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18/04/2019 | FRANCE | N°18PA00179

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 18 avril 2019, 18PA00179


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 23 novembre 2017 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de 24 mois.

Par un jugement n° 1718055/8 du 27 novembre 2017, le Tribunal administratif de Pari

s a fait droit à sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistré...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 23 novembre 2017 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de 24 mois.

Par un jugement n° 1718055/8 du 27 novembre 2017, le Tribunal administratif de Paris a fait droit à sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 16 janvier 2018, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 27 novembre 2017 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B...devant ce tribunal.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a estimé que l'état de santé de M. B...lui avait été signalé comme suffisamment grave ;

- les autres moyens invoqués par M. B...devant le tribunal n'étaient pas davantage fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 26 juin 2018, M. A...B..., représenté par Me E...D..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de

1 200 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la requête d'appel du préfet est tardive ;

- aucun des moyens de la requête n'est fondé.

En application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative la clôture d'instruction a été fixée au 18 mars 2019.

M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris du

18 mai 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Appèche ;

- et les observations de Me C...pour M.B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du

23 novembre 2017 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office, et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de 24 mois. Par un jugement n° 1718055/8 du

27 novembre 2017, le tribunal administratif a fait droit à sa demande en annulant l'arrêté préfectoral contesté. Le préfet de la Seine-Saint-Denis relève appel de ce jugement.

2. Aux termes de l'article R. 611-8-2 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable à la date du jugement attaqué " (...) Les parties ou leur mandataire sont réputés avoir reçu la communication ou la notification à la date de première consultation du document qui leur a été ainsi adressé, certifiée par l'accusé de réception délivré par l'application informatique, ou, à défaut de consultation dans un délai de huit jours à compter de la date de mise à disposition du document dans l'application, à l'issue de ce délai.(...) " . Il ressort du dossier que le jugement attaqué, mis à la disposition du préfet de la Seine-Saint-Denis, le 13 décembre 2017, a fait l'objet d'une première consultation le 18 décembre suivant, date à laquelle il est réputé lui avoir été notifié. En conséquence, la présente requête, enregistrée le

16 janvier 2018 soit dans le délai d'un mois imparti pour faire appel, n'était pas tardive, contrairement à ce que soutient M. B....

3. En premier lieu, le préfet de la Seine-Saint-Denis conteste le motif d'annulation retenu par le premier juge et tiré se ce que, l'état de santé de M. B...lui ayant été signalé comme suffisamment grave, il ne pouvait, sans méconnaitre les dispositions de l'article R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, prononcer à son encontre une obligation de quitter le territoire français sans avoir au préalable saisi l'OFII afin que soit émis un avis médical.

4. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ". L'article

R. 511-1 du même code prévoit que : " L'état de santé défini au 10° de l'article L. 511-4 est constaté au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / Cet avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement l'étranger ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / Toutefois, lorsque l'étranger est retenu en application de l'article L. 551-1, le certificat est établi par un médecin intervenant dans le lieu de rétention conformément à l'article R. 553-8. (...) ".

5. Il résulte de ces dispositions que l'autorité administrative, lorsqu'elle dispose d'éléments d'informations suffisamment précis et circonstanciés établissant qu'un étranger résidant habituellement sur le territoire français est susceptible de bénéficier des dispositions protectrices du 10 de l'article L. 511-4 cité ci-dessus, doit, avant de prononcer une mesure d'éloignement à l'encontre de celui-ci, saisir pour avis le comité médical mentionné à l'article

R. 511-4 du même code.

6. En l'espèce, si M. B..., né le 11 juillet 1983 à Tunis et de nationalité tunisienne, qui a fait l'objet d'un contrôle d'identité alors qu'il circulait à bord d'un bus de ville, puis d'une interpellation, a indiqué lors de son audition par un officier de police, le

22 novembre 2017, qu'il sortait de l'hôpital de Ville Evrard à Neuilly sur Marne, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que l'intéressé aurait fourni des éléments plus précis sur son état de santé, alors qu'il ressort au contraire du procès verbal établi le même jour, lors de son placement en rétention, que, bien que dûment informé de la possibilité qui lui était offerte d'être examiné par un médecin afin que celui-ci se prononce sur son aptitude à être maintenu en rétention et procède à toutes constatations utiles, il a expressément indiqué ne pas souhaiter être examiné par un médecin. Aucune autre observation n'a été portée dans les procès verbaux susmentionnés, concernant notamment le comportement de l'intéressé, de nature à faire présumer que M. B... était susceptible d'entrer, eu égard à son état de santé, dans le cas visé au 10 de l'article L. 511-4 rappelées ci-dessus. Dans ces conditions, le préfet de la Seine-Saint-Denis est fondé à soutenir que c'est pour un motif erroné que le tribunal a annulé son arrêté du

23 novembre 2017.

