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19/02/2019 | FRANCE | N°17PA00949

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 19 février 2019, 17PA00949


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F...I...a demandé au Tribunal administratif de Paris :

1°) d'annuler l'arrêté du 14 septembre 2015 portant nomination du secrétaire général du comité national pour la mémoire et l'histoire de l'esclavage (CNMHE) et la décision du 25 septembre 2015 portant refus de prolongation de son contrat de travail et de transformation de ce contrat en contrat à durée indéterminée (CDI) ;

2°) d'annuler le contrat du 17 février 2014 et ses avenants des 28 septembre 2015 et 11 février 2016 par

lesquels Mme D...G...a été recrutée en qualité de secrétaire général du CNMHE, puis en qual...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F...I...a demandé au Tribunal administratif de Paris :

1°) d'annuler l'arrêté du 14 septembre 2015 portant nomination du secrétaire général du comité national pour la mémoire et l'histoire de l'esclavage (CNMHE) et la décision du 25 septembre 2015 portant refus de prolongation de son contrat de travail et de transformation de ce contrat en contrat à durée indéterminée (CDI) ;

2°) d'annuler le contrat du 17 février 2014 et ses avenants des 28 septembre 2015 et 11 février 2016 par lesquels Mme D...G...a été recrutée en qualité de secrétaire général du CNMHE, puis en qualité de chargée de mission, directrice de la programmation et de l'animation auprès du directeur général des outre-mer, à compter du 14 septembre 2015 et jusqu'au 16 février 2018 ;

3°) d'annuler le contrat par lequel Mme E...C...a été recrutée en qualité de chargée de mission auprès du CNMHE ;

4°) à titre principal, d'enjoindre au ministre de l'intérieur de signer un avenant transformant, à compter du 26 janvier 2014, son contrat de travail en CDI et d'enjoindre au ministre des outre-mer de le nommer en qualité de secrétaire général du CNMHE à compter du 26 janvier 2014 ; à titre subsidiaire, d'enjoindre au ministre de l'intérieur de le nommer sur des fonctions de chargé de mission ;

5°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 60 000 euros assortis des intérêts de droit capitalisés en réparation de ses préjudices.

Par un jugement n° 1519172/5-2 du 19 janvier 2017, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du ministre des outre-mer du 14 septembre 2015, la décision du ministre de l'intérieur du 25 septembre 2015 et le contrat de travail signé par Mme D...G...le 17 février 2014, a enjoint au ministre de l'intérieur de statuer à nouveau sur le renouvellement du contrat de M.I..., a condamné l'Etat à verser à M. I...la somme de 10 000 euros, et a rejeté le surplus des conclusions de M.I....

Procédure devant la Cour :

Par un recours, enregistré le 20 mars 2017, régularisé le 19 avril 2017, et par un mémoire complémentaire, enregistré le 7 juin 2017, le ministre de l'intérieur demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 19 janvier 2017, sauf en ce qu'il annule le contrat de travail signé par Mme D...G...le 17 février 2014 ;

2°) de rejeter les conclusions présentées par M. I...devant le Tribunal administratif de Paris, à l'exception des conclusions tendant à l'annulation du contrat de travail signé par Mme D...G...le 17 février 2014 ;

3°) subsidiairement, de réformer ce jugement en ramenant à 7 000 euros au plus, le montant de la condamnation qu'il a prononcée.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif a annulé l'arrêté du 14 septembre 2015 nommant M.H..., directeur général des outre-mer, en qualité de secrétaire général du CNMHE, pour détournement de pouvoir ; les circonstances de fait sur lesquelles il s'est fondé n'étaient pas de nature à démontrer un tel détournement ; la réalisation ou non des objectifs poursuivis lors de la nomination, postérieurement à cette nomination est indifférente ;

- c'est également à tort que le tribunal administratif a annulé la décision du 25 septembre 2015 refusant le renouvellement du contrat de travail de M.I..., comme ne répondant pas à l'intérêt du service ;

- en l'absence de toute illégalité fautive, M. I...ne saurait prétendre à aucune indemnisation à raison de l'absence de renouvellement de son contrat ;

- l'indemnité accordée par le tribunal administratif est excessive.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 octobre 2018, M.I..., représenté par MeB..., conclut au rejet du recours et à ce que le versement de la somme de 3 000 euros soit mis à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens invoqués par le ministre ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 4 octobre 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 26 octobre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-550 du 30 juin 1983 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le décret n° 2009-506 du 6 mai 2009 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Niollet,

- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., pour M.I....

Une note en délibéré, enregistrée le 6 février 2019, a été présentée par Me B...pour M. I....

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement n° 1404769/5-1 du 16 juin 2015, le Tribunal administratif de Paris a, annulé, d'une part, les décisions du ministre de l'intérieur des 8 octobre 2013 et du 6 février 2014, refusant de renouveler le contrat à durée déterminée dont M. F...I...était titulaire en qualité de chargé de mission, secrétaire général du comité pour la mémoire et l'histoire de l'esclavage et, d'autre part, les arrêtés des 22 janvier 2014 mettant mis fin aux fonctions de M. I...en qualité de secrétaire général du comité national pour la mémoire et l'histoire de l'esclavage (CNMHE) et nommant Mme D...G...en cette qualité.

