La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/03/2019 | FRANCE | N°17PA02397

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 05 mars 2019, 17PA02397


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Huet Location a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner la Philharmonie de Paris à lui verser une somme de 130 000 euros, augmentée des intérêts au taux légal, au titre des prestations qu'elle a effectuées dans le cadre du marché de travaux, signé le 25 janvier 2011, passé pour la construction, la maintenance et l'entretien d'un équipement musical, dans le parc de la Villette à Paris (75019).

Par un jugement n°1607262/4-1 du 18 mai 2017, le Tribunal administratif de

Paris a rejeté sa demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Huet Location a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner la Philharmonie de Paris à lui verser une somme de 130 000 euros, augmentée des intérêts au taux légal, au titre des prestations qu'elle a effectuées dans le cadre du marché de travaux, signé le 25 janvier 2011, passé pour la construction, la maintenance et l'entretien d'un équipement musical, dans le parc de la Villette à Paris (75019).

Par un jugement n°1607262/4-1 du 18 mai 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 14 juillet 2017, la société Huet Location, représentée par MeB..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 18 mai 2017 ;

2°) de condamner la Philharmonie de Paris à lui verser une somme de 130 000 euros, augmentée des intérêts au taux légal ;

3°) de mettre à la charge de la Philharmonie de Paris le versement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué a, à tort, rejeté sa demande comme portée devant une juridiction incompétente ;

- il a, à tort, estimé que l'association Philharmonie de Paris était soumise aux dispositions de l'ordonnance n°2005-649 du 6 juin 2005 ;

- il a, à tort, considéré qu'elle avait, en concluant le contrat du 25 janvier 2011, agi pour son propre compte, et non comme mandataire des collectivités publiques qui en sont membres fondateurs ;

- il a, à tort, refusé de la regarder comme " transparente " ;

- il a, à tort, écarté comme indifférent le caractère de travaux publics, des travaux qu'elle a réalisés ;

- la société Huet Location est fondée à demander le paiement par la Philharmonie de Paris de la somme de 130 000 euros, correspondant aux prestations non payées du marché de travaux signé le 25 janvier 2011, sur le fondement contractuel que constitue la convention de délégation de paiement signée le 19 février 2015 entre elle-même, la Philharmonie de Paris et la société Belgo-Metal ;

- subsidiairement, la société Huet Location est fondée à demander le paiement de la même somme dans le cadre de l'action directe prévue au titre III de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 ;

- la réduction de 150 000 euros à 20 000 euros, du montant de ses prestations, convenue à son insu par le maître d'ouvrage et par la société Bouygues-Bâtiments Ile-de-France ne lui est pas opposable.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 26 octobre 2017 et le 18 janvier 2018, l'établissement public de la Cité de la musique-Philharmonie de Paris, représenté par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce que le versement de la somme de 10 000 euros soit mis à la charge de la société Huet Location sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par un mémoire en réplique, enregistré le 27 décembre 2017, la société Huet Location conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens.

Elle soutient en outre que l'association Philharmonie de Paris exerçait une activité de service public ainsi que le Tribunal administratif de Paris l'a jugé dans son jugement n° 1606380 du 13 juillet 2017.

Par une ordonnance du 27 décembre 2017, la clôture de l'instruction a été fixée au 18 janvier 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier (MURCEF) ;

- l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics ;

- la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance ;

- le décret n° 2015-1178 du 24 septembre 2015 relatif à l'établissement public de la Cité de la musique-Philharmonie de Paris ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Niollet,

- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,

- les observations de MeB..., pour la société Huet Location,

- et les observations de MeA..., pour l'établissement public de la Cité de la musique-Philharmonie de Paris.

Une note en délibéré, enregistrée le 21 février 2019, a été présentée par Me B...pour la société Huet Location.

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte de l'instruction que l'association Philharmonie de Paris, association régie par la loi du 1er juillet 1901, a signé, le 25 janvier 2011, avec un groupement d'entreprises constitué par les sociétés Bouygues-Bâtiments Ile-de-France, Belgo-Metal et Kyotec Group, un marché de travaux, pour la construction, la maintenance et l'entretien d'un équipement musical, dans le parc de la Villette à Paris (75019). Par un acte spécial de sous-traitance en date du 19 février 2015, l'association Philharmonie de Paris a accepté l'intervention de la société Huet Location en tant que sous-traitante de la société Belgo-Metal pour la " pose de tôles pare fumée + cheminements pompier + garde-corps ". Par le même acte, la société Belgo-Metal a délégué au maître d'ouvrage, l'association Philharmonie de Paris, le paiement à la société Huet Location des sommes dues au titre de l'acte de sous-traitance. La société Huet Location, estimant que seuls 20 000 euros lui avaient été payés sur les 150 000 euros prévus à l'acte de sous-traitance du 19 février 2015, a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner la Philharmonie de Paris à lui verser une somme de 130 000 euros, augmentée des intérêts au taux légal. Par un jugement du 18 mai 2017, le tribunal administratif a rejeté sa demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître. La société Huet Location fait appel de ce jugement.

