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19/02/2019 | FRANCE | N°18PA00394

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 19 février 2019, 18PA00394


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler les arrêtés du 22 septembre 2017 et du 18 octobre 2017 par lesquels le préfet du Val-de-Marne a prononcé sa remise aux autorités espagnoles et l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 1708104 du 6 novembre 2017, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 2 février 2018, M. A..., représenté par la SCP Guillemin etC..., avocats, demande à l

a Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1708104 du 6 novembre 2017 du Tribunal administratif de Mel...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler les arrêtés du 22 septembre 2017 et du 18 octobre 2017 par lesquels le préfet du Val-de-Marne a prononcé sa remise aux autorités espagnoles et l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 1708104 du 6 novembre 2017, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 2 février 2018, M. A..., représenté par la SCP Guillemin etC..., avocats, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1708104 du 6 novembre 2017 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler les décisions contestées devant ce tribunal ;

3°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de transmettre sa demande d'asile à l'Office français pour la protection des réfugiés et apatrides dans le délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué n'a pas statué sur les moyens invoqués à l'encontre de l'arrêté du 22 septembre 2017 et tirés de l'insuffisance de motivation et de la méconnaissance du droit à l'information garanti par l'article 4 du règlement européen n°604/2013 du 26 juin 2013 ;

- les arrêtés contestés ont été pris par une autorité incompétente ;

- ils sont entachés de détournement de pouvoir ;

- l'arrêté du 22 septembre 2017 est insuffisamment motivé ;

- il méconnaît le droit à l'information garanti par l'article 4 du règlement européen

n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- il n'a pas bénéficié d'un entretien individuel en méconnaissance de l'article 5 du règlement européen n°604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le préfet du Val-de-Marne a méconnu l'article 13 du règlement européen n°604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le préfet du Val-de-Marne a méconnu l'article 17 du règlement européen n°604/2013 du 26 juin 2013 et commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses dispositions ;

- l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Espagne connaissant des défaillances systémiques ;

- en l'expulsant vers l'Egypte, les autorités espagnoles ont méconnu son droit au " non refoulement ", garanti par le paragraphe 1 de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative aux réfugiés ;

- l'arrêté contesté est entaché d'une erreur de droit dès lors que, ayant quitté le territoire espagnol à la suite d'une expulsion, il ne pouvait, conformément à l'article 19-3 du règlement 604/2013/UE du 26 juin 2013, faire l'objet d'une procédure de réadmission ;

- la décision d'assignation à résidence est illégale du fait de l'illégalité de la décision de transfert aux autorités espagnoles.

Une mise en demeure a été adressée le 11 avril 2018 au préfet du Val-de-Marne.

Par une ordonnance du 25 mai 2018, la clôture d'instruction a été fixée au

11 juin 2018.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement européen 604/2013 du 26 juin 2013,

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Jimenez,

- et les observations de MeC..., représentant M.A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant ivoirien né le 11 mars 1976, a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile. Par un arrêté du 22 septembre 2017, le préfet du Val-de-Marne a décidé sa remise aux autorités espagnoles après avoir relevé que l'examen de sa demande relevait de ces autorités et que celles-ci avaient accepté de le reprendre en charge. Par un second arrêté du

18 octobre 2017, le préfet a prononcé l'assignation à résidence de l'intéressé. M. A...relève appel du jugement n° 1708104 du 6 novembre 2017 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés. L'arrêté décidant la remise de M. A...aux autorités espagnoles ayant été assorti d'une décision d'assignation à résidence et, de ce fait, produit des effets, il y a toujours lieu pour la Cour de statuer sur la requête.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. M. A... soutient que le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il n'a pas répondu à son moyen tiré de ce que le préfet du Val-de-Marne avait méconnu son droit à l'information garanti par l'article 4 du règlement européen n° 604/2013 du 26 juin 2013. Toutefois, le magistrat désigné par le Tribunal administratif de Melun a répondu à ce moyen au point 1 du jugement attaqué. En outre, le requérant ne saurait faire grief à ce jugement de ne pas avoir statué sur le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté du 22 septembre 2017 dès lors que l'intéressé n'avait pas invoqué un tel moyen devant le tribunal.

