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08/03/2019 | FRANCE | N°18PA01015

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 08 mars 2019, 18PA01015


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté en date du 12 octobre 2017 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1716148/1-2 du 21 novembre 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 25 mars 2018, M. D..., r

eprésenté par MeC..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrê...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté en date du 12 octobre 2017 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1716148/1-2 du 21 novembre 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 25 mars 2018, M. D..., représenté par MeC..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ou une carte de séjour temporaire, à défaut, de réexaminer sa situation, dans le délai de 15 jours à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'incompétence de son auteur dès lors qu'il n'est pas justifié de l'existence d'une délégation de pouvoir ou de signature, spéciale et motivée ;

- elle est insuffisamment motivée en droit dès lors que, d'une part, le préfet ne vise aucun des alinéas spécifiques du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, d'autre part, que l'arrêté lui-même ne permet pas de déterminer de quelle catégorie prévue par cet article le requérant relève ;

- elle est insuffisamment motivée en fait et entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle dès lors que le motif relatif à l'irrégularité de son entrée en France est infondé ;

- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet n'a pas examiné la possibilité d'une réadmission en Pologne au titre des accords de Schengen ;

- elle est entachée d'un défaut de base légale dès lors qu'elle est fondée sur le 1° de l'article L. 511-1 I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'il est entré régulièrement en France ; aucune substitution de base légale n'est possible du fait de la différence de garanties procédurales ;

- le préfet a méconnu les droits de la défense en omettant de l'inviter à présenter ses observations avant l'édiction de la mesure d'éloignement ;

- la décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle ;

- il ne présente aucun risque de soustraction à la mesure d'éloignement ;

- le préfet a méconnu les droits de la défense en omettant de l'inviter à présenter ses observations avant l'édiction de la décision portant obligation de quitter le territoire à destination de son pays d'origine alors qu'il avait des éléments pertinents à faire valoir.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit de mémoire en défense.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 9 février 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention du 19 juin 1990 modifiée d'application de l'accord de Schengen conclu le 14 juin 1985 ;

- le règlement (UE) n° 265/2010 du Parlement européen et du Conseil du 25 mars 2010 modifiant la convention d'application de l'accord de Schengen et le règlement (CE) n° 562/2006 en ce qui concerne la circulation des personnes titulaires d'un visa de long séjour ;

- l'arrêté interministériel du 9 mars 1995 relatif à la déclaration d'entrée sur le territoire ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mantz,

- et les conclusions de Mme Jayer, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., de nationalité malienne, né en 1985, titulaire d'un visa de type D (long séjour) à entrée unique, est entré en Pologne le 1er octobre 2016, afin de parfaire sa formation d'ingénieur en géologie, dans le cadre d'un programme d'études financé par l'Unesco. Suite à l'obtention, le 27 mars 2017, de son certificat de fin d'études en Pologne, il est entré en France le 30 mars 2017. Par un arrêté du 12 octobre 2017, le préfet de la Seine-Saint-Denis a pris à son encontre une obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination. M. D... relève appel du jugement du 21 novembre 2017 par lequel le magistrat désigné du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. Il ressort de l'arrêté n° 17-0298 du 2 février 2017, donnant délégation de signature à Mme E...A..., directrice des migrations et de l'intégration, régulièrement publié au bulletin d'informations administratives de la Seine-Saint-Denis du même jour, que le préfet de la Seine-Saint-Denis a délégué sa signature à MmeF..., attachée principale d'administration de l'Etat, chef du bureau de l'éloignement et du contentieux, en cas d'absence ou d'empêchement de Mme A..., aux fins de signer les décisions relatives aux mesures d'éloignement des étrangers. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de l'arrêté contesté doit être écarté.

3. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ". Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ". Et aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

4. Il ressort de l'examen de l'obligation de quitter le territoire français attaquée que celle-ci vise notamment les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et précise les motifs pour lesquels M. D... ne peut être regardé comme étant entré régulièrement sur le territoire français. Ces derniers révèlent de manière claire, alors même que les visas de la décision ne le font pas apparaître, que M. D... entre dans la catégorie prévue par les dispositions susvisées du 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La décision mentionne également que, compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce, la mesure ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé à sa vie privée et familiale et que celui-ci n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine ou dans son pays de résidence habituelle. Par suite, la décision, qui énonce les circonstances de droit et de fait qui en constituent le fondement, est suffisamment motivée au regard des exigences des dispositions précitées du code des relations entre le public et l'administration, lesquelles se sont substituées, à compter du 1er janvier 2016, à celles des articles 1 et 3 de la loi du 11 juillet 1979.

