Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société SMAC a demandé au Tribunal administratif de Paris :
1°) à titre principal, de condamner solidairement SNCF Mobilités et SNCF Réseau à lui verser une somme de 190 790,60 euros correspondant au solde d'un marché de travaux portant sur la réfection de la toiture de la gare de Mulhouse avec intérêts au taux légal et capitalisation de ces intérêts ;
2°) à titre subsidiaire, de condamner solidairement SNCF Mobilités et SNCF Réseau à lui verser la même somme amputée des pénalités de retard, après en avoir modéré le montant.
Par un jugement n°1508896/4-2 du 26 mai 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de la société SMAC et a partiellement fait droit aux conclusions reconventionnelles de SNCF Réseau en condamnant la société SMAC à lui verser une somme de 12 851,28 euros avec intérêts au taux légal à compter du 18 décembre 2014 et capitalisation de ces intérêts.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 19 juin 2017, la société SMAC, représentée par MeC..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 26 mai 2017 ;
2°) à titre principal, de condamner SNCF Réseau à lui verser une somme de 190 790,60 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 28 septembre 2014 et capitalisation de ces intérêts, correspondant au solde du marché mentionné ci-dessus ;
3°) à titre subsidiaire, de condamner SNCF Réseau à lui verser la même somme amputée des pénalités de retard, après en avoir modéré le montant ;
4°) de mettre à la charge de SNCF Réseau le versement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué a, à tort, regardé comme sans incidence la circonstance qu'il lui a été proposé, à titre transactionnel, de réduire le montant des pénalités à hauteur du montant restant dû au titre du solde du marché, égal à 190 790,60 euros ;
- il a, à tort confirmé l'application des pénalités de retard pour un montant de 241 800 euros, en raison de l'interruption des travaux motivée par l'absence de production de la documentation technique demandée par la société Socotec, prestataire de la SNCF, préalablement aux travaux de reprise ;
- le retard pris dans la reprise des désordres constatés le 22 juillet 2013 résulte d'abord de l'impossibilité pour son sous-traitant d'accéder au chantier en raison de l'opposition de la SNCF, ce avant même l'intervention de la société Socotec ;
- le retard pris dans la réception des travaux résulte ensuite des demandes infondées de la société Socotec, quant à la méthode employée, alors que cette méthode avait été acceptée par le maitre d'oeuvre lors de l'attribution du marché, puis par le contrôleur technique, et alors que, ni l'intervention de cette société, ni la fourniture des documents sollicités, n'étaient contractuellement prévues ;
- ces documents ne lui ont été demandés pour la première fois que par l'ordre de service n° 12 du 4 décembre 2013, alors que les opérations préalables à la réception avaient eu lieu le 22 juillet 2013 ; il ne lui était demandé de les fournir que le 18 décembre 2013 ; les pénalités n'étaient donc pas dues pour la période de 149 jours courant du 22 juillet 2013 au 18 décembre 2013 ;
- les pénalités ne sont pas non plus dues pour la période de 176 jours allant du 6 mars 2014 au 29 aout 2014, pour laquelle le retard s'explique par les " demandes toujours plus poussées " du contrôleur technique, la société Dekra ;
- les pénalités ne pouvaient être éventuellement appliquées que pour une période de 78 jours, conduisant à retenir un montant de 49 800 euros ;
- subsidiairement, les pénalités ne pouvaient être appliquées ni au taux de 600 euros par jour de retard prévu en cas de retard dans l'exécution des travaux, ni au taux de 150 euros par jour de retard prévu en cas de retard dans la fourniture de documents, qui ne peut recevoir application s'agissant de documents ne figurant pas parmi ceux que la SNCF peut demander selon les pièces contractuelles ; si les pénalités devaient être confirmées, elles devraient être calculées selon ce second taux pour un montant de 11 700 euros pour une période de 78 jours ;
- très subsidiairement, les pénalités de retard dont le montant représente 60,52 % de celui du marché, appliquées alors que les travaux de reprise ont été effectués dans les trois jours à partir du moment où il a été possible pour son sous-traitant d'intervenir, revêtent un caractère manifestement excessif.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 septembre 2018, SNCF Réseau et SNCF Mobilités, représentés par MeB..., concluent au rejet de la requête et à ce que le versement de la somme de 4 000 euros soit mis à la charge de la société SMAC sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 10 septembre 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 4 octobre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code des transports ;
- la loi n° 2014-872 du 4 août 2014 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Niollet,
- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,
- les observations de MeA..., pour la société SMAC,
- et les observations de MeB..., pour SNCF Réseau et SNCF Mobilités.
