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28/03/2019 | FRANCE | N°18PA01161

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 28 mars 2019, 18PA01161


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Cultival a demandé au Tribunal administratif de Paris de lui accorder le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée qu'elle estime avoir reversée à tort pour des montants de 89 827 euros au titre de l'année 2012, de 98 416 euros au titre de l'année 2013 et de 104 999 euros au titre de l'année 2014.

Par un jugement n° 1615408/2-1 du 6 février 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et deux mémoires enr

egistrés respectivement les 6 avril, 24 juillet et

13 novembre 2018, la société Cultival, rep...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Cultival a demandé au Tribunal administratif de Paris de lui accorder le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée qu'elle estime avoir reversée à tort pour des montants de 89 827 euros au titre de l'année 2012, de 98 416 euros au titre de l'année 2013 et de 104 999 euros au titre de l'année 2014.

Par un jugement n° 1615408/2-1 du 6 février 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et deux mémoires enregistrés respectivement les 6 avril, 24 juillet et

13 novembre 2018, la société Cultival, représentée par Me Gérard Orsini, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1615408/2-1 du 6 février 2018 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'ordonner le remboursement sollicité en première instance, avec intérêts

moratoires ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- dès lors qu'elle a conclu des contrats de délégation de service public ou de partenariat avec des personnes morales de droit public dont l'activité est hors du champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée, elle ne doit pas être assujettie à ladite taxe à raison des activités déployées dans le cadre de ces contrats, les personnes publiques conservant la responsabilité du service public et exerçant sur elle un pouvoir de direction et de contrôle de l'activité relative aux droits d'entrée et de visite ;

- le refus de non assujettissement à la taxe des droits d'entrée perçus par elle est en contradiction avec les effets juridiques de la délégation de pouvoir et conduit à une distorsion de concurrence à son détriment, fondée sur les modalités d'exercice des activités ; cette distorsion de concurrence est injustifiée entre deux opérateurs économiques au titre de mêmes prestations : droits d'entrée et visites guidées ; cette distorsion de concurrence fondée sur les modalités d'exercice des activités est contraire à la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union Européenne qui ne vise que la nature des opérations réalisées ;

- le principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée impose un même traitement dès lors qu'il s'agit du même service rendu ; l'exonération de taxe doit donc s'appliquer que l'organisme public exploite directement ou indirectement le service en cause.

Par un mémoire en défense enregistré le 27 juin 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par ordonnance du 18 décembre 2018, la clôture d'instruction a été fixée

au 4 janvier 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Appèche,

- les conclusions de M. Cheylan, rapporteur public,

- et les observations de Me Gérard Orsini, avocat de la société Cultival.

Considérant ce qui suit :

1. La société Cultival, qui exerce une activité de gestion des sites et monuments historiques, a conclu, dans ce cadre, des contrats de délégation de service public et de partenariat avec divers musées et organismes chargés de monuments historiques, aux termes desquels elle facture directement aux clients finaux les droits d'entrée et de visite de ces musées et monuments. Estimant avoir acquitté par erreur la taxe sur la valeur ajoutée collectée sur ces droits d'entrée et de visite, elle a présenté, par lettre du 24 décembre 2014, une demande de remboursement portant sur les années 2012 à 2014. Sa réclamation ayant été rejetée le

13 juillet 2016, la société Cultival a demandé au Tribunal administratif de Paris le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée acquittée pour des montants de 89 827 euros au titre de l'année 2012, 98 416 euros au titre de l'année 2013 et 104 999 euros au titre de l'année 2014. Le Tribunal administratif de Paris ayant rejeté sa demande, par un jugement

n° 1615408/2-1 du 6 février 2018, la société Cultival relève appel de ce jugement.

2. Aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel (...) ". Aux termes de l'article 256 A du même code : " Sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée les personnes qui effectuent de manière indépendante une des activités économiques mentionnées au troisième alinéa, quels que soient le statut juridique de ces personnes, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention. / (...) Les activités économiques visées au premier alinéa se définissent comme toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services (...) ".