2. Aux termes de l'article 2 des statuts de l'association Philharmonie de Paris : " L'Association se donne pour but : / 1. d'assurer la maîtrise d'ouvrage de la construction de la Philharmonie sur le site du Parc de la Villette, à Paris, 19ème arrondissement ; / 2. d'assurer l'exploitation de la Philharmonie auprès d'un large public, conformément aux principes qui seront définis par l'Association conformément aux présents statuts ; / 3. de conclure à cette fin tous les contrats nécessaires à ses missions, et notamment d'organiser le concours d'architecture, et plus généralement de passer tous les marchés de travaux, fournitures et services que nécessiteront la construction et l'exploitation de l'ouvrage ; 4. de reprendre, le cas échéant, à sa charge l'exécution des contrats en cours d'exécution conclus par ses membres et tendant à la construction ou l'exploitation de la Philharmonie (...) ". Aux termes de l'article 3 de ces statuts : " (...) Les membres fondateurs de l'Association sont / - l'Etat, et / - la Ville de Paris. / Pour devenir membre de l'Association, toute personne physique ou morale candidate doit recevoir l'agrément de l'assemblée générale. / Le premier président de l'Association désigné par les membres de droit au moment de la signature des présents statuts, a qualité de membre de l'Association pour la durée de son mandat. / Le premier trésorier de l'Association, désigné par les membres de droit au moment de la signature des présents statuts, a qualité de membre de l'Association pour la durée de son mandat (...) ".

2. D'une part, contrairement à ce que soutient la société Huet Location, ni ces dispositions des statuts de l'association Philharmonie de Paris, ni aucune autre pièce du dossier ne peuvent être interprétées comme lui donnant un mandat de l'Etat ou de la ville de Paris en vue de la passation des contrats nécessaires à l'exécution de ses missions.

3. D'autre part, si l'association Philharmonie de Paris a été créée à leur initiative, ni l'Etat, ni la ville de Paris ne détient seul la majorité des voix à son conseil d'administration ou à son assemblée générale, et ne fournit une part majoritaire de ses ressources. En outre, l'article 15 des statuts, relatif à la dissolution de l'association, prévoit la dévolution de son patrimoine, non à l'Etat ou à la ville de Paris, mais à l'établissement public créé pour lui succéder. L'association ne peut, dans ces conditions, être regardée comme "transparente".

4. Il résulte de ce qui vient d'être dit aux points 3 et 4 que le marché signé le 25 janvier 2011 entre l'association Philharmonie de Paris, qui est dotée d'une personnalité morale distincte de celle de chacun de ses membres, et le groupement d'entreprises constitué par les sociétés Bouygues-Bâtiments Ile-de-France, Belgo-Metal et Kyotec Group, lesquelles sont toutes des personnes privées, est un contrat de droit privé. Les litiges nés de l'exécution de ce marché relèvent donc de la compétence de la juridiction judiciaire.

5. La société Huet Location ne saurait utilement faire valoir que l'association Philharmonie de Paris aurait exercé une mission d'intérêt général ou une activité de service public, que le marché mentionné ci-dessus aurait porté sur des travaux publics et qu'il n'aurait, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif, pas été soumis aux dispositions de l'ordonnance du 6 juin 2005 visée ci-dessus.

6. Compte tenu de ce qui a été dit au point 5 du présent arrêt, du marché signé par l'association Philharmonie de Paris le 25 janvier 2011 avec le groupement d'entreprises constitué par les sociétés Bouygues-Bâtiments Ile-de-France, Belgo-Metal et Kyotec Group, le contrat par lequel la société Belgo-Metal a sous-traité certaines prestations à la société Huet Location est un contrat de droit privé. Dès lors, l'action en paiement direct introduite par la société sous-traitante sur le fondement des dispositions du titre III de la loi du 31 décembre 1975 visée ci-dessus, à l'encontre du maître de l'ouvrage, qui l'a acceptée, relève comme l'action fondée sur le contrat de délégation de paiement signé le 19 février 2015 entre la Philharmonie de Paris, la société Belgo-Metal et la société Huet Location, de la compétence de la juridiction judiciaire.

7. Il résulte de ce qui précède que la société Huet Location n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'établissement public de la Cité de la musique-Philharmonie de Paris qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que la société Huet Location demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la société Huet Location le versement d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par l'établissement public de la Cité de la musique-Philharmonie de Paris et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Huet Location est rejetée.

Article 2 : La société Huet Location versera à l'établissement public de la Cité de la musique-Philharmonie de Paris une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Huet Location et à l'établissement public de la Cité de la musique-Philharmonie de Paris.

Délibéré après l'audience du 19 février 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- M. Pagès, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 mars 2019.

Le rapporteur,

J-C. NIOLLETLe président,

O. FUCHS TAUGOURDEAU

Le greffier,

P. TISSERAND

La République mande et ordonne au préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17PA02397


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA02397
Date de la décision : 05/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Compétence - Répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction - Compétence déterminée par un critère jurisprudentiel - Contrats - Contrats de droit privé - Contrats conclus entre personnes privées.

Marchés et contrats administratifs - Notion de contrat administratif - Nature du contrat - Contrats n'ayant pas un caractère administratif - Contrats passés entre personnes privées.


Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: M. Jean-Christophe NIOLLET
Rapporteur public ?: M. BAFFRAY
Avocat(s) : CABINET VFT

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-03-05;17pa02397 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award