La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/04/2019 | FRANCE | N°18PA00838

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 11 avril 2019, 18PA00838


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...C..., Mlle A...C...et Mlle D...C...ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 23 novembre 2016 par lequel le maire de Paris n'a pas fait opposition à la déclaration de travaux formée par la société Courtano en vue de la modification de la devanture et façade de l'immeuble sis 34 boulevard Ornano à Paris dans le 18ème arrondissement.

Par une ordonnance n° 1714653/4-1 du 10 janvier 2018, le président de la 4ème section du tribunal administratif de Paris a rejeté

leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 13 mars ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...C..., Mlle A...C...et Mlle D...C...ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 23 novembre 2016 par lequel le maire de Paris n'a pas fait opposition à la déclaration de travaux formée par la société Courtano en vue de la modification de la devanture et façade de l'immeuble sis 34 boulevard Ornano à Paris dans le 18ème arrondissement.

Par une ordonnance n° 1714653/4-1 du 10 janvier 2018, le président de la 4ème section du tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 13 mars 2018, M. E...C..., Mlle A... C...et Mlle D...C..., représentés par Me Guerrouf, demandent à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1714653/4-1 du 10 janvier 2018 du président de la 4ème section du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du 23 novembre 2016 du maire de Paris ;

3°) de mettre à la charge de la société Courtano le versement d'une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- c'est à tort que le premier juge a rejeté leur demande comme manifestement irrecevable du fait du défaut de notification de leur recours à la ville de Paris ; l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ne leur était pas opposable faute d'affichage régulier de la déclaration de travaux ;

- ils justifient, en qualité de propriétaires de l'immeuble en cause, d'un intérêt à agir contre l'autorisation d'urbanisme délivrée pour des travaux sur leur bien ;

- le délai de recours contentieux n'a pas couru à l'encontre de la décision contestée en l'absence d'affichage de cette dernière sur le terrain ;

- la société Courtano, simple locataire des locaux en cause et n'ayant pas l'autorisation préalable de ses bailleurs, a agi par fraude en attestant avoir qualité pour déposer la demande ; la décision attaquée doit donc être annulée.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 novembre 2018, la société Courtano, représentée par Me Leselbaum-Benhammou, conclut au rejet de la requête, à titre subsidiaire à ce que la Cour prononce un non-lieu à statuer et à ce que soit mise à la charge des consorts C...une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande de première instance était bien irrecevable, un panneau ayant été apposé sur la façade de l'immeuble ;

- la Cour ne pourra que prononcer un non-lieu à statuer dès lors qu'elle a sollicité le retrait de la décision contestée et remis les lieux dans leur état initial.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Renaudin,

- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,

- les observations de Me Guerrouf, avocat de Mmes et M. C...et de Me Leselbaum-Benhammou, avocat de la société Courtano.

Considérant ce qui suit :

1. La société Courtano exploite 34 boulevard Ornano dans le 18ème arrondissement de Paris une supérette dans un local qu'elle loue aux co-indivisairesC..., qui en sont les propriétaires. Cette société a déposé auprès de la Ville de Paris une déclaration préalable de travaux le 12 août 2016 en vue de modifier la devanture du magasin pour créer de nouvelles ouvertures. Par un arrêté du 23 novembre 2016, le maire de Paris ne s'est pas opposé à l'exécution des travaux déclarés, dont il ressort des pièces du dossier qu'ils ont été réalisés au début de l'année 2017. Le 22 septembre 2017, les consorts C...ont saisi le tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à l'annulation de la décision de non-opposition du 23 novembre 2016. Ils demandent en appel l'annulation de l'ordonnance du 10 janvier 2018 par laquelle le président de la 4ème section du tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande pour irrecevabilité manifeste.

Sur l'existence d'un non-lieu à statuer :

2. Si la société Courtano a demandé au maire de Paris, par deux courriers successifs des 11 octobre 2017 et 7 novembre 2018, de retirer la décision de non-opposition qui lui avait été accordée le 23 novembre 2016, il ressort des pièces du dossier que ces demandes n'ont pas reçu de réponse. Aucune décision de retrait de la décision de non-opposition du 23 novembre 2016 n'est donc intervenue. La circonstance que la société Courtano a remis les lieux en état à la demande des consorts C...signifiée par sommation d'huissier du 17 juillet 2017, et a donc renoncé au bénéfice de l'autorisation délivrée sur sa déclaration préalable, n'a pas pu avoir pour effet de retirer cette décision de l'ordonnancement juridique. La requête des consorts C...à l'encontre de la décision de non-opposition du 23 novembre 2016 de la Ville de Paris n'est donc pas dépourvue d'objet.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

3. Pour rejeter pour irrecevabilité manifeste la requête des consortsC..., le président de la 4ème section du tribunal administratif de Paris a retenu que ces derniers n'avaient pas justifié de l'accomplissement de la formalité de notification de leur recours prévue par les dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme à l'auteur de la décision attaquée, soit la Ville de Paris.

