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01/04/2019 | FRANCE | N°16PA03382

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 01 avril 2019, 16PA03382


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête adressée au Tribunal administratif de Paris puis renvoyée au Tribunal administratif de Melun par ordonnance du 9 mai 2014, Mme D...E...a demandé de condamner la chambre de commerce et d'industrie de Paris - Ile-de-France (CCI de Paris - Ile-de-France) à lui verser la somme de 97 357,55 euros, complétée par les intérêts légaux dus depuis le 17 décembre 2013, en réparation du préjudice subi du fait du refus de modifier la classification de son emploi.

Par un jugement n° 1404517-10

du 19 septembre 2016, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Pr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête adressée au Tribunal administratif de Paris puis renvoyée au Tribunal administratif de Melun par ordonnance du 9 mai 2014, Mme D...E...a demandé de condamner la chambre de commerce et d'industrie de Paris - Ile-de-France (CCI de Paris - Ile-de-France) à lui verser la somme de 97 357,55 euros, complétée par les intérêts légaux dus depuis le 17 décembre 2013, en réparation du préjudice subi du fait du refus de modifier la classification de son emploi.

Par un jugement n° 1404517-10 du 19 septembre 2016, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 21 novembre 2016, le 24 janvier 2019 et le 31 janvier 2019, MmeE..., représentée par MeC..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1404517-10 du 19 septembre 2016 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la CCI de

Paris - Ile-de-France à lui verser la somme de 97 357,55 euros, complétée des intérêts légaux dus depuis le 17 décembre 2013, en réparation du préjudice subi du fait du refus de modifier la classification de son emploi et de mettre à la charge de la CCI de Paris - Ile-de-France la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de condamner la CCI de Paris - Ile-de-France à lui verser une indemnité totale de 132 106,97 euros au titre de ses préjudices matériels et moraux, complétée des intérêts légaux dus depuis le 17 décembre 2013, date de réception de sa demande préalable ;

3°) de mettre à la charge de la CCI de Paris - Ile-de-France la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif n'a pas visé ni pris en compte le mémoire en réplique qu'elle avait déposé avant la clôture de l'instruction et les moyens y afférents ;

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- les premiers juges ont méconnu les règles encadrant la charge de la preuve en matière de contentieux administratif ;

- une faute a été commise par son employeur lors du classement de son emploi au sein de la nouvelle grille de classification intervenu en 2008 ;

- eu-égard à la nature de ses fonctions, elle aurait dû être classée au niveau 6 ou 7 et non

5 C.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 février 2017, la CCI de Paris - Ile-de-France, représentée par la SCP Rocheteau-Uzan conclut au rejet de la requête.

Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé et que les prétendues créances se rattachant aux années antérieures à 2009 sont prescrites.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 52-1131 du 10 décembre 1952 ;

- le statut du personnel de l'assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie, des chambres régionales de commerce et d'industrie, des chambres de commerce et d'industrie et des groupements inter consulaires ;

- l'accord sur la classification nationale des emplois du 28 mars 2006 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Even, président de chambre,

- les conclusions de Madame Oriol, rapporteur public,

- les observations de Me B...pour MmeE...,

- et les observations de Me A...pour la CCI de Paris - Ile-de-France.

Une note en délibéré, présentée pour la CCI de Paris - Ile-de-France, a été enregistrée le

14 mars 2019.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E...a été recrutée par la voie d'un contrat à durée déterminée d'un an par la chambre de commerce et d'industrie de Melun, le 2 mai 1996, en tant que juriste et a été affectée à la direction des actions économiques. Elle a obtenu un contrat à durée déterminée le 2 mai 1997, puis titularisée le 1er décembre 1997, sur le même poste, en tant qu'agent non cadre, chef de section du 1er degré juriste. Elle a occupé à partir de mai 1999, la fonction de consultante au service création-reprise-transmission d'entreprise, puis été nommée à compter du 10 avril 2000 responsable du centre des formalités des entreprises (CFE). Mme E...a demandé à l'autorité compétente d'annuler la décision qui lui a été notifiée le 27 juin 2008 par laquelle la chambre de commerce et d'industrie Paris - Ile de France a procédé au classement de son poste intitulé " chargée de conseil entreprise 1 ", au sein de la nouvelle grille locale de classification, au niveau 5 C " Agent de maîtrise assimilé cadre ", avec affectation d'un coefficient de 415, car elle estime que ce classement ne correspond pas à la réalité de ses fonctions. La décision implicite de rejet, née du silence gardé par l'administration à l'issue d'un délai de deux mois, n'a pas été contestée. Mme E...a, par une demande du 16 décembre 2013, sollicité auprès de son employeur, l'indemnisation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de la faute commise à l'occasion de la classification de son emploi au niveau 5 C et non au niveau 6 ou 7. Elle fait appel du jugement du 19 septembre 2016 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la CCI de