Sur la légalité de la décision de transfert :

3. En premier lieu, par un arrêté n° 2017/794 du 13 mars 2017, régulièrement publié au recueil des actes administratifs du même jour, le préfet du Val-de-Marne a donné à

M. G... E..., directeur des migrations et de l'intégration, délégation de signature aux fins de signer la décision litigieuse. Si M. A...allègue que le préfet n'apporte pas la preuve de son empêchement, il appartient à la partie contestant la qualité du délégataire pour signer l'arrêté attaqué d'établir que le préfet n'était ni absent ni empêché. Toutefois, l'intéressé n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations et cette circonstance ne ressort pas non plus des pièces du dossier. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision contestée ne peut qu'être écarté.

4. En deuxième lieu, en application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.

5. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.

6. L'arrêté préfectoral du 22 septembre 2017 portant transfert de M. A...aux autorités espagnoles vise notamment le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, le règlement (UE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il précise que M. A...est entré irrégulièrement sur le territoire français et s'y est maintenu sans être muni des documents et visas exigés par les textes en vigueur, que les autorités espagnoles ont accepté le 18 septembre 2017 de le reprendre en charge en application des dispositions du b) du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 et qu'au regard des éléments de fait et de droit caractérisant sa situation, il ne relève pas des dérogations prévues aux articles 17 et 17-1 de ce règlement. Il ressort, en outre, des mentions de l'arrêté litigieux que le préfet a examiné la situation de

M. A...au regard des stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et en a conclu à l'absence de risque personnel de nature à constituer une atteinte grave au droit d'asile en cas de remise aux autorités de l'Etat responsable de la demande d'asile. Ainsi, l'arrêté portant transfert de M. A...aux autorités espagnoles est suffisamment motivé. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté litigieux ne peut qu'être écarté.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du

26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5(...) ".

8. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des mentions figurant sur le résumé de l'entretien individuel du 17 août 2017, revêtu de la signature de l'intéressé, que M. A...s'est vu délivrer à cette occasion deux brochures d'informations, dites " A " (J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - Quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande d'asile ') et " B " (Je suis sous procédure Dublin - Qu'est-ce que cela signifie '). Les pages de garde des brochures A et B comportent la signature de l'intéressé. Ces brochures ont été remises à

M. A...en français, langue qu'il a déclaré comprendre. Dans ces conditions, M. A...n'est pas fondé à soutenir que les dispositions de l'article 4 du règlement précité auraient été méconnues.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du

26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / 2. L'entretien individuel peut ne pas avoir lieu lorsque : (...) b) après avoir reçu les informations visées à l'article 4, le demandeur a déjà fourni par d'autres moyens les informations pertinentes pour déterminer l'État membre responsable. L'État membre qui se dispense de mener cet entretien donne au demandeur la possibilité de fournir toutes les autres informations pertinentes pour déterminer correctement l'État membre responsable avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel (...) 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. (...) ".

10. Ainsi qu'il a été dit au point 8, il ressort des pièces du dossier que M. A...a bénéficié d'un entretien individuel en français, langue qu'il a déclaré comprendre. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions termes de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.

11. En cinquième lieu, aux termes de l'article 13 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Lorsqu'il est établi, sur la base de preuves ou d'indices tels qu'ils figurent dans les deux listes mentionnées à l'article 22, paragraphe 3, du présent règlement, notamment des données visées au règlement (UE) n° 603/2013, que le demandeur a franchi irrégulièrement, par voie terrestre, maritime ou aérienne, la frontière d'un État membre dans lequel il est entré en venant d'un État tiers, cet État membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. Cette responsabilité prend fin douze mois après la date du franchissement irrégulier de la frontière. / 2. Lorsqu'un État membre ne peut pas, ou ne peut plus, être tenu pour responsable conformément au paragraphe 1 du présent article et qu'il est établi, sur la base de preuves ou d'indices tels qu'ils figurent dans les deux listes mentionnées à l'article 22, paragraphe 3, que le demandeur qui est entré irrégulièrement sur le territoire des États membres ou dont les circonstances de l'entrée sur ce territoire ne peuvent être établies a séjourné dans un État membre pendant une période continue d'au moins cinq mois avant d'introduire sa demande de protection internationale, cet État membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. / Si le demandeur a séjourné dans plusieurs États membres pendant des périodes d'au moins cinq mois, l'État membre du dernier séjour est responsable de l'examen de la demande de protection internationale ".

