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19/02/2019 | FRANCE | N°18PA02656

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 19 février 2019, 18PA02656


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du

13 décembre 2017 par lequel le préfet du Val-de-Marne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé son pays de renvoi, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans et l'a informé qu'il faisait l'objet d'un signalement aux fins de non admission dans le système d'information Shengen pour la durée de l'interdiction de séjour.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du

13 décembre 2017 par lequel le préfet du Val-de-Marne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé son pays de renvoi, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans et l'a informé qu'il faisait l'objet d'un signalement aux fins de non admission dans le système d'information Shengen pour la durée de l'interdiction de séjour.

Par un jugement n° 1803953/6-3 du 26 juin 2018, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 13 décembre 2017 en tant qu'il a interdit le retour sur le territoire français de M. C... pendant une durée de trois ans avec signalement aux fins de non admission dans le système d'information Shengen pour la durée de cette interdiction de séjour et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des pièces complémentaires, enregistrées les 2 août, le 2 novembre et

13 novembre 2018, M. C..., représenté par MeB..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1803953/6-3 du 26 juin 2018 en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de la requête de M. C...tendant à l'annulation de l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français, sans octroi d'un délai de départ volontaire, et fixant le pays de destination ;

2°) d'annuler l'arrêté du 13 décembre 2017 en tant qu'il emporte obligation de quitter le territoire sans délai, qu'il refuse de fixer un délai de départ volontaire et qu'il désigne le pays de destination ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué a été signé par une autorité incompétente ;

- l'arrêté attaqué en tant qu'il emporte obligation de quitter le territoire méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'arrêté attaqué en tant qu'il refuse de fixer un délai de départ volontaire méconnaît les stipulations de l'article L. 511-1 II du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile ;

- l'arrêté en tant qu'il fixe le pays de destination méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Le préfet a été mis en demeure de produire sa défense sur le fondement de l'article R.612-3 du code justice administrative par un courrier du 10 octobre 2018.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 6 novembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme d'Argenlieu a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.C..., ressortissant camerounais, né le 21 juin 1972, est entré en France en 2002 et dit s'y être maintenu depuis cette date. Par un arrêté du 13 décembre 2017, le préfet du

Val-de-Marne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi, lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de trois ans et l'a informé qu'il faisait l'objet d'un signalement aux fins de non admission dans le système d'information Shengen pour la durée de l'interdiction de séjour. M. C...fait appel du jugement n° 1803953/6-3 du 26 juin 2018 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai et fixant le pays de renvoi.

2. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, d'écarter le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte.

Sur l'obligation de quitter le territoire :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. I1 ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

4. Si M. C...soutient être entré en France en 2002, il n'établit pas la réalité de sa présence continue sur le territoire national depuis cette date. S'il est le père de deux filles, nées et scolarisées en France, les seules attestations de la grand-mère de ces deux enfants, la copie de leurs carnets de santé, ainsi que les quelques photos produites par l'intéressé ne suffisent pas à établir qu'il contribuerait effectivement à leur entretien et à leur éducation, ni qu'il entretiendrait avec elles des liens d'une particulière intensité. S'il soutient être également le père d'un garçon de nationalité française, l'intéressé admet ne pas l'avoir reconnu. S'il fait valoir à cet égard qu'il aurait engagé une procédure aux fins de reconnaissance de paternité, il ne l'établit pas. Par ailleurs, la réalité d'une vie commune avec une ressortissante française, laquelle atteste héberger M. C...depuis seulement le mois de février 2017, ne ressort pas non plus des pièces du dossier. Enfin, le seul curriculum vitae de l'appelant ne suffit pas à établir son intégration professionnelle. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de ce que le préfet aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.

5. En second lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

6. Ainsi qu'il a été dit précédemment au point 5, si M. C...est le père de deux enfants qui vivent en France, il ne ressort pas des pièces du dossier que celui-ci contribuerait effectivement à l'entretien et à leur éducation, ni qu'il entretiendrait avec eux des relations d'une particulière intensité. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté.

Sur le refus de fixer un délai de départ volontaire :

7. Aux termes de l'article L. 511-1 II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : 1° Si le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; 2° Si l'étranger s'est vu refuser la délivrance ou le renouvellement de son titre de séjour, de son récépissé de demande de carte de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour au motif que sa demande était ou manifestement infondée ou frauduleuse ; 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; b) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; c) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, de son récépissé de demande de carte de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ; d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; e) Si l'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ; f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4,

L. 561-1 et L. 561-2. L'autorité administrative peut faire application du troisième alinéa du présent II lorsque le motif apparaît au cours du délai accordé en application du premier alinéa ".

8. Pour refuser à M. C...l'octroi d'un délai de départ volontaire, le préfet du

Val-de-Marne s'est fondé sur les circonstances que l'intéressé ne pouvait justifier être entré régulièrement sur le territoire français, qu'il n'avait pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour, qu'il s'était soustrait à une précédente mesure d'éloignement et qu'il ne présentait pas de garanties de représentation suffisantes, que son comportement constituait une menace pour l'ordre public, ayant été condamné pour vol avec récidive à cinq mois d'emprisonnement, qu'il ne justifiait pas être en possession de documents d'identité en cours de validité, qu'il n'avait entamé aucune démarche en vue de régulariser sa situation et qu'il ne prouvait pas disposer de ressources suffisantes en vue d'organiser lui-même son voyage. Il ressort des pièces du dossier, notamment, que M. C...a effectivement fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement à laquelle il s'est soustrait

le 7 octobre 2015. Dès lors, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que la décision par laquelle le préfet a refusé de lui octroyer un délai de départ volontaire méconnaît les dispositions précitées de l'article L. 511-1 II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur la décision en tant qu'elle fixe le pays de destination :

9. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : que " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".

10. M. C...soutient qu'il encourt, du fait de son homosexualité, un risque de traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine. Il ressort des pièces du dossier que la demande d'asile déposée par M.C..., le 14 octobre 2015, a été rejetée par une décision de l'OFPRA le 21 octobre suivant, qu'il n'a pas contestée devant la Cour nationale du droit d'asile, et que l'intéressé n'invoque aucun élément nouveau sur ce point dans le cadre de la présente instance. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet en fixant le Cameroun comme pays de retour aurait méconnu les stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai et fixant le pays de renvoi. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M.A... C... et au ministre de l'Intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 29 janvier 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Even, président de chambre,

- Mme Hamon, président assesseur,

- Mme d'Argenlieu, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 février 2019.

Le rapporteur,

L. d'ARGENLIEU Le président,

B. EVENLe greffier,

I. BEDR

La République mande et ordonne au ministre de l'Intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 18PA02656


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA02656
Date de la décision : 19/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: Mme Lorraine D'ARGENLIEU
Rapporteur public ?: Mme ORIOL
Avocat(s) : BENITEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 26/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-02-19;18pa02656 ?
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