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21/03/2019 | FRANCE | N°18PA01787

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 21 mars 2019, 18PA01787


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...C...et Mme D...A...ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 22 juin 2016 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a refusé d'autoriser M. C...à changer son nom en " A... ", ensemble la décision du 14 septembre 2016 rejetant leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1619668/4-3 du 29 mars 2018, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 24 mai 2

018, le 6 juillet 2018 et le 29 janvier 2019, M. C...et MmeA..., représentés par MeF..., de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...C...et Mme D...A...ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 22 juin 2016 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a refusé d'autoriser M. C...à changer son nom en " A... ", ensemble la décision du 14 septembre 2016 rejetant leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1619668/4-3 du 29 mars 2018, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 24 mai 2018, le 6 juillet 2018 et le 29 janvier 2019, M. C...et MmeA..., représentés par MeF..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1619668/4-3 du 29 mars 2018 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler les décisions du 22 juin 2016 et du 14 septembre 2016 du garde des sceaux, ministre de la justice ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros, sur le fondement de l'article

37 de la loi du 10 juillet 1991.

M. C...et Mme A...soutiennent que :

- les décisions sont entachées d'un vice d'incompétence ;

- le nom " A... " a fait l'objet d'un usage constant et continu ;

- des circonstances exceptionnelles d'ordre affectif sont justifiées.

Par un mémoire en défense enregistré le 18 janvier 2019, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.

Le ministre soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris du 5 juillet 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Platillero ;

- et les conclusions de Mme Nguyên Duy, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par une requête publiée au Journal officiel du 18 septembre 2012, MmeA..., agissant au nom de son fils mineur E...C..., né le 10 janvier 1998, a demandé au garde des sceaux, ministre de la justice que soit substitué au patronyme de son fils le nom de " A... ". Par une décision du 22 juin 2016, confirmée par une décision du 14 septembre 2016 rejetant un recours gracieux du 11 août 2016, le garde des sceaux, ministre de la justice a refusé de faire droit à cette demande. M. C...et Mme A...relèvent appel du jugement du 29 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 61 du code civil : " Toute personne qui justifie d'un intérêt légitime peut demander à changer de nom. La demande de changement de nom peut avoir pour objet d'éviter l'extinction du nom porté par un ascendant ou un collatéral du demandeur jusqu'au quatrième degré. Le changement de nom est autorisé par décret ". Des motifs d'ordre affectif peuvent, dans des circonstances exceptionnelles, caractériser l'intérêt légitime requis par l'article

61 du code civil pour déroger aux principes de dévolution et de fixité du nom établis par la loi.

3. Il ressort des pièces du dossier que le divorce des parents de M. C...a été prononcé par un jugement du tribunal de grande instance de Lorient du 23 mars 2000, alors que M. C...était âgé de deux ans. Si ce jugement a accordé un droit de visite et d'hébergement au père, qui l'a initialement exercé, et mis à sa charge une obligation de versement d'une pension alimentaire, il ressort des rapports psychologiques des 31 mars 2003, 11 juin 2004, 14 janvier 2005, ainsi que des certificats médicaux et des attestations produites qu'il a progressivement cessé d'exercer son droit. Par un jugement du tribunal de grande instance de Lorient à la suite d'une audience du 14 septembre 2006, le père de M. C...a été condamné pour ne pas avoir versé la pension alimentaire à laquelle il était obligé et abandon de famille entre 2002 et 2004. Par la suite, une plainte a été déposée à son encontre le 2 septembre 2008 pour ne pas avoir rempli intégralement ses obligations alimentaires. Enfin, lors d'une audition du 1er juillet 2009 devant la cour d'appel de Rennes, M. C...a confirmé qu'il ne voyait jamais son père et n'en gardait pas un bon souvenir. En outre, M.C..., qui fait d'ailleurs usage du nom " A... ", souhaite ne plus porter le nom de son père et se voir attribuer celui de sa mère, qui l'a élevé seule. Dans ces conditions, ces circonstances exceptionnelles sont de nature à caractériser l'intérêt légitime requis pour changer de nom. Par suite, en déniant à M. C...un tel intérêt, le garde des sceaux, ministre de la justice, a fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article 61 du code civil.

4. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que les requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande. Ce jugement et les décisions du 22 juin 2016 et du 14 septembre 2016 du garde des sceaux, ministre de la justice doivent dès lors être annulés.

Sur les frais liés au litige :

5. Aux termes de la loi du 10 juillet 1991 : " (...) Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à payer à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, partielle ou totale, une somme qu'il détermine et qui ne saurait être inférieure à la part contributive de l'Etat, au titre des honoraires et frais non compris dans les dépens que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. / Si l'avocat du bénéficiaire de l'aide recouvre cette somme, il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat (...) " ;

6. M. C... est bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, qui est la partie perdante dans la présente instance, la somme de 1 500 euros à verser à Me F...sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1619668/4-3 du 29 mars 2018 du tribunal administratif de Paris et la décision du 22 juin 2016 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a refusé d'autoriser M. E...C...à changer son nom en " A... ", ensemble la décision du 14 septembre 2016 rejetant le recours gracieux, sont annulés.

Article 2 : L'État (ministère de la justice) versera à Me F...la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E...C..., à Mme D...A...et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 28 février 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Diémert, président de la formation de jugement en application des articles L. 234-3 (premier alinéa) et R. 222-6 (premier alinéa) du code de justice administrative,

- M. Legeai, premier conseiller,

- M. Platillero, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 mars 2019.

Le rapporteur,

F. PLATILLEROLe président,

S. DIÉMERTLe greffier,

M. B...La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18PA01787


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18PA01787
Date de la décision : 21/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

26-01-03 Droits civils et individuels. État des personnes. Changement de nom patronymique.


Composition du Tribunal
Président : M. DIEMERT
Rapporteur ?: M. Fabien PLATILLERO
Rapporteur public ?: Mme NGUYÊN-DUY
Avocat(s) : CABINET GERVAISE DUBOURG

Origine de la décision
Date de l'import : 02/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-03-21;18pa01787 ?
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