12. D'une part, il ressort des pièces du dossier que les recherches effectuées sur le fichier européen Eurodac à partir du relevé décadactylaire de M. A...établi le 17 août 2017 ont permis de constater que les empreintes de ce dernier sont identiques à celles relevées le

17 août 2013 après son entrée en Espagne. Au regard de cet élément, le préfet du Val-de-Marne a pu légalement considérer que l'Etat membre responsable de l'examen de la demande d'asile de l'intéressé était l'Espagne. Pour ce motif, le préfet a saisi les autorités espagnoles d'une demande de reprise en charge de M. A...le 12 septembre 2017, et ces autorités ont fait connaître leur accord explicite le 18 septembre 2017, avant l'expiration du délai de douze mois mentionné au

1 de l'article 13 précité du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013.

13. D'autre part, M. A...ne peut se prévaloir des dispositions précitées du 2 de l'article 13 du règlement du 26 juin 2013 qui ne trouvent à s'appliquer que lorsqu'un Etat membre n'est pas ou n'est plus responsable de l'examen de la demande. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article 13 du règlement n°604/2013 doit être écarté.

14. En sixième lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 2. (...) / Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. / Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable ".

15. Le système européen commun d'asile a été conçu de telle sorte qu'il est permis de supposer que l'ensemble des Etats y participant respectent les droits fondamentaux. Ainsi, il est présumé que l'Espagne, Etat membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, assure un traitement des demandeurs d'asile respectueux de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Cependant, cette présomption peut être renversée s'il y a des raisons sérieuses de croire qu'il existe des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte.

16. Le requérant se borne à affirmer que l'Espagne souffre de défaillances systémiques sans produire aucun élément à l'appui de ses allégations. En l'absence de risque réel d'être soumis à des traitements inhumains ou dégradants en cas d'exécution de la décision de transfert contestée, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne doit être écarté.

17. En septième lieu, le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 pose en principe au paragraphe 1 de son article 3 qu'une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre. Cet Etat est déterminé par application des critères fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre. Toutefois, selon le même règlement, l'application des critères d'examen des demandes d'asile est écartée en cas de mise en oeuvre, soit de la clause dérogatoire énoncée au paragraphe 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre, soit de la clause humanitaire définie par le paragraphe 2 de ce même article

17 du règlement. Aux termes de l'article 17 de ce même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) 2. L'Etat membre dans lequel une demande de protection internationale est présentée et qui procède à la détermination de l'Etat membre responsable, ou l'Etat membre responsable, peut à tout moment, avant qu'une première décision soit prise sur le fond, demander à un autre Etat membre de prendre un demandeur en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels, même si cet autre Etat membre n'est pas responsable au titre des critères définis aux articles 8 à 11 et 16. Les personnes concernées doivent exprimer leur consentement par écrit ".

18. M. A...se borne à soutenir que le préfet du Val-de-Marne aurait dû mettre en oeuvre les clauses prévues par les dispositions précitées de l'article 17 du règlement (UE)

n° 604/2013 pour des motifs d'ordre humanitaire sans aucune autre précision à l'appui de cette allégation. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 ne peut qu'être écarté. Il en va de même du moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en décidant son transfert vers l'Espagne.