2. Par arrêté du 14 septembre 2015, le ministre des outre-mer a nommé M. A...H..., directeur général des outre-mer, en qualité de secrétaire général du CNMHE. Le 25 septembre 2015, le ministre de l'intérieur a par conséquent, refusé de renouveler le contrat de travail de M. I...et de le transformer en contrat à durée indéterminée (CDI). Le 28 septembre 2015 et le 11 février 2016, le ministre de l'intérieur et Mme G...ont conclu deux avenants au contrat par lequel Mme G...avait été recrutée en qualité de secrétaire général du CNMHE le 17 février 2014, pour lui confier les fonctions de chargée de mission, directrice de la programmation et de l'animation auprès du directeur général des outre-mer.

3. Par un jugement n° 1519172/5-2 du 19 janvier 2017, le Tribunal administratif de Paris a, à la demande de M.I..., annulé l'arrêté du ministre des outre-mer du 14 septembre 2015, la décision du ministre de l'intérieur du 25 septembre 2015 et le contrat de travail signé par Mme D...G...le 17 février 2014, a enjoint au ministre de l'intérieur de statuer à nouveau sur le renouvellement du contrat de M.I..., et a condamné l'Etat à verser à M. I... la somme de 10 000 euros. Le ministre de l'intérieur fait appel de ce jugement en ce qu'il a annulé l'arrêté du 14 septembre 2015 et la décision du 25 septembre 2015, et prononcé cette injonction et cette condamnation.

4. Aux termes de l'article unique de la loi du 30 juin 1983 visée ci-dessus : " (...) Il est instauré un comité de personnalités qualifiées, parmi lesquelles des représentants d'associations défendant la mémoire des esclaves, chargé de proposer, sur l'ensemble du territoire national, des lieux et des actions qui garantissent la pérennité de la mémoire de ce crime à travers les générations. La composition, les compétences et les missions de ce comité sont définies par un décret en Conseil d'Etat (...) ". Aux termes de l'article 1er du décret du 6 mai 2009 visé ci-dessus pris en application de cette loi : " Le comité institué par la loi du 30 juin 1983 susvisée est dénommé "Comité national pour la mémoire et l'histoire de l'esclavage" ". L'article 7 du même décret prévoit : " Le comité est assisté par un secrétaire général nommé par le ministre chargé de l'outre-mer / Pour la réalisation des missions du comité, le secrétaire général peut faire appel aux services des ministères chargés de l'exécution du présent décret ".

5. Pour annuler l'arrêté du 14 septembre 2015 nommant M.H..., directeur général des outre-mer, en qualité de secrétaire général du CNMHE, comme entaché de détournement de pouvoir, le tribunal administratif a estimé dans son jugement du 19 janvier 2017 que cet arrêté avait pour objet de justifier le rejet de la demande de M. I...tendant au renouvellement du contrat de travail dont il était titulaire en cette même qualité de secrétaire général, et dont le tribunal administratif avait dans son jugement du 16 juin 2015 ordonné le réexamen.

6. Le ministre de l'intérieur a affirmé dans sa décision du 25 septembre 2015 et a persisté à soutenir en première instance et en appel, en se référant aux travaux d'une mission d'évaluation du CNMHE conduite en novembre 2012, que la nomination de M. H...visait à renforcer les relations entre le comité et les services de la direction générale des outre-mer (DGOM), et à permettre au comité de s'appuyer sur le réseau territorial de la DGOM (préfectures et hauts commissariats), et que cette nomination trouvait, de surcroît, une justification dans la proximité existant entre la DGOM et le CNMHE. Toutefois il ne ressort pas des pièces du dossier, eu égard notamment aux mentions du compte rendu de la réunion de la direction générale des outre mer du 18 août 2015 selon lesquelles " M. I...vient d'interjeter appel pour obtenir des réparations financières. Il faut proposer au DGOM un arrêté nommant ce dernier secrétaire général du CHMHE ", que la nomination de M. H...en septembre 2015 soit quelques mois après la décision du tribunal du 16 juin 2015, aurait pour objet les objectifs allégués par le ministre de mise en oeuvre des recommandations de cette mission d'évaluation conduite trois ans auparavant.

