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16/04/2019 | FRANCE | N°17PA03093

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 16 avril 2019, 17PA03093


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...G...a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Assistance publique - Hôpitaux (AP-HP) de Paris à lui verser une indemnité de 192 000 euros, à titre de provision, en réparation de ses préjudices corporels et d'ordonner, avant dire droit, une expertise médicale.

Par un jugement n° 1429989/6-1 du 21 juillet 2017, le tribunal administratif de Paris a condamné l'AP-HP à verser à Mme G...une somme de 5 327,63 euros, à la CPAM de Paris une somme de 2 668,67 euros avec intérêt

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...G...a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Assistance publique - Hôpitaux (AP-HP) de Paris à lui verser une indemnité de 192 000 euros, à titre de provision, en réparation de ses préjudices corporels et d'ordonner, avant dire droit, une expertise médicale.

Par un jugement n° 1429989/6-1 du 21 juillet 2017, le tribunal administratif de Paris a condamné l'AP-HP à verser à Mme G...une somme de 5 327,63 euros, à la CPAM de Paris une somme de 2 668,67 euros avec intérêts au taux légal ainsi qu'une somme de 889,56 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, à la CRAMIF une somme de 14 218,06 euros avec intérêts au taux légal, et a mis à la charge de l'AP-HP les frais d'expertise.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 15 septembre 2017, MmeG..., représenté par MeE..., demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Paris du 21 juillet 2017 en tant qu'il a limité à 5 327,63 euros la somme que l'AP-HP devait être condamnée à lui verser en réparation des préjudices subis ;

2°) d'ordonner une nouvelle expertise médicale ;

3°) de mettre à la charge de l'AP-HP le versement de la somme de 7 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la responsabilité de l'AP-HP du fait du retard de diagnostic doit être pleine et entière alors qu'elle présentait des signes dépourvus d'ambigüité de " localisation neurologique " lors de son arrivée au service des urgences ; un traitement pertinent dès le 26 au soir aurait permis d'éviter les complications irréversibles ;

- l'absence d'investigation complémentaire est, subsidiairement, une autre faute subséquente et aggravante ;

- les erreurs commises le deuxième jour sont également inacceptables ;

- c'est à tort que l'expert et le tribunal administratif ont retenu un taux de perte de chance de 10 % alors qu'un traitement en urgence des dissections carotidiennes assure un succès dans 50 à 90 % des cas ;

- son état n'est pas encore consolidé mais est susceptible d'aggravation, ce qui ne permet pas une fixation et une réparation définitive de ses préjudices ;

- le rapport du docteur D...doit être écarté et une nouvelle expertise ordonnée ;

- elle souffre de troubles corporels liés notamment à une importante prise de poids elle-même due à la prise d'anti-dépresseurs, de troubles cognitifs qui ne sauraient être qualifiés de " modérés " et d'un important syndrome anxio-dépressif ;

- seule en charge de ses deux enfants dont l'un est handicapé, ses perspectives de carrière sont sans commune mesure avec ce qu'elle pouvait espérer du fait de sa formation et de son expérience professionnelle ;

- elle a dû exposer de nombreux frais médicaux et para-médicaux non-remboursés ;

- elle n'est plus en mesure aujourd'hui d'emprunter ou d'acquérir un logement à cause de cet accident ;

- ses enfants ont également été fortement perturbés par les conséquences de son accident et ont eu besoin d'une prise en charge psychologique qui a également eu un coût important pour elle ;

- le taux d'AIPP de 15 % retenu est trop faible, ses difficultés visuelles ne semblant pas avoir été considérées, ni ses dépenses de santé à venir.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 décembre 2018, l'AP-HP, représentée par Me F..., conclut au rejet de la requête d'appel ainsi que des conclusions présentées par la CRAMIF et, à titre subsidiaire, à ce que la Cour ramène le montant des indemnités demandées à de plus justes proportions.

Elle soutient que :

- elle n'entend pas remettre en cause le principe de sa responsabilité et c'est à juste titre que les experts ont retenu que le début de la dissection carotidienne et de l'atteinte encéphalique en résultant sont survenus plus de 6 heures avant la consultation au service des urgences le

26 septembre au soir, de sorte que les chances de Mme G...d'éviter les séquelles qui sont les siennes ne dépassaient pas 10 % ;

- l'expertise sollicitée présente un caractère frustratoire dès lors que celle déjà réalisée est complète ;

- l'évaluation des préjudices imputables au retard de prise en charge réalisée par les premiers juges n'encourt aucune critique.