5. D'une part, aux termes de l'article 18 de la convention d'application de Schengen, dans sa rédaction résultant du règlement n° 265/2010 du Parlement européen et du Conseil du 25 mars 2010 susvisé : " 1. Les visas pour un séjour de plus de trois mois (ci-après dénommés "visas de long séjour") sont des visas nationaux délivrés par l'un des Etats membres selon sa propre législation ou selon la législation de l'Union. Ces visas sont délivrés selon le modèle type de visa instauré par le règlement (CE) n° 1683/95 du Conseil (*), avec spécification du type de visa par inscription de la lettre "D" en en-tête (...) ". Aux termes de l'article 21 de la même convention, dans sa rédaction résultant également du règlement n° 265/2010 : " 1. Les étrangers titulaires d'un titre de séjour délivré par un des Etats membres peuvent, sous le couvert de ce titre ainsi que d'un document de voyage, ces documents étant en cours de validité, circuler librement pour une durée n'excédant pas trois mois sur toute période de six mois sur le territoire des autres Etats membres, pour autant qu'ils remplissent les conditions d'entrée visées à l'article 5, paragraphe 1, points a), c) et e), et du règlement (CE) n° 562/2006 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) et qu'ils ne figurent pas sur la liste de signalement nationale de l'Etat membre concerné. / 2 bis. Le droit à la libre circulation prévu au paragraphe 1 s'applique également aux étrangers titulaires d'un visa de long séjour en cours de validité qui a été délivré par l'un des Etats membres conformément à l'article 18 ". Aux termes de l'article 22 de cette convention : " 1. Les étrangers entrés régulièrement sur le territoire d'une des Parties Contractantes sont tenus de se déclarer, dans les conditions fixées par chaque Partie Contractante, aux autorités compétentes de la Partie Contractante sur le territoire de laquelle ils pénètrent. Cette déclaration peut être souscrite au choix de chaque Partie Contractante, soit à l'entrée, soit, dans un délai de trois jours ouvrables à partir de l'entrée, à l'intérieur du territoire de la Partie Contractante sur lequel ils pénètrent. / 2. Les étrangers résidant sur le territoire de l'une des Parties Contractantes et qui se rendent sur le territoire d'une autre Partie Contractante sont astreints à l'obligation de déclaration visée au paragraphe 1. (...) ".

6. D'autre part, aux termes de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation aux articles L. 213-2 et L. 213-3, L. 511-1 à L. 511-3, L. 512-1, L.512-3, L. 512-4, L. 513-1 et L. 531-3, l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 211-1 et L. 311-1 peut être remis aux autorités compétentes de l'Etat membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire, ou dont il provient directement, en application des dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec les Etats membres de l'Union européenne, en vigueur au 13 janvier 2009 (...) ". Aux termes de l'article L. 531-2 du même code : " L'article L. 531-1 est applicable à l'étranger qui, en provenance du territoire d'un Etat partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990, est entré ou a séjourné sur le territoire métropolitain sans se conformer aux dispositions des articles 19, paragraphe 1 ou 2, 20, paragraphe 1, ou 21, paragraphe 1 ou 2, de cette convention ou sans souscrire, au moment de l'entrée sur ce territoire, la déclaration obligatoire prévue par l'article 22 de la même convention, alors qu'il était astreint à cette formalité ". Aux termes de l'article R. 211-32 de ce code : " La déclaration obligatoire mentionnée à l'article L. 531-2 est, sous réserve des dispositions de l'article R. 212-6, souscrite à l'entrée sur le territoire métropolitain par l'étranger qui n'est pas ressortissant d'un Etat membre de la Communauté européenne et qui est en provenance directe d'un Etat partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 ". Aux termes de l'article R. 212-6 dudit code : " L'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse n'est pas astreint à la déclaration d'entrée sur le territoire français : 1° S'il n'est pas assujetti à l'obligation du visa pour entrer en France en vue d'un séjour d'une durée inférieure ou égale à trois mois ; 2° Ou s'il est titulaire d'un titre de séjour en cours de validité, d'une durée supérieure ou égale à un an, qui a été délivré par un Etat partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 ; toutefois, la déclaration doit être souscrite par les résidents d'Etats tiers qui sont désignés par arrêté du ministre chargé de l'immigration ". Aux termes de l'article R. 211-33 de ce code : " La déclaration d'entrée sur le territoire français est souscrite auprès des services de la police nationale ou, en l'absence de tels services, des services des douanes ou des unités de la gendarmerie nationale. A cette occasion, un récépissé est remis à l'étranger. Il peut être délivré par apposition d'une mention sur le document de voyage. L'étranger assujetti à l'obligation de déclaration doit être en mesure de justifier, à toute réquisition des agents de l'autorité, qu'il a satisfait à cette obligation, par la production de ce récépissé. Les modalités d'application du présent article, et notamment les mentions de la déclaration et son lieu de souscription, sont fixées par arrêté conjoint du ministre de l'intérieur et du ministre chargé de l'immigration. ". Enfin, l'article 3 de l'arrêté du 9 mars 1995 susvisé dispose : " La déclaration est souscrite auprès des services de police ou, à défaut, de douane ou des unités de gendarmerie nationale présents à la frontière. Elle peut aussi être sans délai souscrite auprès d'un commissariat de sécurité publique ou d'une brigade de gendarmerie nationale. ".