19. En huitième lieu, aux termes de l'article 19-3 du règlement n°604/2013 " Les obligations prévues à l'article 18, paragraphe 1, points c) et d), cessent lorsque l'État membre responsable peut établir, lorsqu'il lui est demandé de reprendre en charge un demandeur ou une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), que la personne concernée a quitté le territoire des États membres en exécution d'une décision de retour ou d'une mesure d'éloignement délivrée à la suite du retrait ou du rejet de la demande. Toute demande introduite après qu'un éloignement effectif a eu lieu est considérée comme une nouvelle demande et donne lieu à une nouvelle procédure de détermination de l'État membre responsable. ".

20. M. A...conteste la responsabilité de l'Espagne dans l'examen de sa demande d'asile au motif qu'il aurait fait l'objet en 2013 d'une mesure d'éloignement. Toutefois, aucune pièce probante ne figure au dossier permettant d'établir qu'avant d'entrer sur le territoire français pour y déposer une demande d'asile, il avait effectivement quitté le territoire des Etats membres après l'exécution par les autorités espagnoles d'une mesure d'éloignement à destination d'un Etat tiers. Les autorités espagnoles, saisies d'une demande de reprise en charge, n'ont d'ailleurs pas contesté leur responsabilité dans l'examen de sa demande d'asile, et ont accepté le

18 septembre 2017 de reprendre en charge M.A..., en application du b) du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement n° 604/2013 qui s'applique à " (...) un demandeur dont la demande est en cours d'examen et qui a présenté une demande auprès d'un autre Etat membre (...) ", sans invoquer les dispositions précitées de l'article 19 du règlement du 26 juin 2013. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 19-3 du règlement n° 604/2013 doit, en tout état de cause, être écarté.

21. En neuvième lieu, M. A...ne saurait utilement soutenir, à l'appui de sa contestation de l'arrêté préfectoral du 22 septembre 2017, qu'en l'expulsant vers l'Egypte, les autorités espagnoles auraient méconnu son droit au " non refoulement ", garanti par le paragraphe 1 de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative aux réfugiés.

22. En dernier lieu, si M. A...fait valoir sans autre précision que la décision contestée serait entachée de détournement de pouvoir, il ne l'établit pas.

Sur la légalité de la décision d'assignation à résidence :

23. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que l'arrêté du 22 septembre 2017 par lequel le préfet du Val-de-Marne a prononcé la remise de M. A...aux autorités espagnoles n'est pas illégal. Par suite, le requérant n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision à l'encontre de l'arrêté par lequel cette autorité l'a assigné à résidence.

24. En deuxième lieu, par un arrêté n° 2017/794 du 13 mars 2017, régulièrement publié au recueil des actes administratifs du même jour, le préfet du Val-de-Marne a donné à Mme F...B..., en qualité d'adjointe au chef du pôle étrangers au sein de la direction des migrations et de l'intégration, délégation de signature aux fins de signer la décision litigieuse. Si M. A...allègue que le préfet n'apporte pas la preuve de son empêchement, il appartient à la partie contestant la qualité du délégataire pour signer l'arrêté attaqué d'établir que le préfet n'était ni absent ni empêché. Toutefois, l'intéressé n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations et cette circonstance ne ressort pas non plus des pièces du dossier. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision contestée ne peut qu'être écarté.

25. En dernier lieu, si M. A...fait valoir sans autre précision que la décision contestée serait entachée de détournement de pouvoir, il ne l'établit pas.

26. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Les conclusions de sa requête tendant à l'annulation du jugement et des décisions préfectorales litigieuses doivent, par suite, être rejetées. Il en va de même, en conséquence, de ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et de celles présentées sur le fondement l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 6 février 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Appèche, président assesseur,

- Mme Jimenez, premier conseiller.

Lu en audience publique le 19 février 2019.

Le rapporteur,

J. JIMENEZLe président,

I. BROTONS

Le greffier,

S. DALL'AVA

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18PA00394


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA00394
Date de la décision : 19/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Julia JIMENEZ
Rapporteur public ?: M. CHEYLAN
Avocat(s) : SCP GUILLEMIN et MSIKA

Origine de la décision
Date de l'import : 26/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-02-19;18pa00394 ?
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