Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Vos formations aux meilleurs prix a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 8 décembre 2016 par lequel le ministre de l'intérieur a accordé à l'association UMIH Formation le renouvellement de son agrément au titre de l'article L. 3332-1-1 du code de la santé publique.
Par un jugement n° 1701421/6-1 du 20 octobre 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 18 décembre 2017 et le 10 juillet 2018, la société Vos formations aux meilleurs prix, représentée par MeA..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1701421/6-1 du 20 octobre 2017 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du ministre de l'intérieur en date du 8 décembre 2016 accordant à l'association UMIH Formation le renouvellement de son agrément au titre de l'article L. 3332-1-1 du code de la santé publique ;
3°) d'enjoindre au ministre de produire l'intégralité du dossier de demande de renouvellement d'agrément par l'association UMIH Formation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté contesté a été pris alors que le dossier de demande ne comprenait pas l'ensemble des pièces requises par l'article R. 3332-6 du code de la santé publique, en l'absence de l'attestation relative à l'indépendance économique et du calendrier des sessions de formation ; les premiers juges ne pouvaient écarter le moyen sans enjoindre au ministre de produire l'intégralité du dossier présenté par l'association UMIH Formation ;
- l'arrêté attaqué méconnaît l'article R. 3332-6 du code de la santé publique dès lors que UMIH Formation est une association créée par l'union des métiers et des industries de l'hôtellerie et dont les membres du comité exécutif exercent eux-mêmes dans le secteur et se trouve donc en situation de dépendance économique avec des établissements du secteur ; les objectifs de protection de la santé publique et de défense de l'intérêt général exigent que tout lien entre les établissements du secteur et l'organisation de la formation à destination des gérants de débit de boissons soit éliminé ;
- elle se trouve ainsi en situation de concurrence déloyale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 mars 2018, l'association UMIH Formation, représentée par Me Pech de Laclause, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société requérante la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le moyen tiré de l'absence d'indépendance économique vis-à-vis des établissements du secteur est inopérant dès lors qu'en vertu de l'article R. 3332-6 du code de la santé publique, le ministre doit seulement s'assurer de la présence au dossier de l'attestation requise par les textes ;
- les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés ;
- à supposer que l'exigence d'indépendance économique vis-à-vis d'un établissement du secteur doive être interprétée comme excluant la présence dans un organisme de formation de professionnels du secteur comme tout lien avec un syndicat professionnel du secteur, l'article R. 3332-6 du code de la santé publique devrait alors être écarté comme contraire aux dispositions de l'article 52 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et comme édicté par une autorité incompétente, dès lors qu'une telle restriction relèverait de la compétence du pouvoir législatif ;
- la requête revêt un caractère abusif.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 juillet 2018, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- le moyen tiré de l'absence d'indépendance économique est inopérant, dès lors qu'il appartient seulement à l'administration de vérifier que l'attestation requise est bien produite à l'appui de la demande d'agrément ;
- les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Guilloteau,
- les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public,
- et les observations de Me B...substituant Me Pech de Laclause, avocat de l'association UMIH Formation.
Considérant ce qui suit :
1. Par la présente requête, la société Vos formations aux meilleurs prix demande l'annulation du jugement du 20 octobre 2017 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 décembre 2016 par lequel le ministre de l'intérieur a renouvelé l'agrément de l'association UMIH Formation au titre de l'article L. 3332-1-1 du code de la santé publique.
2. Aux termes de l'article L. 3332-1-1 du code de la santé publique : " toute personne déclarant l'ouverture, la mutation, la translation ou le transfert d'un débit de boissons à consommer sur place de deuxième, troisième et quatrième catégorie ou toute personne déclarant un établissement pourvu de la " petite licence restaurant " ou de la " licence restaurant " doit suivre une formation spécifique sur les droits et obligations attachés à l'exploitation d'un débit de boissons ou d'un établissement pourvu de la " petite licence restaurant " ou de la " licence restaurant ". /Toute personne visée à l'article L. 3331-4 doit suivre une formation spécifique sur les droits et obligations attachés à la vente à emporter de boissons alcooliques entre 22 heures et 8 heures./ (...) Tout organisme de formation établi sur le territoire national qui dispense les formations visées aux alinéas précédents doit être agréé par arrêté du ministre de l'intérieur.".