7. Si le ministre de l'intérieur soutient aussi que la nomination de M. H...impliquerait " nécessairement, par elle-même, un renforcement des liens organiques et fonctionnels entre ces deux structures " (DGOM et CNMHE), et fait état des qualités personnelles de M.H..., il ne produit aucune pièce de nature à établir la réalité de l'activité de M. H...en qualité de secrétaire général du CNMHE, alors qu'il est constant qu'à la suite de la nomination de M. H...par l'arrêté du 14 septembre 2015, le ministre et Mme G... ont le 28 septembre 2015 et le 11 février 2016, conclu deux avenants au contrat par lequel Mme G...avait été recrutée en qualité de secrétaire général du CNMHE le 17 février 2014, pour lui confier les fonctions de chargée de mission, directrice de la programmation et de l'animation auprès du directeur général des outre-mer, et alors qu'il ressort de la page du site Internet du CNMHE consacrée à la présentation de ce comité, dans sa version du 7 novembre 2016, que Mme G...a continué à se présenter comme secrétaire général de ce comité.

8. Si le ministre de l'intérieur fait également état de la mise en place de la mission de préfiguration de la " Fondation pour la mémoire de l'esclavage ", lancée au mois d'août 2016, et de la remise du rapport de cette mission le 8 mars 2017, et soutient que ces évènements auraient ouvert " une période d'incertitude quant à l'avenir du CNMHE ", ces circonstances intervenues près d'un an puis 18 mois après la nomination de M.H..., ne peuvent suffire à la justifier compte tenu de ce qui vient d'être dit aux points 6 et 7.

9. Enfin si le ministre de l'intérieur soutient que la nomination de M. H...en remplacement de M. I...aurait permis de dégager des marges de manoeuvre budgétaires et de recruter deux autres personnes, Mmes G...etC..., il ne l'établit pas. Le ministre de l'intérieur n'est donc pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 14 septembre 2015 nommant M. H...en qualité de secrétaire général du CNMHE.

10. Compte tenu de ce qui vient d'être dit, le ministre de l'intérieur n'est pas davantage fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé sa décision du 25 septembre 2015, refusant en raison de la nomination de M. H...en qualité de secrétaire général du CNMHE, le renouvellement du contrat de travail de M.I..., au motif que cette décision ne répondait pas à des motifs relevant de l'intérêt du service, que le tribunal lui a enjoint de statuer à nouveau sur l'éventualité d'un renouvellement du contrat de M. I... en qualité de secrétaire général du CNMHE, et qu'il a condamné l'Etat à verser à M. I...une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de la même décision.

11. En revanche, ainsi que l'ont estimé le tribunal à deux reprises et la Cour dans son arrêt du 28 juin 2016, il ne résulte pas de l'instruction que les décisions de non renouvellement de son contrat auraient porté atteinte à la réputation de M.I.... Par ailleurs, M. I...n'a aucun droit au renouvellement de son contrat, non plus qu'à la transformation de celui-ci en contrat à durée indéterminée et cela, alors même qu'il aurait donné entièrement satisfaction dans l'exercice de ses fonctions. En outre, l'intéressé ne saurait prétendre au versement d'une indemnité correspondant aux revenus qu'il aurait perçus en cas de renouvellement du contrat. Dans ces conditions, compte tenu de l'indemnité de 7 000 euros tous chefs de préjudices confondus y compris moral, qui a été accordée à M. I...par l'arrêt de la Cour mentionné ci-dessus du 28 juin 2016, à la suite de l'annulation par le jugement du Tribunal administratif de Paris du 16 juin 2015, mentionné au point 1 ci-dessus, des décisions du 8 octobre 2013 et du 6 février 2014 et des arrêtés du 22 janvier 2014, et en l'absence d'élément permettant d'établir qu'il aurait subi d'autres préjudices par la suite, il ne peut prétendre qu'à l'indemnisation du seul préjudice moral résultant de la décision du ministre du 25 septembre 2015 réitérant son refus de renouveler le contrat dont il était titulaire. Le ministre de l'intérieur est donc fondé à demander que le montant de la nouvelle indemnité qui a été accordée à M. I...par le jugement attaqué du 19 janvier 2017, soit ramené à 3 000 euros en réparation de ce préjudice.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. I...et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le montant de l'indemnité que l'Etat a été condamné à verser à M. I...par le jugement n° 1519172/5-2 du Tribunal administratif de Paris du 19 janvier 2017 est ramené à 3 000 euros, tous intérêts compris.

Article 2 : Le jugement n° 1519172/5-2 du Tribunal administratif de Paris du 19 janvier 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er.

Article 3 : Le surplus des conclusions du recours du ministre de l'intérieur est rejeté.

Article 4 : L'Etat versera à M. I...une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, au ministre des outre-mer et à M. F...I....

Délibéré après l'audience du 5 février 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- Mme Labetoulle, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 février 2019.

Le rapporteur,

J-C. NIOLLETLe président,

O. FUCHS TAUGOURDEAU

Le greffier,

P. TISSERAND

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

7

N° 17PA00949


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA00949
Date de la décision : 19/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-12-03-02 Fonctionnaires et agents publics. Agents contractuels et temporaires. Fin du contrat. Refus de renouvellement.


Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: M. Jean-Christophe NIOLLET
Rapporteur public ?: M. BAFFRAY
Avocat(s) : SCP ARVIS et KOMLY-NALLIER

Origine de la décision
Date de l'import : 26/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-02-19;17pa00949 ?
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