Paris - Ile-de-France à indemniser les conséquences dommageables de cette classification à un niveau insuffisant.

Sur la responsabilité de la CCI :

2. La commission paritaire nationale des chambres de commerce et d'industrie a, par une décision du 28 mars 2006, prise en application des dispositions de l'article 1er de la loi du

10 décembre 1952 aux termes desquelles : " La situation du personnel administratif des chambres d'agriculture, des chambres de commerce et des chambres des métiers de France est déterminée par un statut établi par des commissions paritaires nommées, pour chacune de ces institutions, par le ministre de tutelle ", approuvé un accord portant classification nationale des emplois du personnel statutaire des chambres de commerce et d'industrie. Cette nouvelle grille nationale comporte huit niveaux, regroupant chacun trois échelons auxquels est affecté un indice de qualification. Cet accord a confié aux commissions paritaires locales le soin de classer chaque emploi d'une CCI dans l'un des huit niveaux de la grille de classification nationale, en fonction des cinq critères qu'elle a définis : la responsabilité, la complexité, les connaissances requises, les exigences relationnelles externes et internes et la latitude d'action. Pour la mise en oeuvre locale de cet accord, chaque CCI a créé un " comité de pesée " et une commission paritaire locale, qui a adopté en 2008 une nouvelle grille classant l'ensemble des emplois de la CCI dans la grille de classification nationale, en fonction des cinq critères définis par l'accord du 28 mars 2006. Chaque agent consulaire a été personnellement informé de la nouvelle classification de son poste au sein de cette grille locale. Pour procéder à la répartition de l'ensemble de ses emplois au sein de la grille de classification nationale, la CCI (les CCI) s'est livrée à une opération globale reposant, dans un premier temps, sur la comparaison des emplois les uns par rapport aux autres puis conduisant, dans un second temps, à leur positionnement respectif en fonction des critères définis par l'accord du

28 mars 2006.

3. Il résulte de l'instruction que lorsqu'a été adoptée la nouvelle classification des emplois de la CCI de Paris - Ile-de-France qui lui a été notifiée le 27 juin 2008, Mme E...exerçait la fonction de chargée de conseil aux entreprises, responsable du centre de formalité des entreprises (CFE) de Melun. Elle animait une équipe composée de 4,5 agents et exerçait une autorité hiérarchique à leur égard, notamment en les évaluant et en étant associée à leur recrutement. Elle participait à la détermination des axes de développement de l'activité du CFE et à son organisation générale, en élaborant son propre budget. Les objectifs annuels énoncés dans ses comptes-rendus d'entretiens révèlent que Mme E...a été impliquée dans la mise en oeuvre de plusieurs projets, notamment le paramétrage des nouveaux logiciels du CFE et les échanges de données informatisées au sein de la chambre, lesquels ont un impact sur l'organisation et l'engagement des ressources de la CCI, ce qui nécessitait un degré d'expertise et d'innovation de la part de l'intéressée. Il n'est pas contesté que certains de ses supérieurs hiérarchiques avaient plaidé, dès 2001, en faveur d'une valorisation de ses compétences au niveau cadre. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que les fonctions exercées par l'intéressée contenaient des dimensions de responsabilité, d'expertise, d'innovation, de conception et de stratégie, qui la rendait éligible à la catégorie des cadres au niveau n° 6. La circonstance qu'elle était placée sous l'autorité d'agents dont l'emploi était également classé en 6e catégorie, ne fait pas obstacle à ce que son emploi relève de la même catégorie. La CCI de Paris - Ile-de-France a donc commis une erreur de droit, de fait et d'appréciation en estimant que cet emploi relevait du niveau 5 C de la grille nationale des emplois du personnel des chambres de commerce et d'industrie et non du niveau 6, et donc une faute de nature à engager sa responsabilité.