4. L'article R. 600-1 du code de l'urbanisme disposait, à la date à laquelle les consorts C...ont introduit leur requête auprès du tribunal administratif de Paris, que : " En cas de (...) recours contentieux à l'encontre (...) d'une décision de non-opposition à une déclaration préalable (...) l'auteur du recours est tenu, à peine d'irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur de la décision et au titulaire de l'autorisation (...) ". Toutefois aux termes de l'article R. 424-15 du même code : " Mention (...) de la déclaration préalable doit être affichée sur le terrain, de manière visible de l'extérieur, par les soins de son bénéficiaire, dès la notification de l'arrêté (...) et pendant toute la durée du chantier. (...) / Cet affichage mentionne également l'obligation, prévue à peine d'irrecevabilité par l'article R. 600-1, de notifier (...) tout recours contentieux à l'auteur de la décision et au bénéficiaire (...) de la décision prise sur la déclaration préalable ".

5. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'irrecevabilité tirée de l'absence d'accomplissement des formalités de notification prescrites par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ne peut être opposée, en première instance, qu'à la condition, prévue à l'article R. 424-15 du même code, que l'obligation de procéder à cette notification ait été mentionnée dans l'affichage de la déclaration préalable de travaux.

6. En l'espèce, et contrairement à ce que soutient la société Courtano, il ne ressort pas des pièces du dossier que la déclaration préalable ait été régulièrement affichée sur le terrain à la suite de la notification de la décision de non-opposition du 23 novembre 2016, dans les conditions prévues par les dispositions précitées de l'article R. 424-15 du code de l'urbanisme. Si la société se prévaut, en appel, d'une photographie de la devanture annexée à un acte d'huissier du 8 août 2017, sur laquelle apparaît un panneau d'affichage, d'une part cet affichage est postérieur à la fin des travaux en litige, puisque l'huissier constate l'obstruction des nouvelles entrées créées en application de la déclaration préalable, et, d'autre part, il comporte des mentions totalement illisibles. La preuve de l'affichage de la déclaration de travaux, avec les mentions nécessaires, n'est donc pas rapportée et ce défaut d'affichage faisait obstacle à ce que soit opposée aux consorts C...l'irrecevabilité prévue par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme.

7. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le président de la 4ème section du tribunal administratif de Paris a rejeté comme irrecevable la demande dont il était saisi. L'ordonnance du 10 janvier 2018 doit, par suite, être annulée.

8. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par les consorts C...devant le tribunal administratif de Paris.

Sur la légalité de l'arrêté du 23 juillet 2016 :

9. Aux termes de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme : " (...) les déclarations préalables sont adressées par pli recommandé avec demande d'avis de réception ou déposées à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés : / a) Soit par le ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux (...) ". L'article R. 431-35 du même code, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision contestée, dispose : " La déclaration préalable (...) comporte également l'attestation du ou des déclarants qu'ils remplissent les conditions définies à l'article R. 423-1 pour déposer une déclaration préalable (...) ".

10. Il résulte des dispositions précitées que les déclarations préalables de travaux doivent seulement comporter l'attestation du pétitionnaire qu'il remplit les conditions définies à l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme pour procéder aux travaux. Il n'appartient pas à l'autorité compétente de vérifier, dans le cadre de l'instruction de la demande, la validité de l'attestation établie par le pétitionnaire. Toutefois, dans le cas où, en attestant remplir les conditions définies à l'article R. 423-1, le pétitionnaire procède à une manoeuvre de nature à induire l'administration en erreur, la décision de non-opposition qui lui est accordée doit être regardée comme ayant été frauduleusement obtenue et ne peut qu'être annulée.

11. Il ressort des pièces du dossier que la société Courtano a signé la demande de déclaration préalable en août 2016 en indiquant qu'elle remplissait les conditions définies à l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme pour procéder aux travaux, alors qu'elle n'ignorait pas que sa qualité de locataire de l'indivision C...ne l'y autorisait pas et qu'elle n'avait même pas informé les propriétaires du dépôt de cette demande. Il ressort des mentions des baux successifs que les propriétaires attachaient de l'importance à ce que les flux de circulation du magasin se répartissent entre le boulevard Ornano et la rue de Clignancourt avec un unique accès clientèle de chaque côté. La société Courtano, qui a d'ailleurs attendu le renouvellement de son bail en février 2017 pour exécuter les travaux litigieux, ne pouvait ignorer l'opposition des bailleurs à leur réalisation. En attestant remplir les conditions définies à l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme, elle s'est livrée à une manoeuvre de nature à induire l'administration en erreur. La décision de non-opposition du 23 novembre 2016, obtenue par fraude par une personne non habilitée, doit être annulée.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge des consortsC..., qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société Courtano demande au titre des frais qu'elle a exposés. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la société Courtano une somme de 1 500 euros à verser aux consortsC....

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 1714653/4-1 du 10 janvier 2018 du président de la 4ème section du tribunal administratif de Paris et la décision du 23 novembre 2016 du maire de Paris sont annulées.

Article 2 : La société Courtano versera aux consorts C...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions de la société Courtano tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié aux consortsC..., à la société Courtano et à la Ville de Paris.

Délibéré après l'audience du 19 mars 2019, où siégeaient :

- Mme Pellissier, présidente de chambre,

- M. Legeai, premier conseiller,

- Mme Renaudin, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 avril 2019.

Le rapporteur,

M. RENAUDINLa présidente,

S. PELLISSIER

Le greffier,

M. B...

La République mande et ordonne au préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18PA00838 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18PA00838
Date de la décision : 11/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: Mme Mathilde RENAUDIN
Rapporteur public ?: M. BAFFRAY
Avocat(s) : GUERROUF

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-04-11;18pa00838 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award