Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 13 mars 2017 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant son pays de renvoi.
Par un jugement n° 1709951 du 23 novembre 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée 16 avril 2018, MmeA..., représentée par Me Trorial, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 23 novembre 2017 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du 13 mars 2017 du préfet de police ;
3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de la somme de 50 euros par jour de retard, et à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de police de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour pour toute la durée de ce réexamen, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son avocate, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
Sur la décision de refus de titre de séjour :
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle a été prise en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Sur la décision d'obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale à raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle a été prise en violation des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle a été prise en violation des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire enregistré le 7 novembre 2018, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 mars 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention des droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Julliard a été entendu au cours de l'audience publique
Considérant ce qui suit :
1. Mme B...A..., ressortissante malienne née le 12 mai 1990, est entrée en France le 7 avril 2012 et a bénéficié d'un droit au séjour sur le fondement du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en qualité de conjointe de Français. Par un jugement du 3 décembre 2015 le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 5 février 2015 rejetant sa demande de renouvellement de son titre de séjour et a enjoint au préfet de police de réexaminer sa situation. Par un arrêt du 6 décembre 2016, la Cour administrative d'appel de Paris a annulé le jugement précité. Toutefois le préfet a procédé au réexamen de la demande de l'intéressée et a pris un arrêté du 13 mars 2017 refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi. Mme A...relève appel du jugement du 23 novembre 2017 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :
2. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7.(...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que Mme A...est arrivée en France à l'âge de 21 ans le 7 avril 2012, sous couvert de son passeport revêtu d'un visa Schenghen pour y rejoindre son époux français et y a séjourné régulièrement jusqu'à l'expiration, le 24 mars 2014, d'un titre de séjour délivré en qualité de conjointe de Français dont le renouvellement lui a été refusé en raison de la rupture de la vie commune. Il n'est pas contesté qu'elle a déposé une main courante pour violences conjugales le 24 décembre 2012, suivie d'une plainte pénale pour viols déposée le 30 janvier 2013 contre son époux et qu'elle a été hébergée du 21 février 2013 au 2 juin 2016 dans un appartement du foyer Louise Labé, spécialisé dans l'accueil des femmes battues, adresse corroborée par les bulletins de paye et les déclarations d'impôt sur le revenu, produits au dossier. Il est également constant qu'elle résidait en France depuis près de cinq ans à la date de la décision attaquée, qu'elle est mère d'un enfant né en France le 8 novembre 2016 et qu'elle établit travailler depuis 2012. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, elle est fondée à soutenir que son admission au séjour répond à des considérations humanitaires, au sens des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. Il résulte de ce qui précède que Mme A...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 mars 2017 refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
5. Les motifs qui s'attachent à l'annulation de l'arrêté du 13 mars 2017 refusant de délivrer un titre de séjour à Mme A...sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, impliquent nécessairement que le préfet de police lui délivre un tel titre dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 mars 2018. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et tendant à la mise à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros à verser à son avocate, doivent être regardées comme également présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Trorial renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de ce dernier le versement à Me Trorial de la somme de 1 500 euros.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1709951 du 23 novembre 2017 du Tribunal administratif de Paris et l'arrêté du 13 mars 2017 refusant de délivrer à Mme A...un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de délivrer à Mme A...un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Trorial, avocate de MmeA..., une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Trorial renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera délivrée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 18 janvier 2019 à laquelle siégeaient :
- Mme Heers, président de chambre,
- Mme Julliard, présidente-assesseure,
- M. Mantz, premier conseiller,
Lu en audience publique le 15 février 2019.
La rapporteure,
M. JULLIARD
Le président,
M. HEERS
Le greffier,
F. DUBUY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA01289