Sur la prescription :

4. Aux termes de l'article 1er de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics, dispose que " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public ". Aux termes de l'article 2 de la même loi :" La prescription est interrompue par : Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, alors même que l'administration saisie n'est pas celle qui aura finalement la charge du règlement ".

5. Le fait générateur est constitué en matière de rémunération par le service fait. Lorsque la créance s'étale dans le temps, un nouveau délai de prescription doit être calculé au titre du service fait de chaque année, le point de départ étant le 1er janvier de l'année suivant celle au cours de laquelle est née la créance. Les sommes réclamées sont prescrites si elles n'ont pas été payées dans un délai de 4 ans décompté à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis.

6. Il est constant que Mme E...n'a adressé sa demande indemnitaire préalable que le 16 décembre 2013. Par suite, ses créances antérieures à l'année 2009 sont prescrites, et l'intéressée ne peut être indemnisée qu'à compter du 1er janvier 2009, jusqu'à la date du présent arrêt, dans la limite du dernier chiffrage de ses prétentions indemnitaires.

Sur l'évaluation des préjudices :

7. En premier lieu, la Cour ne dispose pas d'éléments suffisants pour chiffrer le préjudice matériel de Mme E...correspondant à l'écart entre ses rémunérations et ses primes et celles qu'elle aurait dû percevoir à compter du 1er janvier 2009 jusqu'à la date du présent arrêt en application de la classification de son emploi en catégorie n° 6. L'intéressée est renvoyée devant la CCI de Paris - Ile-de-France pour qu'il soit procédé à la liquidation de ce préjudice matériel. Ces indemnités seront assorties des intérêts de droit, à compter de la date de réception de la réclamation préalable de Mme E...par la CCI de Paris - Ile-de-France le 17 décembre 2013, en ce qui concerne les sommes dues à cette date, et au fur et à mesure de leurs échéances pour les sommes dues postérieurement.

8. En second lieu, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par

Mme E...en raison de cette reclassification tardive en l'évaluant à la somme de 2 000 euros tous intérêts compris à la date du présent arrêt.

9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur sa régularité, que

Mme E...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'indemnisation et de faire droit à ses conclusions dans les limites définies par le présent arrêt.

Sur les frais de justice :

10. Les dispositions énoncées par l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la Cour mette une somme à la charge de Mme E...au titre des frais exposés par la CCI de Paris - Ile-de-France à l'occasion du présent litige. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en revanche, en application de ces mêmes dispositions, de mettre une somme de 2 000 euros à la charge de la CCI de Paris - Ile-de-France au titre des frais exposés par

Mme E...non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris du 19 septembre 2016 est annulé.

Article 2 : Mme E...est renvoyée devant la CCI de Paris - Ile-de-France pour qu'il soit procédé à la liquidation du préjudice matériel à laquelle elle a droit en application du présent arrêt. Ces indemnités seront assorties des intérêts de droit, à compter de la date de réception de la réclamation préalable de Mme E...par la CCI de Paris - Ile-de-France le 17 décembre 2013, en ce qui concerne les sommes dues à cette date, et au fur et à mesure de leurs échéances pour les sommes dues postérieurement.

Article 3 : La CCI de Paris - Ile-de-France est condamnée à verser une somme de 2 000 (deux mille) euros à Mme E...en réparation de son préjudice moral, tous intérêts compris à la date du présent arrêt.

Article 4 : Une somme de 2 000 (deux mille) euros est mise à la charge de la CCI de Paris -

Ile-de-France sur le fondement de l'article L. 761 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions de la CCI de Paris - Ile-de-France présentées sur ce même fondement sont rejetées.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...E...et à la Chambre de commerce et d'industrie de Paris - Ile-de-France.

Délibéré après l'audience du 12 mars 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Even, président de chambre,

- Mme Hamon, président assesseur,

- Mme d'Argenlieu, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 1er avril 2019.

Le président rapporteur,

B. EVEN Le président assesseur,

P. HAMON

Le greffier,

I. BEDRLa République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 16PA03382


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA03382
Date de la décision : 01/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: M. Bernard EVEN
Rapporteur public ?: Mme ORIOL
Avocat(s) : SCP HERALD

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-04-01;16pa03382 ?
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