la décision notifiée ; on lui a notifié oralement un délai de recours de quinze jours, comme dans le cas de son père ; les mentions figurant sur la décision elle-même sont illisibles ;

- le délai pour introduire un recours contentieux contre la décision contestée n'était pas de 48 heures mais de 15 jours ;

- les dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoyant un délai de 48 heures pour exercer un recours ont été déclarées inconstitutionnelles par une décision n° 2018-709 QPC du 1er juin 2018 du Conseil constitutionnel ;

- aucune information ne permet de s'assurer que l'interprète ait prêté serment ou qu'il soit inscrit sur la liste des experts agréés par une cour d'appel ni même qu'il ait été effectivement présent lors de la notification de la décision ;

- le tribunal administratif n'a pas répondu au moyen tiré de ce que rien ne permet de s'assurer de la notification correcte du délai de recours ni au moyen tiré d'une insuffisante motivation de la décision ;

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision d'interdiction de retour sur le territoire méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les dispositions des articles L. 313-11 7° et L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée à la préfète de Seine-et-Marne qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 mai 2018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision n° 2018-709 QPC du 1er juin 2018 du Conseil constitutionnel ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Heers,

- et les observations de Me A...pour M.B....

1. M.B..., ressortissant géorgien, a fait l'objet d'une décision d'obligation de quitter le territoire français sans délai à destination du pays dont il a la nationalité et s'est vu prononcer à son encontre une interdiction de retour sur le territoire pour une durée de deux ans par un arrêté de la préfète de Seine-et-Marne en date du 5 janvier 2018. M. B...relève appel du jugement du 16 février 2018 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, le requérant se prévaut de ce que le tribunal administratif n'a pas répondu à l'argument tiré de la différence entre les délais de recours opposés à lui-même et à son père, qui a fait l'objet lui aussi d'une obligation de quitter le territoire français sans délai. Toutefois en admettant même que les deux décisions, de même nature, étaient assorties de mentions différentes quant au délai de recours, cette circonstance est sans influence sur la légalité de la décision prise à l'encontre du requérant et sur l'opposabilité des mentions figurant sur celle-ci. La circonstance, à la supposer établie, que, par erreur, la décision dont son père était destinataire mentionnait un délai de quinze jours est inopérante à cet égard ; dès lors, le tribunal administratif n'était pas tenu de répondre à cet argument inopérant.

3. En second lieu, dès lors que le premier juge rejetait comme tardive la demande de M. B..., il n'était pas tenu de se prononcer sur les moyens dirigés contre la légalité de l'arrêté préfectoral contesté. L'absence de réponse au moyen tiré de l'insuffisante motivation de cet arrêté n'est donc pas de nature à entacher d'irrégularité le jugement.

4. Enfin, il ne ressort pas des écritures du requérant devant le tribunal administratif qu'il ait soulevé un moyen tiré de ce que rien ne permet de s'assurer de la notification correcte du délai de recours. S'agissant de la phase orale de la procédure, il ne ressort pas davantage des mentions du jugement attaqué, dont les mentions font foi jusqu'à preuve du contraire, et qui indiquent seulement que le requérant s'interroge sur la qualité de la traduction qui lui a été faite des mentions figurant sur la décision le concernant, que ce moyen ait été soulevé lors des observations présentées pour le requérant à l'audience.

Sur la tardiveté de la demande de première instance :

5. Aux termes du II de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " II. - L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire sans délai peut, dans les quarante-huit heures suivant sa notification par voie administrative, demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision relative au séjour, de la décision refusant un délai de départ volontaire, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français ou d'interdiction de circulation sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant. ".

6. Il ressort des pièces du dossier que la décision contestée par M. B..., en date du 5 janvier 2018, lui a été notifiée le même jour avec la mention des voies et délais de recours ouverts à son encontre. La demande de M. B... tendant à l'annulation de cette décision n'a cependant été enregistrée au greffe du Tribunal administratif de Melun que le 12 janvier 2018, soit après l'expiration du délai de 48 heures fixé par les dispositions susmentionnées applicable, contrairement à ce que soutient le requérant, aux décisions qui, comme en l'espèce, portent obligation de quitter sans délai le territoire français.

