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21/02/2019 | FRANCE | N°18PA00391

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 21 février 2019, 18PA00391


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 8 novembre 2017 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit.

Par un jugement n° 1717854/3-1 du 22 décembre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du préfet de police du 8 novembre 2017.

Procédure devant la Cour :

P

ar une requête enregistrée le 2 février 2018, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 8 novembre 2017 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit.

Par un jugement n° 1717854/3-1 du 22 décembre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du préfet de police du 8 novembre 2017.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 2 février 2018, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1717854/3-1 du 22 décembre 2017 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande de M.A....

Le préfet de police soutient que :

- le jugement, fondé sur des pièces qui n'ont pas été communiquées et qui fait droit au moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui n'était pas invoqué, est irrégulier ;

- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'ont pas été méconnues.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 décembre 2018, M.A..., représenté par Me C..., conclut :

1°) au rejet de la requête du préfet de police ;

2°) à ce qu'il soit enjoint au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation en lui délivrant une autorisation provisoire de séjour, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

3°) à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. A...soutient que :

- le jugement n'est pas irrégulier ;

- la commission du titre de séjour devait être saisie, dès lors qu'il a demandé une admission exceptionnelle au séjour et qu'il justifie de dix ans de séjour en France ;

- le préfet de police a méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet de police a commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet de police a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de l'obligation de quitter le territoire français sur sa situation personnelle.

Par une décision du 7 juin 2018, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris a accordé à M. A...le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Platillero a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.A..., ressortissant bangladais entré en France en 2007 selon ses déclarations, a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile le 28 novembre 2007. Sa demande a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) le 23 avril 2008, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 21 avril 2010. Le 10 mai 2016, il a sollicité le réexamen de sa demande d'asile, demande rejetée par une décision de l'OFPRA du 27 mai 2016, confirmée par la CNDA le 17 février 2017. A la suite de l'interpellation de M. A...après un contrôle d'identité, le préfet de police a pris le 8 novembre 2017 un arrêté l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il pourrait être reconduit. Par un jugement du 22 décembre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté. Le préfet de police fait appel de ce jugement.

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. Si M. A...soutient qu'il est présent en France depuis octobre 2007, soit plus de dix ans à la date de l'arrêté attaqué, il s'est maintenu en séjour irrégulier sur le territoire français en dépit du rejet de ses demandes d'asile. Il est par ailleurs constant que M.A..., entré en France au plus tôt à l'âge de 28 ans, est célibataire et sans attaches familiales en France. L'intéressé ne justifie pas d'une intégration professionnelle ni de l'intensité de sa vie affective et sociale en France. Compte tenu de la durée et des conditions de séjour de l'intéressé en France, le préfet de police, en l'obligeant à quitter le territoire français, n'a ainsi pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale, protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, une atteinte disproportionnée au regard du but en vue duquel cette décision a été prise. Par suite, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le premier juge a annulé son arrêté du 8 novembre 2017, motif pris de la méconnaissance des stipulations précitées.

4. Cependant, il y a lieu pour la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M.A....

5. En premier lieu, l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " I. L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ". Selon l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

6. Pour les mêmes motifs que ceux mentionnés au point 3, le moyen tiré de ce que M. A... avait de plein droit vocation à obtenir un titre de séjour en France en application des dispositions précitées du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. Pour les mêmes raisons, le préfet de police a pu sans commettre d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de l'arrêté attaqué sur la vie personnelle de M. A...l'obliger à quitter le territoire français.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ".

8. M. A... n'a pas déposé de demande d'admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Les moyens tirés de ce que la commission mentionnée à l'article L. 312-1 du même code aurait dû être saisie et de ce que le préfet de police aurait dû le régulariser sur le fondement desdites dispositions sont ainsi inopérants.

9. En troisième lieu, l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

10. Si M. A...se prévaut des risques qu'il encourt en cas de retour au Bangladesh, il n'a invoqué ce moyen qu'à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français prononcée à son encontre. Ce moyen est ainsi inopérant, dès lors que cette décision ne fixe pas, par elle-même, le pays à destination duquel M. A...est susceptible d'être reconduit d'office. Au demeurant, l'intéressé, qui se borne à des allégations générales, n'établit pas de manière circonstanciée les risques de torture ou les traitements inhumains ou dégradants auxquels il serait exposé en cas de retour dans le pays dont il a la nationalité.

11. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué, que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 8 novembre 2017 par lequel il a obligé M. A...à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit. Par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présentées par M. A...doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1717854/3-1 du 22 décembre 2017 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande de M. A...devant le tribunal administratif de Paris et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B...A....

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 7 février 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme Pellissier, présidente de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- M. Platillero, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 21 février 2019.

Le rapporteur,

F. PLATILLEROLa présidente,

S. PELLISSIER Le greffier,

A. LOUNISLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18PA00391


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18PA00391
Date de la décision : 21/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: M. Fabien PLATILLERO
Rapporteur public ?: Mme NGUYÊN-DUY
Avocat(s) : DIOCKOU

Origine de la décision
Date de l'import : 26/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-02-21;18pa00391 ?
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