3. L'article R. 3332-6 du même code dispose ainsi que : " Les demandes d'agrément comportent (...) un formulaire par lequel l'organisme atteste de son indépendance économique avec tout établissement relevant du secteur des cafés, hôtels, restaurants et discothèques ainsi qu'avec toute entreprise ou organisme exerçant dans les secteurs de l'alcool ou du tabac ; ( ...) / La demande de renouvellement d'agrément comporte en outre le calendrier des sessions réalisées et les effectifs accueillis. " et l'article R. 3332-9 que : " Lorsque les conditions de délivrance de l'agrément mentionnées à l'article R. 3332-5, le critère d'indépendance économique mentionné à l'article R. 3332-6 ou les obligations fixées à l'article R. 3332-7 ou à l'article R. 3332-8 ne sont pas respectées par l'organisme, l'agrément peut lui être retiré par arrêté du ministre de l'intérieur après que celui-ci l'a mis en mesure de présenter ses observations. ".
4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que par un courrier reçu le 4 juillet 2016, l'association UMIH Formation a adressé au ministre de l'intérieur le formulaire Cerfa d'attestation sur l'honneur prévu par ces dispositions. L'association UMIH Formation produit également un extrait de la liste des formations effectuées d'août 2011 au 20 mai 2016 et de la liste des formations pour l'année 2016, effectuées ou planifiées jusqu'en décembre 2016, qu'elle indique avoir produit à l'appui de sa demande de renouvellement, comme le confirme le ministre de l'intérieur. La société requérante se borne à se prévaloir d'un courrier en date du 13 avril 2017 par lequel le ministre de l'intérieur lui a indiqué que le dossier de demande de renouvellement de l'organisme de formation avait été déposé le 24 mai 2016, qu'avait été demandée la production de pièces initialement manquantes et que l'agrément n'avait été délivré qu'après la réception de l'ensemble des pièces, et n'apporte pas de commencement de preuve à l'appui de son allégation selon laquelle le dossier n'aurait pas comporté l'ensemble des pièces requises, comme le mentionne l'arrêté du 8 décembre 2016. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure de délivrance du renouvellement de l'agrément doit être écarté, sans qu'il soit besoin de diligenter la mesure d'instruction sollicitée.
5. En second lieu, la circonstance que le comité exécutif de l'association UMIH Formation soit composé par des personnes gérants ou propriétaires d'hôtels, de restaurants ou entreprises de traiteur ne suffit pas à démontrer, en l'absence en particulier de tout élément concernant l'existence de liens financiers, une situation de dépendance économique de l'organisme de formation vis-à-vis d'un établissement relevant du secteur des cafés, hôtels, restaurants et discothèques. De même, le fait que l'association UMIH Formation a été créée par un syndicat professionnel et comporte parmi ses dirigeants des responsables syndicaux ne permet pas de regarder cette association comme étant en situation de dépendance économique vis-à-vis de tels établissements, ni davantage vis-à-vis d'une entreprise ou d'un organisme exerçant dans les secteurs de l'alcool ou du tabac.
6. Il résulte de tout ce qui précède que la société Vos Formations aux meilleurs prix n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de sa requête.
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société Vos formations aux meilleurs prix demande au titre des frais de l'instance. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la société requérante une somme de 1 500 euros à verser à l'association UMIH Formation sur le fondement des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Vos formations aux meilleurs prix est rejetée.
Article 2 : La société Vos formations aux meilleurs prix versera à l'association UMIH Formation une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Vos formations aux meilleurs prix, au ministre de l'intérieur et à l'association UMIH Formation.
Délibéré après l'audience du 31 janvier 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Luben, président,
- Mme Larsonnier, premier conseiller,
- Mme Guilloteau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 février 2019.
Le rapporteur,
L. GUILLOTEAULe président,
I. LUBEN
Le greffier,
Y. HERBER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA03827