7. Il résulte des dispositions précitées qu'un étranger qui n'est pas ressortissant d'un Etat membre de l'union européenne et qui est en provenance directe d'un Etat partie à la convention signée à Schengen justifie d'une entrée régulière sur le territoire français lorsque cette entrée s'effectue durant la durée de validité d'un visa de long séjour délivré par un Etat partie à ladite convention et que l'intéressé a souscrit à son entrée sur le territoire français la déclaration mentionnée à l'article L. 531-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ressort des pièces du dossier que le visa de M. D..., qui comporte l'indication " D ", est un visa de long séjour, délivré le 29 septembre 2016 par les autorités polonaises à Alger, et valable pour la période du 1er octobre 2016 au 14 avril 2017, pour un séjour de 196 jours maximum. Si M. D... justifie être entré sur le territoire français le 30 mars 2017, soit durant la durée de validité de son visa, il ne justifie en revanche pas avoir souscrit une déclaration d'entrée sur le territoire français, à défaut notamment de production du récépissé mentionné à l'article R. 211-33 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite et contrairement à ce qu'il soutient, M. D... ne peut être regardé comme étant entré régulièrement en France. Dès lors, le préfet de la Seine-Saint-Denis a pu légalement prendre à son encontre une obligation de quitter le territoire français sur le fondement des dispositions du 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il s'ensuit que les moyens tirés d'un défaut d'examen sérieux de la situation personnelle de l'intéressé ainsi que d'un défaut de base légale doivent être écartés.

8. Il ressort des dispositions qui précèdent des articles L. 511-1, L. 531-1 et L. 531-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le champ d'application des mesures obligeant un étranger à quitter le territoire français et celui des mesures de remise d'un étranger à un autre Etat ne sont pas exclusifs l'un de l'autre et que le législateur n'a pas donné à l'une de ces procédures un caractère prioritaire par rapport à l'autre. Il s'ensuit que, lorsque l'autorité administrative envisage une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger dont la situation entre dans le champ d'application de l'article L. 531-1 ou du deuxième alinéa de l'article L. 531-2, elle peut légalement soit le remettre aux autorités compétentes de l'Etat membre de l'Union européenne ou partie à la convention d'application de l'accord de Schengen d'où il provient, sur le fondement des articles L. 531-1 et suivants, soit l'obliger à quitter le territoire français sur le fondement de l'article L. 511-1. Ces dispositions ne font pas non plus obstacle à ce que l'administration engage l'une de ces procédures alors qu'elle avait préalablement engagé l'autre. Toutefois, si l'étranger demande à être éloigné vers l'Etat membre de l'Union européenne ou partie à la convention d'application de l'accord de Schengen d'où il provient, il appartient au préfet d'examiner s'il y a lieu de reconduire en priorité l'étranger vers cet Etat ou de le réadmettre dans cet Etat.

9. M. D... soutient que la décision litigieuse est entachée d'erreur de droit dès lors que le préfet n'a pas examiné la possibilité d'une réadmission en Pologne au titre des accords de Schengen. S'il doit être ainsi regardé comme invoquant, non pas ces accords, qui ne sont pas pertinents en l'espèce, mais l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il résulte de ce qui a été dit au point 6 que ces dernières dispositions étaient applicables à la situation de M. D..., qui, en provenance du territoire d'un Etat partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990, est entré en France sans souscrire, au moment de l'entrée sur ce territoire, la déclaration obligatoire prévue par l'article 22 de la même convention, alors qu'il était astreint à cette formalité, en vertu des dispositions susvisées de l'article

R. 211-32 du même code. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que, préalablement à l'édiction de la meure d'éloignement, M. D... ait demandé à être éloigné vers l'Etat membre de l'Union européenne d'où il provient, à savoir la Pologne. A l'inverse, il ressort de l'audition de l'intéressé par les services de police du 12 octobre 2017 à 15 heures 05, dans le cadre de sa retenue aux fins de vérification de sa situation administrative, qu'à la question qui lui a été posée par l'officier de police judiciaire visant à savoir vers quel pays il souhaitait être reconduit, M. D... a répondu que, dans l'hypothèse où il devrait quitter la France, il préférerait partir au Mali. Dans ces conditions, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'était pas tenu d'examiner s'il y avait lieu de le reconduire en priorité vers la Pologne ou de le réadmettre dans cet Etat, avant de prendre à son encontre une obligation de quitter le territoire français. Il s'ensuit que le moyen doit être écarté.

