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19/02/2019 | FRANCE | N°18PA00931

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 19 février 2019, 18PA00931


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...et M. C...F...ont demandé au Tribunal administratif de Paris la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2010 et 2011.

Par un jugement n° 1609706/2-1 du 6 février 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 21 mars et 23 octobre 2018, Mme A...et M. F..., représentés par Me

D...Obadia, demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1609706/2-1 du Tribunal adminis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...et M. C...F...ont demandé au Tribunal administratif de Paris la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2010 et 2011.

Par un jugement n° 1609706/2-1 du 6 février 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 21 mars et 23 octobre 2018, Mme A...et M. F..., représentés par Me D...Obadia, demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1609706/2-1 du Tribunal administratif de Paris.

2°) de prononcer la décharge sollicitée devant le tribunal ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les premiers juges n'ont pas statué sur l'ensemble des moyens développés par eux pour contester les distributions en cause ;

- les impositions ont été irrégulièrement mises en recouvrement à leur nom de façon commune sans distinguer la période d'imposition séparée et la période d'imposition commune résultant de la conclusion d'un pacte civil de solidarité (pacs) le 8 novembre 2010 ; les dettes fiscales d'un des partenaires du pacs antérieures à l'enregistrement du pacs restent à la charge de ce seul partenaire ;

- l'administration n'apporte la preuve ni du désinvestissement des sommes considérées comme des revenus distribués ni de leur appréhension par MmeA... ; cette dernière n'était pas l'unique maître de l'affaire.

Par un mémoire en défense enregistré le 10 juillet 2018, le ministre de l'action et des comptes publics informe la Cour qu'un dégrèvement partiel sera prononcé en matière de contributions sociales afférentes aux années 2010 et 2011 et conclut pour le surplus au rejet de la requête.

Il soutient que :

- aucun des moyens de la requête n'est fondé ;

Par ordonnance du 23 octobre 2018, la clôture d'instruction a été fixée

au 8 novembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Appèche,

- les conclusions de M. Cheylan, rapporteur public,

- et les observations de Me Obadia, avocat de Mme A... et M.F....

Considérant ce qui suit :

1. La société Air Finance, dont Mme A...était la gérante, a fait l'objet en 2013 d'une vérification de comptabilité dans le cadre de laquelle un procès-verbal de défaut de présentation de comptabilité a été dressé. A l'issue de cette vérification, qui a porté sur la période allant du

1er janvier 2010 au 31 décembre 2011, la société s'est vu notifier des rehaussements de son bénéfice imposable. Une partie de ces rehaussements a, par ailleurs, été regardée par l'administration comme des revenus distribués, au sens du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, lesquels ont été imposés entre les mains de Mme A...dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers. Mme A...et son époux M.F..., après avoir en vain demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales en résultant au titre des années 2010 et 2011, relèvent appel du jugement n° 1609706/2-1 du 6 février 2018 par lequel ce tribunal a rejeté leur demande.

Sur l'étendue du litige :

2. Par décision en date du 12 juillet 2018, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur des services fiscaux d'Ile-de-France et du département de Paris a prononcé des dégrèvements concernant les contributions sociales, au titre de l'année 2010 pour des montants de 4 790 euros en droits et 536 en pénalités, et au titre de l'année 2011, pour des montants

de 2 528 euros en droits et 162 euros de pénalités. A concurrence de ces sommes, les conclusions de la requête sont devenues sans objet.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

3. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (...) ". Aux termes de l'article 110 du même code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109 les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés. (...) ".

4. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la société Air Finance, qui n'a déposé aucune déclaration au titre de son activité pour les années 2010 et 2011, a été imposée selon la procédure de taxation d'office en application de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales. En l'absence de comptabilité, ses résultats ont été évalués à partir d'une reconstitution de ses produits et de ses charges au titre des exercices correspondant aux années 2010 et 2011. Il est constant que les bénéfices résultant de cette reconstitution n'ont fait l'objet d'aucune décision de mise en réserve ou d'incorporation au capital de la société. Ainsi, en application des dispositions précitées du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, les bénéfices susmentionnés devaient être regardés comme des revenus distribués.

5. En deuxième lieu, en cas de refus des rectifications par le contribuable qu'elle entend imposer comme bénéficiaire de sommes regardées comme distribuées, il incombe à l'administration d'apporter la preuve que celui-ci en a effectivement disposé. Toutefois, le contribuable qui, disposant seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société, est en mesure d'user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres et doit ainsi être regardé comme le seul maître de l'affaire, est présumé avoir appréhendé les distributions effectuées par la société qu'il contrôle.

6. En l'espèce, l'administration a considéré que Mme A...avait la qualité de seul maître de l'affaire et devait en conséquence être présumée avoir appréhendé les revenus distribués par la société Air Finance. Pour ce faire, l'administration fiscale s'est fondée sur les circonstances que l'intéressée était l'associée unique et la gérante de la société au titre de la période vérifiée, qu'elle occupait le poste clé de responsable du pôle financier et patrimoine de la société, qu'elle apparaissait comme signataire dans les principaux contrats commerciaux conclus par la société, était la principale interlocutrice de la société vis-à-vis des tiers et, enfin, qu'elle disposait d'une procuration bancaire sur le compte de la société.