Considérant ce qui suit :
1. Il résulte de l'instruction que la société SMAC s'est vu attribuer par la SNCF trois lots d'un marché de travaux, conclu le 21 septembre 2012, portant sur des travaux d'étanchéité-zinguerie, de serrurerie et de peinture en vue de la réfection de la gare de Mulhouse. La réception des travaux a été prononcée le 29 septembre 2014, avec effet au 29 août 2014. Lors de l'établissement des comptes entre les parties, la SNCF a déduit du montant du marché figurant sur le projet de décompte établi par la société SMAC, des pénalités de retard de 350 400 euros correspondant à 584 jours de retard. La société ayant contesté ces pénalités, la SNCF a accepté, par décision du 25 février 2015, de réduire ce montant de 108 600 euros à raison de 181 jours de suspension de chantier qui n'avaient pas été pris en compte, et n'a maintenu les pénalités que pour un montant de 241 800 euros correspondant à 403 jours de retard pour la période du 22 juillet 2013 au 29 août 2014. La société SMAC a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner solidairement SNCF Mobilités et SNCF Réseau à lui verser une somme de 190 790,60 euros correspondant selon elle au solde du marché. Par un jugement du 26 mai 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande et a partiellement fait droit aux conclusions reconventionnelles de SNCF Réseau en condamnant la société SMAC à lui verser une somme de 12 851,28 euros toutes taxes comprises, avec intérêts au taux légal à compter du 18 décembre 2014 et capitalisation de ces intérêts. La société SMAC fait appel de ce jugement.
2. Aux termes de l'article 6 du cahier des prescriptions spéciales du marché litigieux : " Le présent contrat entre en vigueur à la date de signature de la commande par la PRM [personne responsable du marché] (...) / Les travaux sont à exécuter dans un délai global de 88 jours (études et travaux) de calendrier à compter de la date de début des travaux fixée par ordre de service (...) ". L'article 13 du même cahier fixe à 600 euros par jour de retard à compter du premier jour de retard le montant des pénalités applicables en cas de dépassement de ce délai.
3. Il résulte de l'instruction que le maitre d'oeuvre a, le 22 juillet 2013, proposé à la SNCF de refuser la réception des travaux en se fondant sur la nécessité de travaux de reprise du complexe d'étanchéité de la marquise du quai n° 4, ainsi que sur l'absence de dossier des ouvrages exécutés. Le procès-verbal des opérations préalables à la réception et la décision refusant la réception ont été notifiés à la société SMAC par ordres de service n° 10 et n° 11 du 22 août et du 3 septembre 2013. Un rapport de diagnostic réalisé le 2 octobre 2013, à la demande de la SNCF, par la société Socotec à la suite d'une visite sur place effectuée le 25 septembre 2013 a relevé 55 désordres affectant la marquise, en indiquant que ces désordres peuvent résulter soit d'une incompatibilité des produits employés avec le support existant, soit d'une mauvaise mise en oeuvre de ces produits, l'insuffisance de la documentation technique produite ne permettant pas de trancher entre ces deux hypothèses. Ces constatations de la société Socotec ont été admises par la société SMAC lors d'une réunion le 9 octobre 2013 en présence de représentants de la SNCF et de la société Socotec, à l'issue de laquelle il a lui été demandé, dans le compte rendu de réunion, de fournir certains éléments techniques. Les éléments que la société SMAC a fournis ayant été considérés par la SNCF comme insuffisants, la SNCF lui a, le 4 décembre 2013, adressé un ordre de service n° 12 pour la mettre en demeure de les compléter au plus tard le 18 décembre 2013. La société Dekra, contrôleur technique, a, le 13 janvier 2014, maintenu son avis défavorable aux travaux de reprise envisagés. Les éléments fournis à l'occasion des échanges ultérieurs entre la société SMAC, son sous-traitant, la société Eurosyntec, et la SNCF ont également été regardés comme insuffisants jusqu'à la transmission, le 10 juillet 2014, de " tests d'arrachement " réalisés par la société Eurosyntec, et, le 30 juillet 2014, d'éléments sur le traitement de l'interface entre zones traitées et zones non traitées, ce qui a conduit la société Dekra a émettre le 4 août 2014, un nouvel avis, favorable aux travaux de reprise qui ont pu être réalisés entre le 11 et le 14 août et dans la nuit du 28 au 29 août suivants.
4. En premier lieu, la société SMAC ne saurait utilement se prévaloir de la proposition qui lui a été faite, à titre transactionnel, de réduire le montant des pénalités à hauteur du montant restant dû au titre du solde du marché, égal à 190 790,60 euros, cette proposition étant, ainsi que le tribunal administratif l'a relevé à bon droit, sans incidence dès lors qu'aucune transaction n'a été conclue entre les parties.