Par un mémoire enregistré le 19 janvier 2018, la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France (CRAMIF), représentée par la Selas Arco-Legal, demande à la Cour de porter la somme à laquelle l'AP-HP a été condamnée à lui verser à celle de 142 461 euros, avec intérêts au taux légal et mettre à la charge de l'AP-HP la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Par un mémoire enregistré le 21 mars 2019, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Paris et la CRAMIF, représentées par la SELARL Kato et Lefebvre Associés, conclut à ce qu'il soit donné acte à la CRAMIF de ce qu'elle n'a plus de créance à faire valoir du fait de son transfert au bénéfice de la CPAM de Paris, et dans l'hypothèse du rejet de la demande d'expertise, conclut à la condamnation de l'AP-HP à lui verser la somme de 202 163,50 euros en remboursement de ses débours à laquelle il conviendra d'appliquer le taux de perte de chance retenu, avec intérêts légaux à compter du 23 avril 2015 sur la somme de 48 500,74 euros, du

14 avril 2017 sur celle de 11 201,83 euros et des présentes sur le surplus, à ce que ses droits soient réservés quant aux prestations qui ne sont pas encore connues, au versement de la somme de 1 080 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Pena,

- les conclusions de Mme Delamarre, rapporteur public,

- et les observations de MeE..., représentant MmeG..., et de MeF..., représentant l'AP-HP.

Considérant ce qui suit :

1. Le 26 septembre 2013, MmeG..., née le 2 septembre 1972, a présenté au réveil une fatigue inhabituelle et des céphalées qui l'ont conduite à ne pas se rendre au travail. Constatant l'apparition au cours de l'après-midi de troubles du langage associés à des troubles de l'idéation et de la vue, avec des difficultés de lecture et d'écriture, elle s'est rendue en fin de journée aux urgences de l'hôpital de la Pitié Salpêtrière (groupe hospitalier AP-HP) où un diagnostic d'asthénie a été posé. Elle a été renvoyée à son domicile avec une simple prescription d'Atarax et un arrêt de travail d'une journée. Son état clinique s'étant encore dégradé dans la nuit, elle a été amenée par le SAMU au même service des urgences le 27 en début de matinée. Après un examen vers 11 heures du matin, un diagnostic d'accident ischémique cérébral a été posé et confirmé par la réalisation d'une IRM à 15 heures, laquelle a permis de préciser qu'elle avait été victime d'une occlusion sur dissection de la carotide interne droite sous-pétreuse avec accident ischémique constitués dans le territoire cérébral moyen droit superficiel et minime remaniement hémorragique. Hospitalisée dans le service des urgences cérébro-vasculaires jusqu'au 14 octobre 2013, dont trois jours en unité de soins intensifs, elle a bénéficié par la suite d'un suivi neurologique, psychiatrique, psychothérapeutique mais également de soins de rééducation d'orthophonie et de kinésithérapie motrice.

2. Par une lettre du 16 septembre 2014, Mme G...a saisi l'AH-HP d'une réclamation tendant à l'indemnisation des préjudices qu'elle estime liés à ses conditions de prise en charge au sein du groupe hospitalier Pitié-Salpétrière. En l'absence de réponse, elle a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande d'expertise médicale et d'une demande de condamnation de l'AP-HP à lui verser une indemnité provisionnelle de 192 000 euros. Par un jugement avant-dire droit du 17 mai 2016, le Tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande d'expertise et, par une ordonnance du 6 juin 2016, le vice-président du tribunal administratif a désigné en qualité d'expert le docteur A...D..., chirurgien vasculaire, lequel s'est adjoint le concours d'un sapiteur neurologue, le docteurC.... L'expert a déposé son rapport le 15 novembre 2016. Par un jugement du 21 juillet 2017, le Tribunal administratif de Paris a condamné l'AP-HP à verser à Mme G...une somme de 5 327,63 euros, à la CPAM de Paris une somme de 2 668,67 euros avec intérêts au taux légal ainsi qu'une somme de 889,56 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, à la CRAMIF une somme de 14 218,06 euros avec intérêts au taux légal et a mis à la charge de l'AP-HP les frais d'expertise. Mme G...relève appel de ce jugement, en demande la réformation en ce qu'il a limité à 5 327,63 euros la somme que l'AP-HP devait être condamnée à lui verser en réparation de ses préjudices, et sollicite une nouvelle expertise médicale.

