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19/02/2019 | FRANCE | N°18PA02476

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 19 février 2019, 18PA02476


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...B...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 17 octobre 2017 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1806118/6-3 du 19 juin 2018, le magistrat désigné par le Président du Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté préfectoral du 17 octobre 2017 et a enjoint au préfet de police de réexaminer la situation de M. B...et de lui délivrer

une autorisation provisoire de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notificati...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...B...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 17 octobre 2017 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1806118/6-3 du 19 juin 2018, le magistrat désigné par le Président du Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté préfectoral du 17 octobre 2017 et a enjoint au préfet de police de réexaminer la situation de M. B...et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 23 juillet 2018, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le Président du Tribunal administratif de Paris du 19 juin 2018 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B...devant le Tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- M. B...ne démontre pas la réalité des liens de parenté invoqués avec ses demi-soeurs puisqu'il y a des incohérences sur les actes de naissance ; en tout état de cause, il ne démontre pas l'intensité de ces liens familiaux ; en outre, il a vécu au Mali plusieurs années après le décès de ses parents, et jusqu'à l'âge d'au moins vingt-deux ans ;

- les autres moyens soulevés en première instance par M. B...ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 octobre 2018, M.B..., représenté par MeA..., conclut :

1°) au rejet de la requête présentée par le préfet de police ;

2°) à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 400 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement du magistrat désigné par la Président du Tribunal administratif de Paris doit être confirmé ; en effet, le préfet de police a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales puisque ses deux demi-soeurs résident en France ; il apporte la preuve des liens qu'il entretient avec elles ;

- l'arrêté est en outre illégal puisque le préfet de police ne s'est pas livré à un examen particulier de sa situation personnelle ; il méconnaît l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 16 janvier 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi du 10 juillet 1991 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Labetoulle a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.B..., de nationalité malienne, est né le 3 juillet 1994. Il est, selon ses déclarations, entré sur le territoire français le 4 septembre 2016. Il a présenté une demande d'asile, laquelle a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides le 14 mars 2017, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 7 juin 2017. Par un arrêté du 17 octobre 2017, le préfet de police a obligé M. B... a quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 19 juin 2018, le magistrat désigné par le Président du Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté, et a enjoint au préfet de police de réexaminer la situation de M. B...et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement. Le préfet de police fait appel de ce jugement.

Sur le motif d'annulation retenu par le magistrat désigné par le Président du Tribunal administratif de Paris :

2. Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. Pour annuler l'arrêté litigieux du 17 octobre 2017, le premier juge a estimé que le préfet de police avait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales puisque M. B...n'a plus aucune attache familiale dans son pays d'origine, ses parents étant décédés, tandis que vivent en France ses deux demi-soeurs. Toutefois, M. B...ne démontre ni l'intensité de ces liens familiaux, ni même leur authenticité dès lors que l'acte de décès de sa mère mentionne qu'elle est née à Kayes, au Mali, tandis que l'état-civil de ses deux demi-soeurs indique, après deux rectifications du Procureur de la République les 8 février 2002 et 28 octobre 2002, que leur mère est née à Bouaké en Côte-d'Ivoire. En outre, la seule circonstance que M. B...justifie d'une adresse au domicile de l'une de ses demi-soeurs ne suffit pas à démontrer l'intensité des liens familiaux qu'il entretient avec cette dernière. Enfin, s'il ressort des pièces du dossier que ses parents sont décédés en 2008, M. B...a continué à résider au Mali plusieurs années après, et au moins jusqu'à l'âge de vingt-deux ans. Dans ces conditions, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler son arrêté du 17 octobre 2017, le magistrat désigné par le Président du Tribunal administratif de Paris s'est fondé sur une méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. Il y a lieu, pour la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés en première instance et en appel par M. B....

Sur les autres moyens soulevés par M. B...devant le Tribunal administratif de Paris :

5. En premier lieu, l'arrêté attaqué a été signé par M. D...C..., chef du 10ème bureau à la direction de la police générale à la préfecture de police, qui bénéficiait d'une délégation de signature du préfet de police en vertu d'un arrêté n° 2017-00972 du 28 septembre 2017 régulièrement publié, le 2 octobre 2017, au bulletin municipal officiel de la ville de Paris. M. B...n'apporte aucun élément de nature à établir que les autres autorités habilitées à signer l'arrêté attaqué n'étaient pas absentes ou empêchées. Ainsi, contrairement à ce qu'il soutient, l'arrêté du 17 octobre 2017 n'a pas été pris par une autorité incompétente.

6. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M.B.... Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen de sa situation personnelle doit être écarté.

7. En troisième lieu, le requérant ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qu'à l'encontre d'une décision portant refus de séjour et non contre une mesure d'éloignement. Par suite, ce moyen doit être écarté comme inopérant.

8. En dernier lieu, pour les motifs évoqués au point 3 du présent arrêt, la réalité et l'intensité des liens familiaux de M. B...sur le territoire français ne sont pas démontrées. Si l'intéressé soutient également avoir subi des maltraitances au Mali, il n'apporte aucun élément au soutien de ses allégations, d'ailleurs, sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis par la Cour nationale du droit d'asile. Enfin, la circonstance qu'il soit en litige avec son ancien employeur n'est pas de nature à caractériser une erreur manifeste d'appréciation de sa situation.

9. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le Président du Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 17 octobre 2017 pris à l'encontre de M.B.... Les conclusions de M. B...à fins d'annulation ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées. Il en est de même, par voie de conséquence, de ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que de celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet de 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1806118/6-3 du magistrat désigné par le Président du Tribunal administratif de Paris du 19 juin 2018 est annulé.

Article 2 : La demande de M. B...présentée devant le Tribunal administratif de Paris et ses conclusions devant la Cour sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. E...B....

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 5 février 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- Mme Labetoulle, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 février 2019.

Le rapporteur,

M-I. LABETOULLELe président,

O. FUCHS TAUGOURDEAU

Le greffier,

P. TISSERAND

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

4

N° 18PA02476


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA02476
Date de la décision : 19/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: Mme Marie-Isabelle LABETOULLE
Rapporteur public ?: M. BAFFRAY
Avocat(s) : MILLOT

Origine de la décision
Date de l'import : 26/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-02-19;18pa02476 ?
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