5. En deuxième lieu, si la société SMAC soutient que son sous-traitant, la société Eurosyntec, aurait sollicité en vain l'accès au site en vue de la réalisation des travaux de reprise le 31 juillet 2013 puis à la fin du mois de septembre de la même année, elle ne l'établit pas en se bornant à produire un courrier du 4 septembre 2013 dans lequel elle faisait état de l'absence de personnel de la SNCF pour accueillir son sous-traitant le 4 septembre 2013 et un simple courrier électronique daté du 26 août 2013 demandant une nuit pour son intervention, et ne conteste en tout état de cause, pas que la solution technique projetée n'avait pas été alors validée. Elle n'est donc pas fondée à faire état de cette démarche de son sous-traitant pour contester les pénalités en litige.
6. En troisième lieu, la société SMAC conteste le bien-fondé des demandes de documents techniques et de tests qui lui ont été adressées en ce qu'elles émanent de la société Socotec, prestataire de la SNCF. Toutefois, l'article B-6 du CCTP autorisait, contrairement à ce qu'elle soutient, les contrôles par la SNCF ou par un organisme extérieur. Par ailleurs il ne résulte pas de l'instruction que les documents qui lui ont été demandés par l'ordre de service n° 12 du 4 décembre 2013 qu'elle a signé sans formuler aucune réserve, n'auraient pas été utiles pour s'assurer de la pertinence de la méthode de reprise envisagée eu égard aux nombreux désordres affectant l'étanchéité de la marquise. Si elle fait valoir que la solution technique qu'elle avait envisagée a finalement été validée, celle-ci ne l'a été qu'après production de la documentation technique appropriée et la réalisation des tests demandés.
7. En quatrième lieu, les éléments mentionnés ci-dessus ont, ainsi qu'il a vient d'être dit et contrairement à ce qu'elle soutient, été demandés à la société SMAC avant l'ordre de service n° 12 du 4 décembre 2013, la mettant en demeure de les fournir au plus tard le 18 décembre 2013. Par ailleurs, la société SMAC ne conteste pas que son sous-traitant, la société Eurosyntec, n'a réalisé l'ensemble des tests et fourni la totalité des éléments techniques demandés que le 10 et le 30 juillet 2014, permettant ainsi la validation de la méthode de reprise le 4 août 2014 et l'achèvement des travaux de reprise le 29 août 2014. Dans ces conditions, le retard dans la transmission des documents et dans la réalisation des tests demandés ayant conduit à un retard dans l'exécution des travaux de reprise, SNCF a pu légalement lui infliger les pénalités de retard pour la période du 22 juillet 2013 au 29 août 2014.
8. En cinquième lieu, les pénalités en litige ayant été appliquées en raison d'un dépassement du délai d'exécution des travaux, la société SMAC n'est pas fondée à soutenir qu'elles devaient être calculées, non au taux de 600 euros par jour de retard mentionné ci-dessus, mais au taux de 150 euros par jour de retard prévu par l'article 13 du cahier des prescriptions spéciales du marché litigieux, en cas de retard dans la fourniture de documents.
9. Enfin, alors même que les pénalités de retard ainsi déterminées s'élèvent à 60,5 % du montant du marché, elles ne revêtent pas, compte tenu du retard de plus d'un an constaté dans l'exécution des prestations, alors que le délai global rappelé ci-dessus était fixé à 88 jours, un caractère manifestement excessif. Il n'y a dès lors pas lieu d'en modérer le montant en application des principes dont s'inspire l'article 1152 du code civil alors applicable.
10. Il résulte de ce qui précède que la société SMAC n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a, compte tenu du solde du marché s'élevant à 190 790,60 euros hors taxes soit 228 948,72 euros taxes comprises, et de l'imputation des pénalités de retard de 241 800 euros, sur le solde toutes taxes, prononcé à son encontre la condamnation à une somme de 12 851,28 euros toutes taxes comprises, rappelée au point 1.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de SNCF Réseau qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que la société SMAC demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la société SMAC le versement d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par SNCF Réseau et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société SMAC est rejetée.
Article 2 : La société SMAC versera à SNCF Réseau une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société SMAC, à SNCF Réseau et à SNCF Mobilités.
Délibéré après l'audience du 19 février 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. Niollet, président-assesseur,
- M. Pagès, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 5 mars 2019.
Le rapporteur,
J-C. NIOLLETLe président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
P. TISSERAND
La République mande et ordonne au ministre chargé des transports en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA02067