7. D'une part, les requérants contestent la détention par Mme A...de la totalité des parts de la société Air Finance durant les années 2010 et 2011. Toutefois, l'administration a produit devant le tribunal administratif un acte de cession de parts sociales du 3 janvier 2007, enregistré à la recette des impôts Grandes Carrières Sud le 27 décembre 2007, par lequel

MmeE..., a cédé ses 1875 parts sociales à MmeA..., sa fille, laquelle est devenue ainsi la détentrice de la totalité des parts de la société. Cet acte est revêtu de la signature de la cédante et comporte également une signature, à l'emplacement réservé au cessionnaire, dont rien ne permet de considérer qu'elle ne serait pas celle de MmeA.... Alors même que cet acte n'aurait pas fait l'objet d'un dépôt au greffe du tribunal de commerce, l'administration était fondée à s'en prévaloir en vertu des dispositions de l'article L. 123-9 du code de commerce. Si, par ailleurs, les requérants se prévalent de mentions figurant sur un inventaire notarié de la succession de Mme E... établi le 24 juillet 2015 et d'un acte daté du 23 décembre 2014 déposé au greffe du tribunal de commerce le 27 janvier 2015 portant mise à jour des statuts de la société et faisant état de la répartition de son capital, ces documents ne justifient d'aucune modification dans la détention du capital de la société qui aurait conduit Mme A...à ne plus détenir l'intégralité des parts de la société durant les deux années en cause.

8. D'autre part, s'il résulte de l'instruction que la mère de MmeA..., MmeE..., fondatrice de la société, continuait à jouer un rôle dans la société Air Finance, était destinataire de certains courriers provenant du cabinet comptable de la société concernant les déclarations fiscales ou sociales de celle-ci, disposait de la signature sociale dans le seul cadre du contrat d'affacturage conclu en 2005 par la société, était caution dans le cadre de ce contrat, aurait signé des ordres de virement adressés aux banques et a été désignée à l'administration fiscale, par courrier du 6 août 2013, comme la bénéficiaire des sommes que celle-ci serait susceptible de regarder comme des revenus distribués, ces circonstances ne sont pas de nature à démontrer que ses pouvoirs auraient été tels que la maîtrise de l'affaire dût été regardée comme exercée conjointement par Mme E...et MmeA..., alors que cette dernière détenait, au cours des années en litige, la totalité des parts de la société, ce qu'elle n'a d'ailleurs pas contesté en réponse à la proposition de rectification qui lui a été adressée.

9. Dès lors, c'est à bon droit que l'administration, s'appuyant sur le faisceau d'indices rappelés ci-dessus au point 6, a estimé que MmeA..., qui détenait toutes les parts de la société dont elle était gérante de droit, devait être regardée comme le seul maître de l'affaire et était par conséquent réputée avoir appréhendé les sommes en cause.

10. Aux termes de l'article 6 du code général des impôts : " 1. Chaque contribuable est imposable à l'impôt sur le revenu, tant en raison de ses bénéfices et revenus personnels que de ceux de ses enfants et des personnes considérés comme étant à sa charge (...). / Sauf application des dispositions des 4 et 5, les personnes mariées sont soumises à une imposition commune pour les revenus perçus par chacune d'elles et ceux de leurs enfants et des personnes à charge mentionnés au premier alinéa ; cette imposition est établie au nom de l'époux, précédée de la mention " Monsieur ou Madame ". / Les partenaires liés par un pacte civil de solidarité défini à l'article 515-1 du code civil font l'objet, pour les revenus visés au premier alinéa, d'une imposition commune. L'imposition est établie à leurs deux noms, séparés par le

mot : " ou ". (...) ".

11. Si les requérants soutiennent, à titre subsidiaire, que les impositions en litige, assises sur des revenus perçus par Mme A...au cours des années 2010 et 2011, ne pouvaient légalement être mises en recouvrement à l'encontre de M.F..., dès lors que ce dernier n'est marié avec Mme A...que depuis le 31 juillet 2014, il résulte de l'instruction que les intéressés étaient liés par un pacte civil de solidarité depuis le 8 octobre 2010. En conséquence, en application des dispositions précitées, les intéressés pouvaient faire l'objet d'une imposition commune au titre desdits revenus, correspondant à des bénéfices présumés distribués à la date de clôture de l'exercice au terme duquel leur existence a été constatée, en l'absence de tout élément de nature à établir que les distributions auraient été en fait soit postérieures, soit antérieures à cette date.

12. De tout ce qui précède il résulte que Mme A... et M. F...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué qui, contrairement à ce qu'ils soutiennent, répond à l'ensemble de leurs moyens, le Tribunal administratif de Paris a refusé de les décharger des impositions maintenues à leur charge. Les conclusions à fin de décharge de ces impositions présentées devant la Cour doivent être rejetées. Il en va de même, en conséquence, de celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, l'Etat n'ayant pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête, à hauteur du dégrèvement en date du 12 juillet 2018 accordé par l'administration.

Article 2 : Le surplus de la requête de Mme A... et M. F...est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A...épouseF..., à M. C... F...et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.

Délibéré après l'audience du 6 février 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Appèche, président assesseur,

- Mme Jimenez, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 février 2019.

Le rapporteur,

S. APPECHELe président,

I. BROTONS

Le greffier,

S. DALL'AVA

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

4

N° 18PA00931


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA00931
Date de la décision : 19/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Sylvie APPECHE
Rapporteur public ?: M. CHEYLAN
Avocat(s) : OBADIA

Origine de la décision
Date de l'import : 26/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-02-19;18pa00931 ?
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