Sur la responsabilité de l'AP-HP :

3. Par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a estimé que la prise en charge de Mme G...par le service des urgences de la Pitié-Salpétrière, le

26 septembre 2013, n'avait pas été conforme aux règles de l'art, dès lors, notamment, qu'elle présentait à son arrivée un ensemble de symptômes qui aurait dû évoquer un possible problème encéphalique requérant une hospitalisation en milieu neurologique, la réalisation d'examens complémentaires urgents et la prescription d'un alitement strict. Si le tribunal en a déduit qu'il s'agissait là d'une faute médicale de nature à engager la responsabilité de l'AP-HP, il a néanmoins jugé que cette absence de prise en charge de Mme G...le 26 au soir avait entraîné pour elle une perte de chance d'échapper à l'aggravation de son état de santé de seulement 10 %, la chronologie des troubles démontrant selon les premiers juges, que l'accident s'était produit le matin et qu'il n'existait aucune certitude qu'un traitement anti-thrombotique engagé dans la soirée aurait été efficace.

4. S'il existe un consensus dans la communauté médicale française pour considérer que seule une prise en charge appropriée dans les 6 heures maximum suivant le début de l'accident cérébral est de nature à permettre une véritable récupération du patient et éviter ainsi la survenance de séquelles neurologiques irréversibles, les éléments du dossier ne permettent pas de savoir si Mme G...a été victime d'un accident ischémique transitoire ou d'un accident vasculaire cérébral ni si cet accident est intervenu dès le matin du 26 septembre ou bien plus tard dans la journée alors qu'une rémission est apparue vers 11 heures. Aussi, eu égard à ces incertitudes, le taux de 10 % de perte de chance retenu par l'expert D...ne semble pouvoir en l'état être confirmé. Dès lors, il y a lieu avant de statuer sur la requête et les conclusions présentées par la CPAM de Paris, d'ordonner un complément d'expertise sur ces points.

DÉCIDE :

Article 1er : Il sera, avant de statuer sur la requête de Mme G...et les conclusions de la CPAM, procédé par un expert, désigné par le président de la Cour administrative d'appel, à une expertise complémentaire avec mission de donner à la Cour tous les éléments lui permettant d'apprécier :

- si l'état de santé de Mme G...est effectivement consolidé depuis le 3 août 2015 ou s'il est encore susceptible d'aggravation '

- si Mme G...a été victime d'un accident ischémique transitoire ou d'un accident vasculaire cérébral le 26 septembre 2013 '

- à quel moment (le plus probable ') est apparu l'accident dont elle a été victime '

- en fonction du moment de cette apparition, si l'absence de prise en charge correcte de Mme G...par le service des urgences de la Pitié-Salpétrière dès le 26 septembre au soir lui a fait perdre une chance d'échapper à l'aggravation de son état de santé '

- en cas de réponse positive, la perte de chance qu'a représentée ce défaut de prise en charge conforme aux règles de l'art, en chiffrant ce taux.

Article 2 : L'expert accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Il prêtera serment par écrit devant le greffier en chef de la Cour. L'expert déposera son rapport au greffe de la Cour en deux exemplaires et en notifiera copie aux parties dans le délai fixé par le président de la Cour dans sa décision le désignant.

Article 3 : Les frais d'expertise sont réservés pour y être statué en fin d'instance.

Article 4 : Tous droits et moyens des parties, sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt, sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...G..., à l'Assistance publique - hôpitaux de Paris, à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris et à la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France.

Délibéré après l'audience du 2 avril 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Bouleau, premier vice-président,

- M. Bernier, président assesseur,

- Mme Pena, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 16 avril 2019.

Le rapporteur,

E. PENA

Le président,

M. BOULEAULe greffier,

N. DAHMANI

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 10PA03855

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N° 17PA03093


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA03093
Date de la décision : 16/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Eléonore PENA
Rapporteur public ?: Mme DELAMARRE
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS ARCO-LEGAL

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-04-16;17pa03093 ?
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