10. M. D... soutient en outre que le préfet a méconnu les droits de la défense en omettant de l'inviter à présenter ses observations avant l'édiction de la mesure d'éloignement à destination de son pays d'origine. Le requérant doit ainsi être regardé comme invoquant le défaut d'une procédure contradictoire préalable, telle que prévue par l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration. Il ressort toutefois des dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à un étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français. Dès lors, l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, imposant de façon générale le respect d'une procédure contradictoire en préalable aux décisions individuelles soumises à l'exigence de motivation, ne peut être utilement invoqué à l'encontre d'une telle mesure d'éloignement. Il ressort en tout état de cause des pièces du dossier que M. D... a pu faire valoir ses observations lors de l'audition susmentionnée où il a, notamment, été invité à s'exprimer sur ses préférences au sujet du pays de destination de la mesure d'éloignement susceptible d'être prise à son encontre. Par suite, le moyen tiré du défaut d'une procédure contradictoire préalable, en tant qu'il est dirigé contre la décision portant obligation de quitter le territoire français, doit être écarté.

11. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Si M. D... invoque les stipulations qui précèdent, il ne fait état d'aucune vie familiale en France, alors qu'il ressort des pièces du dossier que son épouse et ses deux enfants résident au Mali. En outre, la circonstance que l'intéressé a le souhait de poursuivre ses études en France, n'a pas fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement et ne trouble pas l'ordre public n'est pas de nature à faire regarder l'obligation de quitter le territoire français comme ayant porté à son droit au respect de sa vie privée une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels ladite mesure a été prise. Celle-ci n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

12. Pour les mêmes motifs que ceux évoqués au point 10, M. D... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait, en prenant la décision attaquée, commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle.

En ce qui concerne la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :

13. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce (...) qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale (...) h) Si l'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ".

14. La décision susmentionnée est motivée par la circonstance que M. D... ne bénéficie pas de garanties de représentation effective suffisantes, qu'il a déclaré se maintenir irrégulièrement sur le territoire français depuis mars 2017, qu'il n'a effectué aucune démarche administrative et n'a donc pas montré sa volonté de régulariser sa situation, qu'il a déclaré un lieu de résidence effective sans justifier y demeurer de manière stable et régulière et, enfin, qu'il a indiqué souhaiter rester sur le territoire français. Il résulte de ce qui précède que cette décision, qui doit être regardée comme fondée sur les a), f) et h) du 3° du 3ème alinéa du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle est, par suite, suffisamment motivée au regard des exigences des dispositions précitées du code des relations entre le public et l'administration, alors même qu'elle n'a pas expressément visé le II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

15. M. D... soutient qu'il ne présentait, à la date de la décision attaquée, aucun risque de fuite dès lors que son passeport avait été remis aux services de police et qu'il est pris en charge et hébergé par son oncle à Paris. S'il ressort des pièces du dossier que, lors de son audition par les services de police, M. D... a décliné son adresse précise, il n'a, toutefois, produit aucune pièce de nature à justifier du caractère effectif et permanent de cette résidence. En outre, il est constant que l'intéressé qui, ainsi qu'il a été dit au point 6, ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour. En revanche, il ne résulte ni du procès-verbal de l'audition susévoquée ni d'aucune autre pièce du dossier que M. D... aurait explicitement déclaré son intention de rester sur le territoire français. Le préfet ne pouvait, dès lors, lui opposer un motif tiré de ce qu'il aurait indiqué souhaiter rester sur ce territoire. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le préfet aurait pris la même décision à l'égard du requérant s'il ne s'était fondé que sur les deux motifs valides précités, tirés des a) et f) du 3° du 3ème alinéa du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui suffisaient à fonder légalement la privation d'un délai de départ volontaire.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

16. Pour les mêmes motifs que ceux évoqués au point 9, M. D... ne peut utilement invoquer le moyen tiré de la méconnaissance de la procédure contradictoire préalable, en tant qu'il est dirigé contre la décision fixant le pays de destination.

17. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à se plaindre de ce que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 octobre 2017 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français sans délai. Ses conclusions aux fins d'annulation doivent, par suite, être rejetées.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

18. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions aux fins d'annulation présentées par M. D..., n'appelle, par lui-même, aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction présentées par le requérant doivent être également rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que M. D... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera délivrée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 15 février 2019 à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, président de chambre,

- Mme Julliard, présidente-assesseure,

- M. Mantz, premier conseiller,

Lu en audience publique le 8 mars 2019.

Le rapporteur,

P. MANTZ

Le président,

M. HEERS

Le greffier,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18PA01015


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA01015
Date de la décision : 08/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: M. Pascal MANTZ
Rapporteur public ?: Mme JAYER
Avocat(s) : KWEMO

Origine de la décision
Date de l'import : 19/03/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-03-08;18pa01015 ?
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