7. Si M. B... produit, à l'appui de son mémoire en défense, un bulletin de situation établi par l'établissement public de santé susmentionné, indiquant qu'il y a été hospitalisé du 20 octobre au 22 novembre 2017, ni ce document, dont il n'est au demeurant pas établi qu'il aurait été porté à la connaissance de l'administration avant l'intervention de l'arrêté litigieux, ni la décision du 25 novembre 2017 par laquelle la Cour d'appel de Paris a confirmé la décision du juge des libertés et de la détention rendue la veille ordonnant la prolongation de la rétention de M. B... et invitant l'administration à faire procéder à un examen médical de l'intéressé, ne suffisent à établir que ce dernier, eu égard à son état de santé, ne pouvait faire l'objet, le 23 novembre 2017, d'une mesure d'éloignement, sans que fussent méconnues les dispositions rappelées ci-dessus de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. D'ailleurs, le préfet de la Seine-Saint-Denis produit devant la Cour l'avis rendu le 25 novembre 2017 par le médecin de l'OFFI, selon lequel, l'état de santé de M. B... peut lui permettre de voyager sans risque vers son pays d'origine, où il peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié.

8. En deuxième lieu, il ressort de l'arrêté n° 17-3013 du 13 octobre 2017, régulièrement publié au bulletin d'informations administratives du même jour, que le signataire de l'arrêté préfectoral contesté disposait d'une délégation lui permettant de signer cet arrêté. Dès lors, le moyen invoqué par M. B... devant le tribunal, tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte manque en fait et doit être écarté.

9. En troisième lieu, le préfet de la Seine-Saint-Denis indique, de manière suffisamment précise, dans l'arrêté contesté, les circonstances de droit et de fait sur lesquelles il se fonde pour faire obligation à M. B... de quitter le territoire français sans délai, décider qu'il sera éloigné à destination du pays dont il a la nationalité ou de tout autre pays dans lequel il établirait être légalement admissible et enfin pour lui interdire le retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans. Cet arrêté, qui précise l'état civil de l'intéressé et sa nationalité, son entrée irrégulière sur le territoire français, l'absence de démarche administrative entreprise par lui pour tenter de régulariser son séjour en France, son incapacité à justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, et l'absence de garanties de présentation, montre qu'il a été pris après qu'un examen particulier de la situation de M. B... eut été opéré.

10. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... serait exposé, en cas de retour en Tunisie, à la torture ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants, prohibés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

11. En dernier lieu, s'il est constant que M. B... est suivi pour une pathologie psychiatrique, cette circonstance ne saurait suffire à démonter, eu égard à ce qui a été dit ci-dessus aux points 4 à 7, que l'arrêté préfectoral contesté procèderait d'une appréciation manifestement erronée des conséquences des mesures qu'il comporte sur la situation personnelle de M. B....

12. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Saint-Denis est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande de M. B... en annulant l'arrêté du 23 novembre 2017 pris à l'encontre de ce dernier, et à obtenir l'annulation dudit jugement et le rejet de la demande présentée par M. B... devant le tribunal ainsi que de ses conclusions présentées devant la Cour, y compris celles tendant, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi susvisée du 10 juillet 1991, à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat au titre des frais d'instance.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement 1718055/8 du 27 novembre 2017 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif et ses conclusions présentées devant la Cour sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A...B....

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 3 avril 2019, où siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Appèche, président assesseur,

- M. Magnard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 avril 2019

Le rapporteur,

S. APPECHELe président,

I. BROTONS

Le greffier,

P. LIMMOIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18PA00179


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA00179
Date de la décision : 18/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Sylvie APPECHE
Rapporteur public ?: M. CHEYLAN
Avocat(s) : BOUDJELTI

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-04-18;18pa00179 ?
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