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19/02/2019 | FRANCE | N°18PA02657

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 19 février 2019, 18PA02657


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...A...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du

21 mars 2018 par lequel le préfet du Val-de-Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de renvoi.

Par un jugement n° 1802832 du 12 juin 2018, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 2 août 2018, Mme A..., représentée par MeB..., demande à la Cour :
r>1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler le jugement du Tribun...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...A...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du

21 mars 2018 par lequel le préfet du Val-de-Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de renvoi.

Par un jugement n° 1802832 du 12 juin 2018, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 2 août 2018, Mme A..., représentée par MeB..., demande à la Cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Melun n° 1802832 du 18 juin 2018 ;

3°) d'annuler l'arrêté du 21 mars 2018 lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi

du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- il n'a pas été statué sur sa demande d'aide juridictionnelle à la date d'enregistrement de sa requête ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée et n'a pas été précédée d'un examen approfondi de sa situation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale dès lors qu'elle est fondée sur la décision portant obligation de quitter le territoire français qui est elle-même illégale ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation.

Le préfet du Val-de-Marne a été mis en demeure de produire sa défense sur le fondement de l'article R. 612-3 du code de justice administrative le 10 octobre 2018.

Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 6 novembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Hamon a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. MmeA..., ressortissante congolaise, née le 5 mai 1998, est entrée en France

le 15 septembre 2015 selon ses déclarations. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 27 juin 2017, décision confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 15 décembre 2017. Par un arrêté du 21 mars 2018, le préfet du Val-de-Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Sur la demande d'aide juridictionnelle :

2. Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 6 novembre 2018. Par suite, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requérante tendant à obtenir l'aide juridictionnelle à titre provisoire, qui ont perdu leur objet.

Sur la légalité de l'arrêté attaqué :

3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 612-3 du code de justice administrative : " Si, malgré une mise en demeure, la partie défenderesse n'a produit aucun mémoire, elle est réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans les mémoires du requérant ".

4. La requête de Mme A...a été communiquée au préfet le 13 septembre 2018 et celui-ci a été mis en demeure de produire ses observations le 10 octobre 2018. Cette mise en demeure est demeurée sans effet. Dans ces conditions, le préfet du Val-de-Marne doit, conformément aux dispositions de l'article R. 612-6 précitées, être réputé avoir admis l'exactitude matérielle des faits allégués par Mme A...dont l'inexactitude ne ressort pas des pièces du dossier.

5. En second lieu, il ressort des déclarations de la requérante, qui ne sont ni contestées en défense, ni contredites par les pièces du dossier et notamment les décisions de l'OFPRA et de la CNDA, qu'après la séparation de ses parents, elle a quitté la République démocratique du Congo, à l'âge de cinq ans avec sa soeur et sa mère pour s'installer en Angola. Par la suite, sa soeur a été envoyée en France et sa mère a quitté l'Angola en la confiant, alors qu'elle était âgée de onze ans, à un couple d'amis qui l'a finalement déscolarisée et affectée aux tâches ménagères. Mme A...est alors tombée enceinte après avoir été victime d'abus sexuels, à deux reprises en novembre 2014 et janvier 2015 de la part de l'homme chez qui elle vivait, lequel l'a finalement accompagnée en France en septembre 2015 et l'y a abandonnée à l'âge de 17 ans. Elle a alors été prise en charge par l'association " La Voie Lactée " et a donné naissance à son enfant le 22 octobre 2015. Dans ces circonstances particulières, Mme A...est fondée à soutenir qu'en cas de retour dans son pays d'origine, le Congo, elle se retrouverait avec un enfant en bas âge dans une situation d'isolement, ne vivant plus dans ce pays depuis l'âge de cinq ans et n'y ayant plus d'attaches familiales. Dans ces conditions, le préfet du Val-de-Marne, en l'obligeant à quitter le territoire français, a entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation de l'appelante.

6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande d'annulation de l'obligation de quitter le territoire français et, par voie de conséquence, de la décision fixant le pays de renvoi.

Sur les frais de justice :

7. Il y a lieu, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au bénéfice de MeB..., sous réserve que cette dernière renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle formée par MmeA....

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Melun n° 1802832 du 12 juin 2018 et l'arrêté du 21 mars 2018 par lequel le préfet du Val-de-Marne a fait obligation à Mme A...de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de renvoi sont annulés.

Article 3 : L'Etat versera à Me Ambre Benitez, avocat de MmeA..., une somme de 1 500 euros en application du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que cette dernière renonce à percevoir la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à MmeC... A..., à Me Ambre Benitez et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 29 janvier 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Even, président de chambre,

- Mme Hamon, président assesseur,

- Mme d'Argenlieu, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 février 2019.

Le rapporteur,

P. HAMON

Le président,

B. EVENLe greffier,

I. BEDRLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

4

N° 18PA02657


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA02657
Date de la décision : 19/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-02 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Légalité interne.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: Mme Perrine HAMON
Rapporteur public ?: Mme ORIOL
Avocat(s) : BENITEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 26/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-02-19;18pa02657 ?
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