3. L'article 256 B du même code dispose : " Les personnes morales de droit public ne sont pas assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée pour l'activité de leurs services administratifs, sociaux, éducatifs, culturels et sportifs lorsque leur non-assujettissement n'entraîne pas de distorsions dans les conditions de la concurrence (...) ".

4. Ces dernières dispositions ont été prises pour la transposition de l'article 13 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 relative au système commun de la taxe sur la valeur ajoutée. Relèvent de l'activité des services culturels d'une personne publique les opérations qui, réalisées par celle-ci dans le cadre du régime juridique qui lui est propre, sont accomplies en qualité d'autorité publique, à l'exclusion des activités qu'elle exerce dans les mêmes conditions juridiques que les opérateurs économiques privés. Ces dispositions impliquent donc que soient assujetties à la taxe les activités et opérations accomplies par les personnes morales de droit public, dans le cas où leur non-assujettissement conduirait à des distorsions de concurrence d'une certaine importance, et ceci alors même qu'elles seraient accomplies en qualité d'autorités publiques. Par un arrêt du 16 septembre 2008, C-288/07, Isle of Wight Council et autres, la Cour de justice des Communautés européennes a jugé que les distorsions de concurrence d'une certaine importance auxquelles conduirait le non-assujettissement des organismes de droit public agissant en tant qu'autorités publiques doivent être évaluées par rapport à l'activité en cause, en tant que telle, sans que cette évaluation porte sur un marché local en particulier.

5. La société Cultival, qui n'est pas une personne morale de droit public, n'est pas fondée à invoquer le bénéfice des dispositions de l'article 256 B rappelées ci-dessus et cela sans qu'il importe que les personnes publiques co-contractantes conservent la responsabilité du service public et exercent sur elle un pouvoir de direction et de contrôle de l'activité relative aux droits d'entrée et de visite. En tout état de cause, l'activité de gestion des droits d'entrée et de visite de musées publics et de monuments historiques même si confiée à la société Cultival en vertu de contrats de délégation de service public, constitue une activité économique propre, distincte des missions confiées par la loi à ces établissements publics, et qui est exercée par elle, personne morale de droit privé, agissant en qualité d'opérateur économique indépendant. En conséquence, les prestations réalisées dans le cadre de cette mission entrent dans le champ de la taxe sur la valeur ajoutée en vertu des articles 256 et 256 A du code général des impôts.

6. La société Cultival invoque une distorsion de concurrence et une méconnaissance du principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée qui résulteraient de ce que les opérations, selon elle de même nature, réalisées par les musées co-contractants ne sont pas passibles de la taxe sur la valeur ajoutée. Si les dispositions de l'article 256 B rappelées ci-dessus subordonnent le non-assujettissement à la taxe des personnes morales de droit public à la condition que celui-ci n'entraîne pas de distorsions dans les conditions de la concurrence, ces dispositions ne sauraient avoir pour objet ni effet, à supposer établies les circonstances alléguées par la société Cultival, d'étendre à son profit le bénéfice de l'exonération prévue par cet article.

7. De tout ce qui précède, il résulte que la société Cultival n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Les conclusions de la requête tendant à l'annulation du jugement et au remboursement de la taxe litigieuse avec intérêts moratoires doivent, par suite, être rejetées. Il en va de même, par voie de conséquence, de celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, l'Etat n'ayant pas dans la présente instance la qualité de partie perdante.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Cultival est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Cultival et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.

Délibéré après l'audience du 13 mars 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Appèche, président assesseur,

- M. Magnard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 mars 2019.

Le rapporteur,

S. APPECHELe président,

I. BROTONS

Le greffier,

S. DALL'AVA

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18PA01161


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA01161
Date de la décision : 28/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Sylvie APPECHE
Rapporteur public ?: M. CHEYLAN
Avocat(s) : TAXLO SOCIETE D'AVOCAT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-03-28;18pa01161 ?
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