7. M. B... soutient que rien ne permet d'établir que l'arrêté lui a été notifié en l'absence de rédaction d'un procès-verbal de notification administrative distinct de la décision attaquée, Toutefois, aucune disposition légale n'impose la rédaction d'un tel procès-verbal de sorte que la notification d'une décision est opposable dès lors qu'elle est effective, ce dont suffisent à attester le paraphe de l'interprète sur cette décision ainsi que la mention d'un refus de signer exprimé par son destinataire. Par ailleurs, si le requérant se prévaut de ce qu'il n'est pas établi que l'interprète ait prêté serment, cette circonstance ne permet pas d'en déduire que la traduction des délais de recours ait été erronée, étant observé par ailleurs que la signature de l'interprète suffit à établir la réalité de sa présence, même sans indication de son nom, et que le requérant, scolarisé avec succès depuis cinq ans en France, pouvait comprendre par lui-même ce qui lui était dit oralement quant au délai de recours.

8. M. B... fait également valoir que les fonctionnaires de police et l'interprète lui ont notifié oralement un délai de quinze jours pour contester la décision, que les mentions relatives aux recours figurant dans la décision sont illisibles et que l'exemplaire de la décision produit mentionne un refus de signer. Toutefois, la mention du refus de signer du destinataire de l'arrêté ne permet pas d'en déduire qu'il n'a pas eu notification de cet acte, mais, au contraire, qu'elle lui a été présentée et qu'il l'a refusée, confirmant ainsi la réalité de cette présentation. De plus, à supposer que les agents de la police judiciaire et l'interprète aient fait état d'un délai de recours de quinze jours, cette circonstance ne saurait prévaloir sur les mentions, dépourvues d'ambigüité et lisibles, de l'article 6 de l'arrêté, précisant que la décision est susceptible de recours dans les 48 heures à compter de la notification de la décision et celles figurant dans la partie " voies et délais de recours " indiquant le même délai, alors surtout que l'intéressé, âgé de 22 ans, scolarisé en France depuis 2013 et qui a obtenu plusieurs diplômes en France entre 2013 et 2018, était en mesure de constater par lui-même l'éventuelle incohérence des informations qui lui auraient été données oralement par rapport à ces mentions écrites et de solliciter alors un éclaircissement.

9. Compte tenu de tout ce qui précède, M. B... doit être regardé comme ayant été mis en mesure, lors de la notification de l'arrêté du préfet, de savoir qu'il disposait de 48 heures pour exercer un recours contre cet arrêté.

10. Si le requérant fait ensuite valoir que les dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoyant un délai de 48 heures pour exercer une voie de recours ont été déclarées inconstitutionnelles par une décision n° 2018-709 QPC du 1er juin 2018 du Conseil constitutionnel, il ressort des termes mêmes de cette décision qu'elle portait sur les dispositions du paragraphe IV de cet article et non sur le paragraphe II, seul applicable en l'espèce.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B..., dont la demande de première instance était donc tardive, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun l'a rejetée. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera délivrée à la préfète de Seine-et-Marne.

Délibéré après l'audience du 1er avril 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, président de chambre,

- Mme Julliard, présidente-assesseure,

- M. Mantz, premier conseiller.

Lu en audience publique le 24 avril 2019.

Le président-rapporteur,

M. HEERSL'assesseure la plus ancienne,

M. JULLIARDLa greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18PA00829


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA00829
Date de la décision : 24/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.

Procédure - Introduction de l'instance - Délais - Expiration des délais.


Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Mireille HEERS
Rapporteur public ?: Mme JAYER
Avocat(s) : CABINET MALTERRE - DIETSCH

Origine de la décision
Date de l'import : 30/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-04-24;18pa00829 ?
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